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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 148

Le mardi 17 octobre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 17 octobre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je demande :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, pour la séance d’aujourd’hui, cinq déclarations additionnelles soient ajoutées au début des déclarations de sénateurs, en raison des récentes attaques en Israël et de la situation au Moyen-Orient.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La tragédie en Israël

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est le cœur gros que je prends la parole aujourd’hui, non pas à titre de représentant du gouvernement au Sénat, mais en tant qu’être humain et que Juif.

Permettez-moi d’abord de remercier tous ceux et celles qui ont communiqué avec moi depuis une semaine et demie. Votre soutien et votre compréhension me touchent plus profondément que vous ne pouvez vous l’imaginer.

Les Juifs ont été surnommés les « gens du Livre » parce que les mots ont leur importance. Les mots peuvent réconforter et ils peuvent guérir, mais il arrive parfois qu’ils nous manquent. Nous vivons un de ces moments, du moins en ce qui me concerne.

Quels mots pourraient rendre l’horreur dont nous avons été témoins samedi de la semaine dernière, soit le jour du shabbat juif? Quels mots pourraient effacer les images d’enfants arrachés à leurs parents et abattus devant leurs yeux qui se sont imprimées dans l’esprit des Juifs du monde entier ou leur faire oublier la boucherie et le massacre systématiques dont leurs semblables ont été victimes dans ce qui fut la plus mortelle des attaques contre des Juifs depuis l’Holocauste? Je n’en trouve aucun.

Comme des millions de Juifs de par le monde, j’ai de la famille et des amis en Israël. Certains se sont rendus directement en Israël dès leur sortie d’un camp de concentration, d’autres sont allés vivre sur la terre ancestrale du peuple juif. Certains combattent en première ligne, d’autres vivent précisément là où le Hamas a frappé. En effet, chers collègues, au moment où je vous parle, certains d’entre eux sont retenus en otage à Gaza.

Chers collègues et amis, cette situation me touche personnellement. Face à une telle brutalité, une telle inhumanité et une telle horreur, j’aimerais trouver les mots pour réconforter tous les gens qui sont en deuil et qui tremblent et souffrent dans la peur, mais les mots me manquent; par conséquent, je me tourne vers ma propre tradition pour qu’elle me guide.

Dans le traité Pirkei Avot, un texte rabbinique qui a été rédigé il y a 18 siècles, il est écrit qu’il ne faut pas offrir de réconfort à quelqu’un tant que ses défunts sont encore devant lui. Le mieux que je puis faire est donc de ressentir la douleur et la perte, ainsi que la peur et l’effroi, qui ont frappé mon peuple; d’honorer la mémoire des morts; de pleurer avec la famille, les amis et la communauté des disparus; d’espérer un prompt rétablissement pour les blessés; d’œuvrer pour la libération de tous les otages; d’espérer que les victimes innocentes piégées à Gaza, quelle que soit leur religion ou leur nationalité, reçoivent l’aide humanitaire dont elles ont désespérément besoin; et de prier pour que tous ces gens — leur famille, leurs amis et leurs bons voisins, toutes les personnes innocentes prises dans cette guerre brutale — échappent à d’autres souffrances.

Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Chers collègues, tandis que la plupart d’entre nous dormaient sur leurs deux oreilles le vendredi 6 octobre, les sirènes ont retenti dans le Centre et le Sud d’Israël, prévenant la population de l’imminence de bombardements. Ce son n’est pas étranger à quiconque vit en Israël, mais ce qui était sur le point de se produire quand le soleil a commencé à se lever le lendemain matin était loin d’être ordinaire et allait secouer le monde entier.

Pendant que les roquettes fendaient le ciel par milliers, bombes et bulldozers créaient une brèche dans la clôture séparant Israël de Gaza et ouvraient le passage aux terroristes armés du Hamas. Les djihadistes ont déferlé sur le pays par voie aérienne, maritime et terrestre avec l’intention claire et préméditée de soumettre hommes, femmes et enfants à des atrocités sans nom.

Comme nous l’ont ultérieurement appris les enregistrements vidéo et les témoignages oculaires, le Hamas a envahi 22 localités et, dans une manifestation de haine inqualifiable, ils ont ouvert le feu sur des maisons sans protection et tué sans distinction femmes, enfants et aînés. À un endroit, plus d’une quarantaine de bébés ont été massacrés, certains par décapitation. On pouvait voir leurs couchettes ensanglantées sur certaines vidéos, comme une preuve silencieuse de la barbarie de leurs attaquants. Dans un festival de musique, des jeunes se sont retrouvés sous une pluie de balles et de grenades propulsées par fusée; 200 d’entre eux ont perdu la vie. Ceux qui ont fui ou qui se sont cachés ont été poursuivis pendant des heures par leurs agresseurs, et ceux qui étaient retrouvés étaient exécutés sommairement et de sang-froid. Des familles entières — femmes, enfants, aînés et même invalides — ont été enlevées pour servir d’otages ou pour être exécutées de sang-froid un peu plus tard. Les femmes étaient agressées et violées, puis on les faisait parader comme des trophées. En tout et pour tout, plus de 1 300 civils ont été massacrés.

Voilà, chers collègues, le vrai visage du Hamas. Ce groupe djihadiste islamiste et antisémite s’est donné comme mission d’annihiler le peuple juif et de détruire l’État juif. Ces attaques ont été perpétrées par des hommes sadiques et profondément mauvais qui n’ont aucune conscience et qui prennent plaisir à commettre les gestes les plus barbares qu’on puisse imaginer et à s’en vanter.

Or, si j’ai été horrifié de voir le carnage sanglant auquel se sont livré les terroristes, j’ai été stupéfait de voir plus tard une vague de manifestations pro-palestiniennes célébrant le massacre et acclamant les terroristes. Dans des villes partout au Canada, des manifestants ont dansé, défilé et agité leurs drapeaux comme s’il s’agissait d’une sorte de victoire pour leur cause. C’était révoltant.

Il n’y a rien à célébrer ici, chers collègues. Cette cruauté ne fait que promouvoir un programme diabolique.

Aujourd’hui, j’appuie Israël et son droit de se défendre, et j’encourage tous les sénateurs et les Canadiens à faire de même.

Merci, honorables collègues.

Des voix : Bravo!

(1410)

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, le 7 octobre dernier, le mouvement terroriste Hamas lançait depuis la bande de Gaza une attaque d’une rare violence et d’une barbarie extrême sur le territoire de l’État d’Israël. Tristement, ce jour marque déjà l’histoire de l’humanité comme le plus meurtrier pour le peuple juif depuis l’Holocauste, avec des pertes de vies qui se chiffrent à près de 1 500, sans compter les quelque 3 500 blessés.

En dénonçant sans équivoque cette attaque barbare et inhumaine, nos pensées vont aux proches et aux victimes israéliennes, militaires en devoir et civils innocents, parmi lesquels des Israélo‑Canadiens. Ce fanatisme a maintenant comme conséquences que la région est en état de guerre et en crise humanitaire.

Nos pensées s’étendent aussi aux civils palestiniens, dont les pertes de vie se chiffrent à près de 2 500, et les blessés à plus de 10 000. Un décompte qui surpasse les décès survenus au cours des six semaines de la guerre de Gaza, en 2014 — un autre triste record historique. Piégés dans la bande de Gaza, des civils tentent toujours de survivre dans les terribles conditions d’une zone de guerre, innocentes victimes de l’escalade que l’attentat terroriste du Hamas a entraînée.

Ces crimes horribles ne peuvent rester impunis. La résolution de ce conflit, qui perdure depuis des décennies, est d’une grande complexité et nous avons peine à garder l’espoir d’une solution pacifique. Pourtant, il faut garder espoir. Aucune solution au conflit entre Israël et la Palestine n’est possible avec la violence. Comme le disait Albert Camus : « la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. »

[Traduction]

Je saisis l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour exhorter les acteurs de ce conflit à agir dans le respect du droit international et humanitaire, à respecter la Convention de Genève et à donner la priorité à la sauvegarde et à la protection de la vie des civils innocents. Se tourner vers le terrorisme et l’extrémisme religieux est et sera toujours inacceptable. En ce moment déterminant, j’appelle à la retenue, à la réflexion, au dialogue et au sang-froid; la retenue et la réflexion doivent également être de mise dans notre pays diversifié.

Je salue également le travail accompli par le gouvernement canadien et nos fonctionnaires, notamment ceux qui travaillent dans la diplomatie et la gestion des urgences, pour aider et protéger les citoyens canadiens sur le terrain en Israël et à Gaza, tout en composant avec des situations difficiles indépendantes de leur volonté.

Chers collègues, je prends position ici pour la paix et les droits de la personne, tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens.

En mon nom et au nom de tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants, j’offre nos plus sincères condoléances et notre soutien aux victimes innocentes de ce conflit et j’exhorte toutes les parties concernées à s’efforcer de trouver des solutions pacifiques et durables dans l’intérêt des deux peuples ainsi que pour éviter que la situation ne dégénère en conflit régional. Nous devons faire front commun pour la paix.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je prends la parole au nom de tous les membres du Groupe des sénateurs canadiens à propos des attaques horrifiantes qui ont eu lieu en Israël et de la catastrophe humaine qui se déroule maintenant à Gaza. En tant que citoyens du monde, nous sommes, à juste titre, horrifiés et atterrés.

En tant que parlementaires, nous devons avoir un regard lucide et exhorter le gouvernement à s’employer à atténuer la douleur de tous les gens concernés en offrant de l’aide là où elle est nécessaire. Il faut presser le gouvernement d’exercer une influence diplomatique sérieuse afin d’éviter que l’horrible contagion de la guerre ne se répande.

Le Canada a une forte tradition de promotion de la paix et de défense des droits de la personne dans le monde. Lorsque l’ancien premier ministre canadien Lester B. Pearson a accepté le prix Nobel de la paix en 1957, il a déclaré ceci :

De tous nos rêves aujourd’hui, aucun n’est plus important — et difficile à réaliser — que celui de la paix dans le monde. Ne perdons jamais la foi en la paix ou notre résolution de faire tout ce qui est possible pour qu’elle devienne un jour réalité.

Chers collègues, c’est le rôle du Canada dans le monde et aujourd’hui plus que jamais.

Nous vivons des temps difficiles, et la perspective de jours encore plus sombres nous attend. L’espoir est difficile à trouver face à la terreur et à l’horreur, mais puissions-nous toujours être animés par la conviction que la paix prévaudra toujours.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénatrices et sénateurs, je veux ajouter ma voix à celles des sénateurs Gold et Plett, ainsi qu’à celles de la sénatrice Saint-Germain et du sénateur Tannas à la suite des actes de barbarie survenus en Israël.

D’abord, j’offre à tous ceux qui ont perdu un membre de leur famille ou un ami, en particulier nos compatriotes canadiens, mes plus sincères condoléances. À ceux qui sont sans nouvelles d’un être cher, je dis : gardons espoir.

Ensuite, je veux exprimer notre solidarité envers Israël et son peuple et notre condamnation des actes injustifiables commis par les membres du Hamas, une organisation terroriste qui n’hésite pas à tuer, blesser ou enlever des civils innocents, dont des enfants.

[Traduction]

À mon avis, les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre sont de nettes violations des droits fondamentaux de la personne et ne peuvent se justifier aux termes du droit international, y compris des règles de la guerre. En fait, il s’agit d’actes barbares qui confirment que le Hamas est une organisation terroriste qu’il faut neutraliser.

Évidemment, Israël a le droit de rétablir la loi et l’ordre à l’intérieur de ses frontières. En fait, il a le devoir de protéger ses citoyens et ses visiteurs contre toute répétition de ces actes aberrants.

Il faudra tenir les pays et les organismes qui ont appuyé le Hamas responsables de leur complicité dans les atrocités commises. Pour l’instant, le moins qu’ils puissent faire est de travailler diligemment à la libération de tous les otages. J’invite également le Canada à exercer un leadership mondial pour aider à faire libérer tous les otages.

Enfin, étant donné les atrocités perpétrées contre des civils, j’ai été profondément attristé de voir, la semaine dernière, des groupes manifester leur appui au Hamas dans des villes canadiennes. Chers collègues, notre pays repose sur la primauté du droit et le respect de la vie et de la dignité de chacun, quelles que soient ses origines, ses croyances, sa religion ou ses opinions. Ces valeurs fondamentales font partie de notre contrat social en tant que pays. Réaffirmons-les donc haut et fort.

La haine et les actes d’appui au Hamas n’ont pas leur place au Canada. J’invite tous les leaders et tous les influenceurs, qu’ils soient politiques ou religieux, à réaffirmer ces valeurs et à réclamer une paix durable au Moyen-Orient fondée sur le respect mutuel et la solution à deux États.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes de l’attaque du Hamas contre Israël.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

(1420)

[Français]

Son Honneur la Présidente : Merci, chers collègues.

[Traduction]

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancienne collègue l’honorable Linda Frum.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Don et Carolyn Murdoch, qui sont accompagnés de Thane et Kelly Higgs. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Plett.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de la sensibilisation au cancer du sein

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour attirer l’attention sur une cause qui est très importante pour beaucoup d’entre nous. Octobre est le Mois de la sensibilisation au cancer du sein, et je prends un instant pour parler de ce sujet et des raisons pour lesquelles les campagnes de sensibilisation demeurent cruciales.

Des sénateurs et leur personnel s’activent bel et bien pour faire avancer cette cause. Cette année, l’équipe Sensations du Sénat, organisée par Karma Macgregor, qui fait partie du personnel conservateur, a participé pour la 8e fois à la Course à la vie CIBC. En plus de sensibiliser la population, l’équipe a recueilli plus de 12 000 $ pour financer la recherche et le soutien pour cette cause. Je remercie tous ceux qui ont organisé l’activité, qui y ont participé et qui ont fait des dons. Il ne fait aucun doute que le cancer du sein a touché les vies de beaucoup de gens.

Selon les estimations, environ 1 Canadienne sur 8 développera un cancer du sein au cours de sa vie et, honorables sénateurs, 1 Canadienne sur 34 en mourra.

Exception faite des cancers de la peau avec mélanome bénin, le cancer du sein est la cause la plus fréquente de cancer chez les Canadiennes et la deuxième cause de décès attribuable au cancer. Nous savons qu’un dépistage et un traitement précoces donnent lieu à de meilleurs résultats et, bien que ces statistiques puissent paraître effrayantes, le taux de mortalité a en fait diminué depuis le pic atteint en 1986. Cette amélioration est probablement due au perfectionnement des techniques de dépistage et de traitement. Plus de 80 % des cas de cancer du sein chez la femme sont diagnostiqués au stade 1 ou 2. Au Canada, la probabilité de survivre au moins cinq ans après le diagnostic est d’environ 89 %. Ces statistiques encourageantes nous rappellent à quel point il est important d’être vigilantes et de se faire dépister régulièrement.

Statistique Canada a signalé une baisse des diagnostics de cancer en 2020, généralement attribuée aux perturbations des services de dépistage qui se sont produites au début de la pandémie de COVID-19. L’effet domino de cette situation pourrait avoir des effets dévastateurs. Des dépistages manqués ou retardés conduiront à des diagnostics manqués ou retardés.

Cancer du sein Canada a récemment lancé son initiative de recherche PROgress, où les majuscules P-R-O signifient « patient-reported outcomes », soit « résultats rapportés par les patients ». Nous avons besoin de plus de données, et cette approche constitue l’un des moyens d’y parvenir. À l’heure actuelle, le Canada ne compile pas de statistiques sur les taux de dépistage en fonction de la race pour aider à cerner et à combattre les disparités raciales, qui, comme nous le savons, sont bien réelles.

Honorables collègues, je vous invite à vous joindre à moi et à souligner le Mois de la sensibilisation au cancer du sein en encourageant les femmes admissibles à participer à des tests de dépistage. C’est en démontrant tous ensemble notre soutien à l’égard de ceux et celles qui luttent contre cette maladie que nous pourrons améliorer le sort de tout le monde.

Merci.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de l’Association canadienne des parcs et loisirs. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’Association canadienne des parcs et loisirs

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord remercier une fois de plus mes collègues pour leurs paroles concernant la récente attaque terroriste et le Hamas.

Je prends la parole aujourd’hui afin de parler d’une journée importante qui concerne tous les Canadiens, ainsi que leur santé et leur bien-être. En effet, nous soulignons aujourd’hui la journée de l’Association canadienne des parcs et loisirs sur la Colline. Ce matin, certains d’entre vous ont eu l’occasion de rencontrer certains de ses représentants dans le magnifique salon des sénateurs ou dans le cadre de réunions tout au long de la journée.

Ils sont ici pour discuter avec nous et continuer de nous sensibiliser à la contribution du secteur des parcs et des loisirs à la société canadienne. Songez à ce que cela signifie dans votre collectivité.

Dans ma jeunesse, j’ai travaillé pour les services des parcs et des loisirs de ma localité. Dans le service des parcs, je devais m’occuper de l’entretien de l’ensemble des propriétés et des parcs de la ville. En juillet et en août, je travaillais pour le service des loisirs auprès des jeunes pendant l’été. Ce sont des expériences qui ont influencé ma vie et mon amour pour ma collectivité. Oui, chers collègues, j’ai appris à conduire des tracteurs, à manœuvrer de reculons une remorque remplie d’équipement d’entretien, à faire la mise au point quotidienne de mon camion et à affûter les lames des tondeuses. J’ai aussi planté dans les parcs de la ville de nombreux arbres et arbustes qui, 40 ans plus tard, dominent le paysage.

J’ai également eu le privilège de travailler avec des jeunes à titre de conseillère en loisirs et de directrice. Dans mes jeunes années, qui n’ont pas été faciles, cette expérience dans les parcs et en loisirs m’a donné un sentiment de fierté et d’appartenance à la collectivité qui faisait grandement défaut dans ma vie. Au fil des ans, j’ai observé le rôle central que jouent les parcs et les loisirs dans la promotion de la santé physique et mentale et du bien-être en général. Ce secteur contribue à un style de vie sain et favorise la résilience face aux problèmes de santé.

Je reviens à aujourd’hui et à mon rôle de sénatrice. Pendant les premiers mois de la pandémie, j’ai rendu visite à plus de trois dizaines d’organismes. J’ai vu des professionnels en loisirs faire figure de chefs de file dans une période de crise et d’incertitude. Ces travailleurs communautaires se sont adaptés à la situation de façon exceptionnelle. Ils ont réorganisé leurs installations récréatives et mobilisé l’ensemble de leur personnel et les bénévoles pour offrir de l’aide, un refuge, du soutien et des services essentiels en ces premiers jours d’incertitude. Ils ont amélioré le sort de nombreuses personnes en difficulté, particulièrement celui des plus vulnérables de la collectivité.

Dans tous les coins du pays, l’Association canadienne des parcs et loisirs s’emploie à ce que le secteur offre ce modèle d’unité, de bien-être, de vitalité et de résilience que nous souhaitons tous inculquer à nos enfants.

L’Association canadienne des parcs et loisirs continuera de bâtir un Canada fort, sain et résilient en faisant la promotion de la santé et de l’économie verte, en autonomisant les jeunes et en luttant contre le changement climatique. Veillons à ce que ce travail puisse se poursuivre. Nous remercions le secteur de sa contribution. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Sam Tan, haut‑commissaire de Singapour au Canada. Il est l’invité des honorables sénateurs Woo et Oh.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La lutte contre la haine

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, lorsque Wadea Al-Fayoume, un Américain d’origine palestinienne de 6 ans a vu son propriétaire entrer dans l’appartement où il vivait à Chicago, il était ravi de voir l’homme qui avait assisté à sa fête d’anniversaire seulement deux semaines auparavant, et il s’est précipité pour le serrer dans ses bras. Le propriétaire parlait à sa mère de sa colère face au conflit entre Israël et la Palestine. La mère a répondu : « Prions pour la paix. » Or, sa déclaration a été accueillie avec violence quand Wadea, un enfant de 6 ans, a été poignardé à 26 reprises avec un couteau de 7 pouces pendant que le propriétaire criait prétendument : « Vous, les musulmans, vous devez mourir. Vous tuez nos enfants en Israël. Vous, les Palestiniens, vous ne méritez pas de vivre. » Avant de mourir, Wadea a dit à sa mère : « Maman, je vais bien. »

(1430)

La mort de Wadea causée par la haine se situe dans la ligne des horribles pertes de vie qui sont survenues en Israël et en Palestine au cours de la dernière semaine. Environ 1 400 Israéliens sont morts aux mains du Hamas. On estime que 2 450 Palestiniens ont péri et qu’au moins le quart des victimes sont des enfants. Je ne peux pas vous donner de chiffres plus précis, car le bilan ne cesse de s’alourdir.

J’hésitais à aborder ce sujet aujourd’hui de peur d’être qualifiée de « sympathisante terroriste ». Toutefois, chers collègues, je siège parmi vous à la Chambre de second examen objectif, où nous parlons de questions difficiles et inconfortables. Je condamne fermement le Hamas, et ce n’est pas la première fois que je le fais. Je le condamne pour avoir attaqué des civils israéliens innocents.

Je pleure les pertes de vie des deux côtés. En tant que fervente défenseure des droits de la personne, je dois rappeler à mes collègues que les Israéliens et les Palestiniens jouissent tous de droits de la personne fondamentaux qui doivent être respectés et protégés. Il ne devrait jamais être controversé de le dire.

Avec les nouvelles voulant que des fonctionnaires municipaux de Markham, en Ontario, aient tenté de mettre fin secrètement au Mois du patrimoine islamique, nous devons également nous prémunir contre la recrudescence de l’antisémitisme et de l’islamophobie chez nous en réaction aux événements survenus à l’étranger.

Hier, un homme du Michigan a été arrêté après avoir tenté de recruter d’autres personnes pour l’aider à « faire la chasse aux Palestiniens ». Je demande aujourd’hui à mes collègues de se joindre à moi pour lutter contre cette vague grandissante de haine et pour réclamer un cessez-le-feu. Il faut mettre fin aux hostilités et aux pertes de vie inutiles. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de collaborateurs du Caucus canadien de la Fierté. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Cormier.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Narges Mohammadi

Félicitations à la lauréate du prix Nobel de la paix

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Pour toutes les femmes d’ici et d’ailleurs qui croient à l’égalité des sexes, le choix, le 6 octobre dernier, de la militante iranienne Narges Mohammadi comme lauréate du prix Nobel de la paix est un formidable message d’espoir.

Du fond de sa prison de Téhéran, malgré ses problèmes cardiaques, malgré les mauvais traitements, Narges Mohammadi demeure une des critiques les plus sévères du pouvoir théocratique iranien.

Arrêtée à 13 reprises, condamnée 5 fois à un total de 31 ans d’emprisonnement et 154 coups de fouet, cette militante se bat corps et âme contre le port du voile obligatoire et la violence à l’endroit des femmes iraniennes.

[Traduction]

Sa voix est puissante. Je vous cite ses propos tels qu’ils ont été publiés récemment dans le New York Times :

Ce que le gouvernement ne comprend peut-être pas, c’est que plus nous sommes nombreuses à être emprisonnées, plus nous gagnons en force.

Le moral des nouvelles prisonnières est solide. Elles racontent avec une curieuse tranquillité qu’elles ont rédigé leur testament avant d’aller manifester dans les rues pour lancer un appel au changement. Peu importe le déroulement de leur arrestation, elles réclament toutes la même chose : la chute du régime de la République islamique d’Iran.

Ce qui est moins connu du public, c’est que Narges Mohammadi est une mère qui n’a pas vu ses enfants depuis huit ans. Ses jumeaux sont âgés de 16 ans et ils vivent en exil avec leur père. Son fils parle d’elle avec fierté. Sa fille rêve du jour où elles seront réunies. Malgré tout, Narges a refusé de quitter l’Iran pour continuer à mener son combat pour la liberté. Son sacrifice est immense.

Est-ce que ce prix Nobel de la paix qui lui est décerné — un honneur hautement médiatisé — pourra donner un nouvel élan au mouvement Femme, vie, liberté en Iran, dont les activités demeurent clandestines en raison de la violente répression des autorités iraniennes? Est-ce que Narges Mohammadi sera cette leader attendue depuis si longtemps pour unifier l’opposition au régime? Qui sait? Il est permis d’entretenir l’espoir.

[Français]

Entre-temps, le Canada devrait déployer tous ses outils pour exercer une pression maximale sur le régime iranien et ses complices. Malgré une motion du Sénat l’enjoignant à agir en ce sens, le gouvernement du Canada n’a toujours pas désigné le Corps des gardiens de la révolution islamique comme entité terroriste. Pourtant, ces gardiens sont étroitement liés au Hamas, lui-même désigné comme entité terroriste.

Nous ne pouvons pas rester indifférents à ce qui a été décrit comme une révolution féministe sans précédent. Narges Mohammadi compte sur nous. Alors même que tous les yeux sont rivés sur Gaza ou sur l’Ukraine, ne laissons pas tomber les femmes iraniennes.

Merci.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la Dre Jiaying Zhao, de l’Université de la Colombie-Britannique, et de Jessie Golem, créatrice de la série de portraits Humans of Basic Income. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’antisémitisme

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, aujourd’hui, tandis que des Juifs de partout au Canada et du monde entier se réunissent ici à Ottawa pour une conférence sur l’antisémitisme, j’estime avoir l’obligation de remettre les choses en contexte maintenant qu’Israël intensifie ses interventions militaires à Gaza. Cette conférence était prévue bien avant les attaques terroristes du 7 octobre, lors desquelles le Hamas a assassiné hommes, femmes et enfants, violé des femmes avant de les faire parader dans les rues comme des trophées, décapité et immolé des bébés et pris en otage 200 Israéliens.

Le 7 octobre n’était pas un acte de guerre ni de résistance. C’était un acte de lâcheté et de dépravation. C’était un acte de terrorisme et de haine pathologique contre les Juifs, point à la ligne.

Le premier et le seul objectif du Hamas est de détruire l’État d’Israël et d’annihiler le peuple juif. C’est ce que veulent dire ses partisans quand ils crient « du fleuve à la mer [...] » Ce n’est pas un cri de ralliement pour la liberté, et certainement pas pour la paix. Le Hamas ne veut rien savoir de la paix. Quand on dit qu’Israël a le droit de se défendre et de défendre son peuple, il ne saurait y avoir d’équivoque, surtout dans les jours à venir.

Ce n’est évidemment pas facile de voir les images de civils tués par les roquettes israéliennes. Nous pouvons — nous devons — pleurer les victimes civiles de Gaza, de la même façon que nous pleurons les civils israéliens qui ont connu le même sort.

Cependant, il faut être clair. L’État d’Israël agit dans le respect du droit international. Il mène une attaque légale et proportionnée contre une force ennemie génocidaire. Il est indéniable que la guerre entraîne des souffrances humaines, mais il faut se rappeler que cette guerre n’est pas une question de choix pour Israël. C’est une nécessité. L’existence même de l’État hébreu est en jeu.

La riposte militaire d’Israël contre le Hamas n’est ni une forme de représailles ni une mesure punitive. Le fait de la présenter comme telle ou de faussement accuser Israël d’atrocités généralisées, ce qu’au moins un député a fait, est non seulement carrément faux et non fondé mais équivaut à imputer à Israël la lâcheté dont le Hamas a fait preuve. Honte à quiconque tient de tels propos, qu’il s’agisse d’un député, de délégués à des congrès de partis politiques fédéraux, de députés provinciaux, de dirigeants de syndicats de la fonction publique ou de Canadiens qui participent — ce qui est honteux — à des manifestations pro-Hamas dans nos rues.

On a entendu certains participants à ces manifestations clamer que le Hamas n’est pas un groupe terroriste et que les actes de violence qu’il commet se justifient par la quête d’une Palestine libre. Je ne sais pas comment on pourrait qualifier de tels propos autrement que de haineux et antisémites. De tels propos devraient être sanctionnés en vertu de nos lois contre les discours haineux. Si ces lois ne sont pas invoquées lorsqu’il y a glorification du meurtre de nourrissons et parade dans les rues de corps de femmes assassinées, dans quels cas peut-on les invoquer?

Les attaques du 7 octobre et les manifestations pro-Hamas qui y ont fait suite ainsi que les propos anti-israéliens tenus par certains politiciens et hauts fonctionnaires ont notamment révélé que — plus que jamais — il faut reconnaître que l’antisionisme constitue une forme d’antisémitisme. Nous devons le reconnaître et nous devons nous y opposer.

Plus jamais signifie vraiment plus jamais.

Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr David Huntsman, professeur d’obstétrique et de gynécologie à l’Université de la Colombie‑Britannique. Il est l’invité des honorables sénateurs Ravalia et Woo.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Semaine de la PME

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, cette semaine est la Semaine de la PME, un événement destiné à rendre hommage à l’entrepreneuriat canadien et aux 1,2 million de petites entreprises créatrices d’emplois.

Les derniers chiffres de Statistique Canada indiquent que les petites entreprises représentent 97,9 % des entreprises canadiennes. Dans ma province, cela représente près de 250 000 entreprises. Les PME emploient 8,2 millions de personnes au Canada, soit 67,7 % de l’ensemble de la main-d’œuvre du secteur privé.

[Français]

Cette semaine, la Banque de développement du Canada organisera plusieurs événements pour aider les entreprises à surmonter les difficultés liées à la gestion et à la croissance d’une petite entreprise, en particulier en cette période de pénurie de main‑d’œuvre, de hausse des taux d’intérêt et d’inflation.

(1440)

[Traduction]

Chers collègues, nous savons que la pandémie a été difficile pour le milieu des affaires. Les PME ont subi d’énormes pressions pour innover, passer au numérique, et vendre leurs produits en ligne afin d’en faciliter la commande et la livraison. C’était une question de survie.

Malheureusement, certaines d’entre elles ne se sont jamais remises des diverses mesures de confinement et des restrictions sanitaires, et d’autres peinent à récupérer leur manque à gagner. C’est pourquoi je me réjouis de la récente décision du gouvernement de reporter la date limite de remboursement au titre du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes.

Toutefois, dans l’ensemble, le milieu des affaires du Canada nous a fait comprendre le véritable sens de la résilience. Les chefs d’entreprise sont naturellement tournés vers l’avenir. Ils font preuve de créativité, d’adaptabilité et d’un engagement total à l’égard de la croissance de leur entreprise. Ils y mettent tout leur cœur chaque jour. J’admire leur passion et leur persévérance, ainsi que leur désir de s’adapter à l’économie de demain.

Heureusement, le gouvernement est également là pour aider les entreprises à percer sur le marché en ligne et à utiliser la technologie pour accroître leurs ventes. Lancé en mars 2022, le Programme canadien d’adoption du numérique, doté de 4 milliards de dollars, vise à aider 160 000 entreprises à mener leurs affaires en ligne, à renforcer leur présence sur le marché du commerce électronique et à adopter des technologies qui les aideront à devenir plus productives et plus compétitives.

J’ai toujours dit que les petites entreprises sont le moteur de toute économie. Je dirais même qu’elles sont le cœur et l’identité des quartiers et des villes. Partout dans notre grand pays, il y a d’incroyables histoires de réussite commerciale. Cette semaine, nous célébrons ces entrepreneurs, ainsi que leur famille et leurs employés, qui font vivre nos régions.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour célébrer l’esprit d’entreprise canadien et les petites entreprises du pays — qu’elles soient en ligne ou dans nos collectivités — parce qu’elles sont un élément important de l’économie canadienne et qu’elles contribuent à la prospérité et au bien-être communs. Nous les remercions de tout ce qu’elles font. Merci.


AFFAIRES COURANTES

L’étude sur les dispositions et l’application de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales

Dixième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Dépôt de la réponse du gouvernement

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Renforcer l’architecture des sanctions autonomes canadiennes : Examen législatif quinquennal de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, déposé au Sénat le 16 mai 2023.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires mondiales

Déclaration commune sur Israël

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, deux jours après les attaques sadiques perpétrées par le Hamas contre Israël, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et la France ont publié une déclaration commune. La voix du Canada était absente. On a dit aux Canadiens que cela n’avait pas d’importance, puisque la déclaration venait du groupe Quint.

Je crois que c’est important, monsieur le leader, parce que notre pays est de plus en plus mis à l’écart après huit longues années de règne du premier ministre Justin Trudeau.

Monsieur le leader, votre gouvernement se plaît à affirmer qu’il est rassembleur. Si l’exclusion du Canada de la déclaration du groupe Quint n’a pas d’importance, alors pourquoi le premier ministre n’a-t-il pas rassemblé la voix des dirigeants des pays du G7 dans une déclaration commune?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.

En dénonçant le Hamas et en continuant de soutenir le droit d’Israël de se défendre, le Canada respecte le droit international. Le fait qu’il continue de fournir de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin montre la position morale que le Canada a défendue et continue de défendre. En ce qui concerne le travail sur le terrain, le Canada apporte aussi sa contribution en aidant les personnes qui sont prises en otage et les gens qui veulent fuir la guerre et trouver refuge, et il continuera de le faire.

Le sénateur Plett : Vous avez manifestement préparé vos réponses avant même qu’on vous pose des questions. Votre réponse n’a rien à voir avec la question que je vous ai posée, monsieur le leader.

M. Trudeau n’est pas un dirigeant sérieux, et le monde le sait. Pour le premier ministre Trudeau, c’est une chose de détruire sa propre réputation partout dans le monde, mais il détruit aussi celle du Canada.

Répondez à la question, sénateur Gold. C’est exactement comme lorsque le Canada a été exclu de l’accord de sécurité conclu par l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis. Votre gouvernement n’a pas été invité. Il l’a appris après coup, et il a minimisé l’importance de cet accord. C’est la même chose qui se produit maintenant, n’est-ce pas, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question.

Non, la seule ressemblance, c’est que vous répétez sans cesse le même refrain au sujet des mesures que le Canada prend pour protéger les Canadiens et pour apporter sa contribution à l’échelle internationale.

La sécurité publique

L’Agence des services frontaliers du Canada

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement.

Sénateur Gold, cela fait maintenant deux ans que je pose des questions sur l’application ArriveCAN. J’ai posé des questions au sujet de l’inconstitutionnalité de laisser des Canadiens coincés à l’étranger. J’ai posé des questions sur la mise en quarantaine illégale de Canadiens. J’ai demandé si votre gouvernement allait enfin prendre la décision qui s’impose et annuler les amendes en souffrance imposées aux Canadiens. Chaque fois, quelle que soit la question, vous régurgitez les mêmes beaux discours que ceux que le Cabinet du premier ministre sert au Sénat. C’est bien dit, mais le contenu n’a rien à voir avec les questions posées. Sénateur Gold, je vous avise que ces réponses sont peu convaincantes.

En termes simples, ma question est la suivante : pourquoi? Alors qu’elle était au beau milieu de sa propre enquête, pourquoi la vérificatrice générale du Canada n’a-t-elle pas été informée que la GRC enquêtait également sur les allégations de fraude liées à l’arnaque de l’application ArriveCAN? Pourquoi la vérificatrice générale a-t-elle découvert l’existence des dernières enquêtes criminelles concernant votre gouvernement dans les médias?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

La vérificatrice générale agit de manière indépendante du gouvernement, tout comme les enquêteurs de la GRC. Si j’ai bien compris, la vérificatrice générale, qui est désormais au courant de la situation, a prolongé le délai de son évaluation et de son analyse.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, non seulement la vérificatrice générale n’avait pas été informée de l’enquête de la GRC concernant l’application ArnaqueCan mais, pire encore, lorsqu’elle a comparu devant un comité de la Chambre des communes la semaine dernière, votre gouvernement libéral—néo‑démocrate a mis fin à son témoignage après quelques minutes à peine, en prétendant qu’elle n’avait rien d’autre à ajouter.

Comment votre gouvernement pouvait-il savoir ce qu’elle avait ou non à ajouter, sénateur Gold? Que savez-vous que nous ignorons? Que cache votre gouvernement dans cette affaire?

Le sénateur Gold : Le gouvernement ne cache rien. Il a un énorme respect pour le travail de la vérificatrice générale, qui aide constamment tant les parlementaires que les Canadiens en mettant en lumière les améliorations qui pourraient être apportées à nos pratiques, à nos activités et à nos programmes.

Les finances

Le revenu de base garanti

L’honorable Kim Pate : Ma question s’adresse à vous, sénateur Gold.

C’est aujourd’hui la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Selon les estimations, d’ici 2030, 7 % de la population mondiale aura moins de 2,15 $ par jour pour vivre.

Dans le contexte de la pandémie et au-delà, on constate des crises liées à la pauvreté croissante, à l’itinérance, à la santé et à l’insécurité alimentaire. Ces enjeux touchent particulièrement les femmes marginalisées, les personnes autochtones ou noires, les personnes handicapées et les communautés 2SLGBTQIA+.

(1450)

Comme vous le savez, en 2021, le plan d’action national pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées mis de l’avant par le gouvernement présente le revenu minimum garanti comme une priorité à court terme à laquelle il faut commencer à s’attaquer d’ici un à trois ans — soit à compter de l’an prochain, en 2024. Quelles mesures le gouvernement prend-il pour la mise en œuvre de ce plan, et quand aidera-t-il des provinces, notamment l’Île-du-Prince-Édouard, qui sont intéressées à participer à de telles initiatives?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le gouvernement s’est engagé à soutenir les Canadiens. D’ailleurs, entre 2015 et 2021, il a aidé près de 2,3 millions de Canadiens à sortir de la pauvreté, notamment 653 000 enfants et 11 000 aînés, ce qui représente une diminution de 49 % de la pauvreté.

L’instauration d’un revenu de base pourrait aider à lutter contre la pauvreté, mais certaines considérations clés en matière de conception d’un tel programme nécessitent une étude plus approfondie, notamment les répercussions financières sur les programmes existants et les effets potentiels sur le marché du travail. À cet égard, je signale que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a entrepris une étude sur la question.

Je crois savoir que le gouvernement continuera de suivre la recherche et les analyses portant sur l’idée d’un revenu de base. Par ailleurs, il examine des politiques à court et à long terme pour répondre aux besoins des Canadiens.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup, sénateur Gold. J’aimerais connaître les mesures exactes — peut-être pourriez-vous me les indiquer par écrit — que le gouvernement a prises pour aborder avec les provinces, les territoires et les municipalités les questions sur le partage des compétences que de nombreuses parties intéressées se posaient et dont j’ai moi-même parlé le 8 juin 2021, juste après la publication du plan d’action.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, mais aussi d’avoir eu la patience d’attendre la réponse à votre question écrite. Je vais demander à mes collaborateurs de faire le suivi et je ferai le point avec le Sénat dès que je le pourrai.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, à la suite de l’annonce du ministre Miller la semaine passée, le quotidien Le Devoir a aujourd’hui publié un article intitulé « Ottawa accusé de faire marche arrière sur son engagement humanitaire après Roxham ». Je cite l’article dont un extrait se lit comme suit :

« Je pense qu’on est en train de tordre le mot humanitaire », affirme Adèle Garnier, professeure du Département de géographie à l’Université Laval. Pour elle, il est clair que les travailleurs étrangers temporaires « ne sont pas de la migration humanitaire » selon la définition historique, puisque ce genre de programme « est sciemment pour combler des besoins économiques ».

Selon l’article, bien qu’il existe déjà un programme de réunification familiale, « [l]es 11 000 Colombiens, Vénézuéliens ou Haïtiens se qualifieront en ayant un membre de leur famille élargie déjà au Canada. »

Sénateur Gold, quand allons-nous connaître les modalités de ce nouveau programme annoncé par le ministre Miller, et quand le programme sera-t-il accessible?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le Canada demeure déterminé à accueillir 15 000 personnes en provenance des Amériques. Comme vous l’avez souligné, le ministre a annoncé un nouveau programme humanitaire pour la résidence permanente visant 11 000 personnes issues des Amériques, ce qui inclut Haïti. On m’avise que ce programme débutera cet automne.

Le gouvernement accueillera également 4 000 travailleurs étrangers temporaires supplémentaires de la région. Le gouvernement du Canada continue de proposer des voies d’immigration régulières au moyen de voies humanitaires et économiques ainsi que des programmes de travail temporaire.

On m’avise également que le travail se poursuit, et ce, en collaboration avec nos partenaires.

Le patrimoine canadien

La Loi sur les nouvelles en ligne

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Je constate que les actions prises par notre gouvernement pour forcer les géants du Web à négocier sont à ce jour un échec. Pire, certains médias subissent les contrecoups financiers et perdent de la visibilité.

Qu’attend le gouvernement pour reconnaître qu’il fait fausse route en adoptant de la Loi sur les nouvelles en ligne?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Le projet de loi C-18 que nous avons adopté vise à forcer les géants du Web à s’asseoir avec nos petites et grandes entreprises du domaine des médias afin d’arriver à une entente qui soit juste et équitable pour le bien-être des Canadiens.

Bien sûr, les géants du Web ont peur du précédent que cela a créé au Canada et en Australie. Ils exercent leur pouvoir économique et tentent de nous intimider afin que nous n’allions pas de l’avant avec ce projet de loi. Toutefois, le gouvernement du Canada maintient sa position à savoir que le projet de loi est bon pour le Canada et il continuera de l’appuyer.

Le sénateur Dagenais : Pouvez-vous nous expliquer la logique derrière le combat du gouvernement contre ces géants du Web, alors que le premier ministre lui-même les utilise pour annoncer des changements dans sa situation familiale plutôt que de passer par un canal de nouvelles locales canadien? C’est un peu comme faire la preuve de l’efficacité des géants du Web dans le système.

Le sénateur Gold : L’idée derrière le projet de loi, ce n’est pas de retourner en arrière et de se débarrasser des outils de plus en plus utilisés comme les médias sociaux. C’est plutôt de faire en sorte que nos médias traditionnels et nos journalistes locaux, dont dépend la démocratie canadienne, reçoivent un appui équitable par rapport aux géants médiatiques qui en profitent.

La santé

Un régime national d’assurance-médicaments

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et porte sur l’abordabilité grâce au régime d’assurance-médicaments et de soins dentaires.

[Traduction]

L’idée d’un régime d’assurance-médicaments est dans l’air depuis un certain temps. À divers moments, les libéraux, les néo‑démocrates et les verts ont proposé de doter le pays d’un tel régime national. En juin de cette année, le porte-parole du NPD en matière de santé, le député Don Davies, a présenté le projet de loi d’initiative parlementaire C-340, qui porte sur ce sujet. En fin de semaine, lors du congrès national du NPD, les néo-démocrates ont appuyé les démarches de leur parti en ce sens. Le gouvernement libéral a dit qu’il avait l’intention d’aller de l’avant, et nous savons que les deux partis discutent actuellement d’un futur projet de loi. Pourriez-vous dire au Sénat où en sont les négociations et quand ce texte législatif verra le jour?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. On m’a informé que le travail se poursuit pour présenter un projet de loi sur l’assurance‑médicaments au Canada afin de permettre aux Canadiens d’avoir un meilleur accès aux soins de santé qu’ils méritent et dont ils ont besoin. Je crois savoir que des discussions sont en cours avec le Nouveau Parti démocratique et, évidemment, l’ensemble des parlementaires pour éviter que les Canadiens se retrouvent dans une position difficile lorsqu’ils doivent acheter des produits essentiels, notamment des médicaments.

Par ailleurs, le gouvernement doit agir prudemment et de manière responsable sur le plan financier. À cet égard, il continue de chercher la façon la plus efficace de réduire le coût des produits pharmaceutiques pour les Canadiens.

Le sénateur Cardozo : J’aimerais quand même savoir si le gouvernement s’est fixé pour objectif de faire adopter une telle mesure d’ici la fin de l’année.

Ma question complémentaire porte sur les soins dentaires, l’autre volet des soins de santé qui est lié à l’abordabilité. Un régime de soins dentaires a été mis en place. Pourriez-vous faire le point sur la mise en œuvre de ce régime?

Le sénateur Gold : Je vous remercie. Malheureusement, pour l’instant, je n’ai pas plus de détails à ce sujet que la réponse que j’ai donnée plus tôt ce mois-ci à votre collègue, la sénatrice Cordy. Je rappelle à mes honorables collègues que la mise en œuvre du Régime canadien de soins dentaires doit commencer avant la fin de l’année et qu’une fois celle-ci terminée, d’ici 2025, tous les Canadiens non assurés dont le revenu familial annuel est inférieur à 90 000 $ en bénéficieront. Je répète encore une fois que le gouvernement demeure déterminé à aller de l’avant dans ce dossier.

L’environnement et le changement climatique

La Loi sur l’évaluation d’impact

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, la semaine dernière, la Cour suprême du Canada a statué que la majeure partie du projet de loi C-69 et l’ensemble de sa réglementation sont inconstitutionnels. La loi compte près de 200 articles et la Cour suprême a jugé que seulement 10 d’entre eux sont acceptables. La cour a conclu que la « composante “projets désignés” du régime [...] outrepasse les limites de la compétence fédérale ».

Le projet de loi C-69 a été un désastre total dès le départ. Le gouvernement Trudeau lui-même a proposé 150 amendements à l’étape de l’étude en comité de la Chambre des communes. Le Sénat a adopté près de 200 amendements et le gouvernement en a accepté 99, dont la plupart ont été présentés par le gouvernement. Le ministre Guilbeault affirme maintenant que le gouvernement fera ses devoirs et qu’il apportera quelques modifications.

Cela suffit, sénateur Gold. C’est fini. Il est temps d’abroger tout le projet de loi. Quand le gouvernement Trudeau admettra-t-il enfin que le projet de loi C-69 est un échec colossal?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le projet de loi C-69 était et est toujours une loi qui a été conçue pour affirmer l’importance d’un examen environnemental approprié des projets. Le gouvernement du Canada respecte la décision de la Cour suprême et examine les lignes directrices que celle-ci a fournies. La Cour suprême a clairement indiqué que d’importants articles qui portent sur la compétence fédérale restent constitutionnels et a fourni des lignes directrices pour aller de l’avant.

(1500)

Le gouvernement et le ministre ont annoncé qu’ils allaient réviser la mesure législative pour la rendre conforme à la décision de la Cour suprême et que, en matière d’environnement, ils continueront à exercer le leadership dont notre pays a besoin et qu’il mérite.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, il y a cinq ans, j’ai dit au gouvernement que vous représentez que ce projet de loi terrible, le C-69, était irréparable et qu’il serait jugé inconstitutionnel. J’ai affirmé que le projet de loi :

[…] empiète sur la compétence des provinces et contrevient au partage des pouvoirs prévu par la Constitution […] Le gouvernement Trudeau empiète constamment sur les champs de compétence des provinces.

Le gouvernement aurait dû laisser tomber ce projet de loi à l’époque, mais il a refusé obstinément de le faire. Le fera-t-il maintenant?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question complémentaire. Comme je viens de le dire, honorable collègue, le gouvernement étudie les orientations fournies par la Cour suprême pour trouver des moyens d’adapter la mesure législative aux paramètres de sa décision. Le ministre et le gouvernement du Canada sont déterminés à aller de l’avant avec la mesure législative et les changements annoncés.

Le patrimoine canadien

La Société Radio-Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le directeur des normes journalistiques de la « société de radiodiffusion du gouvernement », la Société Radio‑Canada, a transmis les consignes suivantes à ses journalistes dans la foulée des attentats terroristes commis par le Hamas contre des innocents en Israël :

[...] ne pas qualifier les militants, les soldats ou toute autre personne de « terroristes »

[...] Même lorsque nous citons un gouvernement ou une source qui qualifie les combattants de « terroristes », nous devons ajouter le contexte pour nous assurer que le public comprend qu’il s’agit d’une opinion et non d’un fait. Cela inclut les déclarations du gouvernement canadien et des politiciens canadiens.

Il est absolument honteux, monsieur le leader, que la Société Radio-Canada refuse de qualifier le Hamas de ce qu’il est, c’est‑à‑dire une organisation et un groupe terroriste. Comment se fait-il, sénateur Gold, que les députés de la coalition néo-démocrate—libérale ont voté pour protéger la Société Radio-Canada en mettant fin à l’étude d’un comité sur cette affaire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. D’abord, comme je l’ai dit, le gouvernement du Canada et le premier ministre ont été sans équivoque sur la question : le Hamas est un groupe terroriste.

Ensuite, il est important de se rappeler que l’indépendance du travail journalistique de CBC/Radio-Canada face au gouvernement et au Parlement, y compris le Sénat, est protégée dans la Loi sur la radiodiffusion.

Je comprends, chers collègues. Si vous avez lu les journaux aujourd’hui, la société a expliqué sa position concernant sa politique sur l’emploi de ces termes et, vous le savez, la BBC et d’autres médias d’information de la planète se sont dotés de politiques similaires. Ce n’est pas le rôle des parlementaires de dire aux journalistes ou aux salles de rédaction comment faire leur travail, mais je soulignerais que, ces derniers jours, le mot « terroriste » a été employé à de nombreuses reprises sur les tribunes de CBC/Radio-Canada.

Le sénateur Plett : Une subvention de 1,4 milliard de dollars dément l’indépendance de cet organisme. Quoi qu’en dise CBC/Radio-Canada, sénateur Gold, le fait est que le Hamas est une entité terroriste depuis 21 ans aux termes du Code criminel du Canada. Ce n’est pas une opinion; c’est un fait.

Le refus de CBC/Radio-Canada de qualifier le Hamas d’entité terroriste révèle aux Canadiens tout ce qu’ils ont besoin de savoir au sujet du radiodiffuseur de l’État qu’ils financent à même leurs impôts. N’y a-t-il donc personne au sein du gouvernement Trudeau qui soit prêt à condamner CBC/Radio-Canada à cet égard?

Le sénateur Gold : Je vais sincèrement résister à vous rendre la monnaie de votre pièce, sénateur Plett. CBC/Radio-Canada est un média d’information indépendant. Je n’ai pas besoin qu’on me dise que le Hamas est une organisation terroriste ou qu’on me rappelle depuis combien de temps le Canada se fait solidaire d’Israël. Je le répète, si vous vous donnez la peine de lire l’explication que donne CBC/Radio-Canada, vous constaterez que vos affirmations sont dépourvues de toutes nuances et incomplètes.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les demandeurs d’asile

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, il y a actuellement une explosion de demandes d’asile au Québec. Nous avons accueilli 49 000 des 90 000 demandeurs d’asile au pays entre novembre 2022 et juin 2023, soit 55 % du total canadien.

J’ai visité mercredi dernier Le Centre de réfugiés, à Montréal. L’organisme offre divers types de soutien et d’aide à l’intégration pour les personnes en attente de la détermination de leur statut. L’endroit était bondé; des clients étaient assis par terre dans le couloir. Selon ce centre, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada paie des milliers de chambres d’hôtel pour loger les demandeurs d’asile à leur arrivée, mais cet organisme à but non lucratif (OBNL) qui les aide à se trouver un vrai logis et à faire des démarches de toutes sortes n’est pas admissible au financement fédéral.

Pourriez-vous me dire si la loi actuelle empêche effectivement Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de financer ces services offerts par des OBNL aux demandeurs d’asile?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question et de souligner le défi et le bon travail effectué par ces centres d’hébergement. C’est un défi non seulement pour la province de Québec, mais aussi pour les villes et les provinces, partout au Canada, qui ont accueilli ces grands nombres de personnes. On sait très bien que cela pose de grands défis pour le logement, entre autres.

Je n’ai pas d’information précise sur votre demande, mais je vais porter votre question et votre préoccupation à l’attention du ministre.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie. J’aimerais quand même ajouter une chose à la question que vous allez poser : y a-t-il une possibilité de changer la loi?

Cela me semble assez paradoxal de verser des millions de dollars pour des chambres d’hôtel pendant jusqu’à un an, me dit-on, plutôt que de demander et de financer des OBNL qui arrivent à les reloger pour moins cher dans la société, et à les aider. Il me semble qu’il y a là un paradoxe qui doit être que corrigé.

Le sénateur Gold : Merci. Je vais ajouter cette observation à l’information que je vais faire parvenir au ministre.

[Traduction]

Le Bureau du Conseil privé

Les lettres de mandat

L’honorable Marty Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, en juillet dernier, nous avons assisté à un important remaniement ministériel qui a accueilli de nombreux nouveaux visages et qui a même créé une nouvelle fonction de ministre des Services aux citoyens. Ce remaniement représentait un changement de priorités pour le gouvernement afin de relever les défis auxquels les Canadiens font face chaque jour.

Nous n’avons toutefois pas encore vu les nouvelles lettres de mandat de ces ministres. Or, j’ai trouvé la publication en temps opportun de ces lettres extrêmement utile pour déterminer les objectifs du gouvernement et m’assurer de pouvoir demander des comptes à ces ministres lorsqu’ils comparaissent devant nous. Pouvons-nous nous attendre à une nouvelle série de lettres de mandat et, le cas échéant, quand arriveront-elles?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Chers collègues, les ministres et le gouvernement continuent de travailler fort pour s’acquitter de leurs responsabilités. Je crois comprendre que les lettres de mandat actuelles publiées au début du mandat en décembre 2021 existent toujours et qu’elles demeurent accessibles en ligne. On ne m’a pas informé qu’elles seraient mises à jour, mais je serai heureux de transmettre vos commentaires au gouvernement.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Je vous saurais gré de vous renseigner à ce sujet. On serait porté à croire qu’après un remaniement du Cabinet et la création d’un nouveau poste de ministre, les mandats seraient modifiés ou précisés. Il me tarde de vérifier s’il y a un lien entre les deux.

Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit, j’ignore si on a l’intention de revoir les mandats, mais je vais assurément me renseigner auprès des ministres concernés.

Les finances

Le taux d’inflation au Canada

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Gold, j’ai évoqué avec vous en juin l’avertissement du Fonds monétaire international selon lequel le Canada présente le risque le plus élevé de défaillance hypothécaire parmi les économies avancées. Statistique Canada rapporte aujourd’hui que les coûts des intérêts hypothécaires ont augmenté de façon stupéfiante de 30,6 % depuis septembre de l’an dernier. Cette hausse a été le principal facteur à l’origine de l’inflation le mois dernier. Il n’est donc pas étonnant que les Canadiens craignent de plus en plus de ne pas pouvoir honorer leurs paiements hypothécaires et de ne pas pouvoir conserver leur logement.

Le gouvernement Trudeau mettra-t-il fin aux déficits inflationnistes qui alimentent la hausse des taux d’intérêt, afin d’éviter une crise de défaillance hypothécaire au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. La position du gouvernement est simple : il a investi dans les Canadiens ainsi que dans les entreprises et l’infrastructure, pour aider le Canada à traverser la crise économique. Ces investissements ont permis d’assurer la résilience et la stabilité de l’économie canadienne.

Le gouvernement du Canada fournit également de l’aide — et il continuera de le faire — aux personnes qui ont de la difficulté à accéder à la propriété ou à conserver leur propriété. Le gouvernement estime que ce ne sont pas ses investissements qui ont entraîné la hausse des taux d’intérêts et que c’est une situation que subissent bon nombre d’autres pays.

(1510)

La sénatrice Martin : Les chiffres parlent d’eux-mêmes, sénateur. Cet été, RBC a annoncé que la durée de ses prêts hypothécaires résidentiels est supérieure à 25 ans dans 43 % des cas. Il s’agit d’un bond de 40 % en à peine un an. Au début de l’année dernière, RBC affirmait qu’aucun de ses prêts hypothécaires n’avait une durée supérieure à 35 ans. Aujourd’hui, ces prêts représentent 23 % des prêts hypothécaires consentis par l’institution.

Monsieur le leader, pourquoi, selon vous, faut-il désormais 25 ans pour accumuler une mise de fonds suffisante alors qu’à une certaine époque, c’est ce qu’il fallait pour payer sa maison au complet? Serait-ce parce que, après huit longues années, le premier ministre n’en vaut tout simplement pas le coût?

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie, sénatrice Martin. Quelle est votre réponse, sénateur Gold.

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada est très conscient des difficultés que la hausse des taux d’intérêt cause aux Canadiens et de leurs répercussions non seulement sur le logement, mais sur les choix de vie en général. Cela dit, c’est tout simplement faux d’affirmer que le gouvernement fédéral est à la source du problème. Le gouvernement fédéral est là pour aider, quoi qu’on en dise.

Le Bureau du Conseil privé

Les propos d’un employé

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, en 2020, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes et les Amis du Centre Simon Wiesenthal ont informé le Bureau du Conseil privé que l’un de ses analystes principaux tenait des propos antisémites virulents en ligne. Pour toute réponse, le Bureau du Conseil privé a muté l’employé à Pêches et Océans Canada. La semaine dernière, sénateur Gold, nous avons appris que cet homme fait l’objet d’une autre enquête pour les propos antisémites qu’il a tenus après les terribles attaques terroristes du Hamas contre Israël.

Le Bureau du Conseil privé est le ministère du premier ministre, sénateur Gold. Pourquoi ces propos n’ont-ils pas été pris au sérieux il y a trois ans et pourquoi devrait-on croire quiconque nous dira qu’ils seront pris au sérieux aujourd’hui?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur Plett.

L’expression de la haine, qu’elle soit antisémite ou autre, est inacceptable. Je suis convaincu que le Bureau du Conseil Privé et d’autres institutions, tant au sein du gouvernement qu’à l’extérieur, prennent au sérieux les préjudices que de tels commentaires causent.

Je regrette seulement qu’aujourd’hui, à ce moment-ci, il semble acceptable dans cette enceinte d’utiliser ces questions, qui sont si douloureuses pour tant de personnes, pour des raisons partisanes.

Il est légitime de se demander pourquoi des personnes qui expriment de la haine ne doivent pas rendre des comptes. Je ne suis pas au courant des faits particuliers dont vous parlez. Je suis persuadé que les mesures prises sont conformes à nos règles, valeurs, procédures et lois qui régissent ces questions.

Le sénateur Plett : Je m’offusque de cette réponse, sénateur Gold. Je suis aux côtés d’Israël. Je l’ai toujours été. Je suis désolé de devoir poser ces questions difficiles. Le fait que vous pensiez qu’il y a quelque chose d’infâme là-dedans est problématique.

Monsieur le leader, je ne vais pas répéter ce que cet employé a dit, mais ses propos haineux peuvent facilement être trouvés en ligne. Si n’importe lequel d’entre nous peut trouver ces mots et les voir clairement pour ce qu’ils sont — antisémites —, alors le Bureau du Conseil Privé devrait pouvoir en faire autant. Le fonctionnaire a conservé son emploi au sein du gouvernement du Canada. Pourquoi personne n’est tenu responsable sous le gouvernement Trudeau?

Le sénateur Gold : Je reconnais qu’il est légitime de poser des questions sur la manière dont de tels sujets sont traités par les employeurs, qu’ils soient gouvernementaux ou autres. Mes commentaires se passent d’explications.

Je ne suis pas au fait de ce cas particulier et je n’ai pas d’autres commentaires à faire à cet égard.

Les affaires mondiales

Le Corps des Gardiens de la révolution islamique

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, c’est beau de dire que le gouvernement exprime sa solidarité avec l’État d’Israël, mais il doit aussi agir.

Ma question n’est absolument pas partisane, elle est simple et directe : pourquoi le gouvernement canadien n’est-il pas prêt à imposer des mesures punitives aux pays qui soutiennent directement le Hamas, comme le Qatar et l’Iran? Nous importons des centaines de millions de dollars de pétrole en provenance du Qatar au Canada.

Bien sûr, votre gouvernement continue de refuser d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique à la liste des organisations terroristes. Quand allez-vous inscrire cette organisation à la liste des organisations terroristes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de vos questions.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce sujet, mais, comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, un grand nombre d’organisations et de personnes en Iran et dans d’autres pays sont inscrites sur la liste des organisations terroristes. Comme je l’ai déjà expliqué, ces décisions sont prises dans le cadre d’un processus continu. À cet égard, je le répète, le Canada fait sa part pour défendre Israël et fournir une aide humanitaire à ceux qui souffrent pendant cette guerre. Il continuera à faire sa part sur le plan diplomatique pour demander des comptes à tous les gouvernements qui soutiennent les actes barbares perpétrés au Moyen-Orient.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, avec tout le respect que je vous dois, cela fait des années que le Sénat et la Chambre des communes sont saisis de motions demandant au gouvernement d’ajouter le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes. Après sept ou huit ans, il est inacceptable de dire que le processus prend du temps et qu’il suit son cours. Le gouvernement a le pouvoir d’agir, et lorsqu’il ne le fait pas, il accorde davantage de pouvoir à des organisations comme le Corps des Gardiens de la révolution islamique.

Quand allez-vous ajouter le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes?

Le sénateur Gold : Je suis désolé si ma réponse ne vous convient pas, sénateur Housakos. Comme je l’ai dit à d’autres occasions, il est facile de faire valoir cet argument, mais il est beaucoup plus difficile et important de veiller à ce que les innocents qui se retrouvent au cœur de telles situations ne souffrent pas.

Le gouvernement prend au sérieux ses responsabilités.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Déclaration d’intérêts personnels

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, la sénatrice Audette a fait une déclaration d’intérêts personnels par écrit à l’égard des projets de loi C-21, C-48, S-212 et S-232 et, conformément à l’article 15-7 du Règlement, la déclaration sera inscrite dans les Journaux du Sénat.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Jean-Yves Duclos, c.p., député, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, aura lieu le mercredi 18 octobre 2023, à 14 h 25.

[Français]

Le budget de 2023

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable René Cormier, conformément au préavis donné par le sénateur Gold le 29 mars 2023 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur le budget intitulé Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère, déposé à la Chambre des communes le 28 mars 2023 par la ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, et au Sénat le 29 mars 2023.

— Honorables sénateurs, en ce Mois de l’histoire 2ELGBTQI+, je prends la parole aujourd’hui dans le cadre de l’interpellation no 5, visant à attirer l’attention sur le budget intitulé Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère.

Ce budget, présenté le 28 mars dernier, annonçait la création d’un nouveau plan d’action de lutte contre la haine comprenant des mesures pour combattre les discours et gestes haineux pour bâtir des communautés plus inclusives, une mesure particulièrement attendue et essentielle pour les communautés 2ELGBTQI+ au Canada.

[Traduction]

Selon les Nations unies, les incidents motivés par la haine sont en hausse et ils s’inscrivent dans une tendance mondiale. La source de ce phénomène très inquiétant est la haine fomentée en ligne, surtout dans les médias sociaux. Dans son rapport thématique, le rapporteur spécial des Nations unies sur les questions relatives aux minorités indique que 70 % des personnes prises pour cible dans les crimes de haine ou par les propos haineux dans les médias sociaux appartiennent à des minorités en raison de leur origine ethnique, de leur religion, de leur langue, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

[Français]

Le Canada ne fait malheureusement pas exception à cette tendance. Selon les dernières données de Statistique Canada, les crimes haineux déclarés à la police ciblant l’orientation sexuelle ont augmenté de 64 % entre 2020 et 2021.

(1520)

Ceci n’est que la pointe de l’iceberg, car ces données ne tiennent pas compte des crimes ciblant l’identité ou l’expression de genre ni du fait que les agressions et microagressions quotidiennes à caractère haineux dans les médias sociaux sont souvent trop nombreuses. Ces agressions sont, bien souvent, non recevables par la police, mais elles sont malgré tout très dommageables.

Quelles sont les causes de cette haine grandissante? La désinformation, le manque d’éducation, les préjugés, la peur, l’intolérance et la polarisation des discours sont assurément certains des facteurs qui expliquent ce phénomène.

Au Canada, la polarisation actuelle, la désinformation et l’intolérance entourant les droits des enfants et des jeunes personnes trans sont de véritables vecteurs de haine. Il est extrêmement troublant, mais pas surprenant que ce débat s’articule en opposant les droits parentaux aux droits des enfants trans.

[Traduction]

C’est exactement le discours tenu par le mouvement Save Our Children, lancé par la chanteuse Anita Bryant aux États-Unis dans les années 1970. Ce mouvement a été créé pour faire abolir les mesures visant à empêcher la discrimination contre les homosexuels et les lesbiennes en Floride.

À l’époque, ce mouvement diffusait des messages très choquants, par exemple « les homosexuels ne peuvent pas se reproduire, alors ils recrutent », qui ont eu des répercussions au-delà des frontières américaines et qui, malheureusement, sont encore propagés en 2023.

À l’heure actuelle, c’est principalement le groupe Moms for Liberty qui propage ce discours chez nos voisins du Sud. Selon le Southern Poverty Law Centre, il s’agit d’un groupe de l’extrême droite qui se définit comme un pilier du mouvement moderne de défense des droits parentaux.

[Français]

Au Canada, ce mouvement est chapeauté par Action4Canada, un organisme qui a déclaré être activement impliqué dans deux mesures controversées, soit la révision de la politique 713 du Nouveau-Brunswick et la présentation de la politique d’inclusion et consentement parental de la Saskatchewan.

Selon Action4Canada, et je cite :

Les LGBTQ ont été détournés par des activistes radicaux qui s’attaquent aux libertés et aux droits fondamentaux de tous les Canadiens et dont l’objectif est de forcer les gens à se conformer et à accepter leurs penchants sexuels et leurs idéologies d’adultes.

Ce groupe prétend que l’éducation à la sexualité fait du mal aux mineurs et constitue une attaque contre la cellule familiale traditionnelle. Il revendique ses actions au nom du bien-être de nos enfants.

Le bien-être des enfants, n’est-ce pas justement autour de cet objectif que nous devrions nous rallier, chers collègues?

Plutôt que de voir le coming out d’un enfant dans son milieu scolaire plutôt qu’à la maison comme un échec parental, réfléchissons aux façons dont on peut aider les familles à être davantage des milieux sécuritaires et aimants qui favorisent l’épanouissement de tout enfant, peu importe son orientation sexuelle, son identité ou son expression de genre.

Bien sûr, reconnaissons la pleine légitimité des parents de s’impliquer dans le développement de leurs enfants, mais ne perdons pas de vue ce qui est la pierre angulaire de ce développement : le bien-être et la sécurité de l’enfant.

Aussi, plutôt que de mettre l’accent sur les conséquences négatives des soins d’affirmation de genre, reconnaissons que l’exploration de son identité de genre est une partie intégrante du développement de l’enfant et renforçons les aspects positifs de ces soins.

Zakary-Georges Gagné, une personne bispirituelle, transféminine et francophone qui travaille à la création d’espaces communautaires sécuritaires pour les personnes autochtones et 2ELGBTQIA+, a affirmé ceci, et je cite :

Pour les jeunes comme les adultes, avoir accès à des soins d’affirmation de genre, simplement savoir que nous pouvons y avoir accès, est une source immense de soutien […]

Pour moi, avoir accès aux soins d’affirmation de genre, ça veut dire l’accès à une plus grande sécurité et le pouvoir de m’affirmer avec confiance et fierté dans tous les espaces que j’occupe. Pour plusieurs, avoir accès à ces soins, ça sauve leur vie.

[Traduction]

N’oublions pas que le fait de reconnaître l’identité d’un enfant ou d’un jeune, qu’il soit homosexuel, non binaire ou trans, joue un rôle important dans son bien-être, et que le fait de remettre en question l’existence même de l’identité transgenre est extrêmement préjudiciable et peut donner lieu à des propos haineux envers ces jeunes citoyens.

[Français]

Chers collègues, rappelons-nous qu’en 2016, au moyen du projet de loi C-16, le Parlement canadien a reconnu la transidentité et la diversité d’expression de genre en modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, afin d’ajouter l’identité ou l’expression de genre comme motifs de discrimination illicite.

Par ailleurs, chaque province et chaque territoire a des lois qui couvrent la discrimination exercée sous certains motifs, dont l’identité de genre et l’orientation sexuelle, et a adopté d’autres mesures de protection envers les minorités sexuelles et de genre.

En 2020, le Nouveau-Brunswick, la province que je représente dans cette enceinte, s’est d’ailleurs doté d’une politique visant à rendre le milieu scolaire plus inclusif.

La semaine dernière, j’ai eu le privilège de rencontrer de jeunes personnes queer à l’Université de Moncton, qui ont témoigné avec sensibilité des effets positifs de cette politique.

Voici ce qu’un jeune avait à dire, et je cite :

Quand j’ai fait mon coming out en tant que personne trans au secondaire, le soutien de mes enseignants et camarades de classe a été monumentalement bénéfique pour ma santé mentale. Ça n’allait pas bien à la maison, donc l’école est rapidement devenue mon point de refuge.

Or, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a modifié sa politique 713 en août dernier pour la rendre plus restrictive et pour forcer l’obtention du consentement parental pour faire un changement de prénom ou de pronom en milieu scolaire.

De plus, que dire de l’inquiétant projet de loi 137 du gouvernement saskatchewanais, qui poursuit les mêmes objectifs et qui invoque l’utilisation de dispositions de dérogation en ce qui concerne certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et du Code des droits de la personne de la Saskatchewan?

Chers collègues, hier, je me suis entretenu avec la mère d’un enfant trans qui est aussi enseignante. Elle m’a parlé avec beaucoup d’émotion du parcours d’apprentissage qui a été le sien quand son enfant lui a appris qu’il était trans et des commentaires haineux qui ont été prononcés à son égard.

Après un long cheminement, tant comme mère que comme enseignante, voici les trois enseignements qu’elle a retenus et qu’elle transmet à tous les parents et enseignants.

Comme parent, dit-elle, il faut être totalement à l’écoute de son enfant qui exprime une souffrance réelle en faisant son coming out.

Comme parent, il faut aussi s’éduquer, aller chercher de l’information et cheminer avec son enfant. Les écoles et certains organismes communautaires qui œuvrent dans ce domaine peuvent d’ailleurs apporter de l’aide aux parents qui en font la demande.

Enfin, comme enseignant ou enseignante, il faut s’identifier clairement comme une personne alliée, m’a-t-elle dit, si on veut bien appuyer un enfant trans et être à l’écoute quand il témoigne des défis qu’il doit affronter en annonçant son identité de genre à ses parents.

Cette mère et enseignante m’a confirmé que les enseignantes et enseignants qui sont identifiés comme des alliés accompagnent les jeunes trans dans leur cheminement vers un dialogue avec les parents quand cela est sécuritaire pour eux.

[Traduction]

Chers collègues, il existe des solutions pour rassurer les parents inquiets et assurer la santé et la sécurité des enfants transgenres. Il y a des solutions pour contrer la haine grandissante à l’encontre de la communauté 2ELGBTQI+ au pays. Cela nécessitera sans aucun doute de l’éducation et davantage de gestes concrets, et, en tant que parlementaires, nous devons prendre la parole. Garder le silence n’est pas une option.

Dans ce contexte, je salue le futur plan d’action pour combattre la haine que le gouvernement fédéral a annoncé dans le budget de 2023. Ce plan est nécessaire pour tous les Canadiens. J’espère que des fonds importants seront débloqués pour sa mise en œuvre.

En conclusion, je ne peux passer sous silence la haine et la violence intolérables dont sont victimes les personnes 2ELGBTQI+ dans les camps de réfugiés au Kenya et ailleurs, et je dénonce vigoureusement le désastre humanitaire et les crimes barbares qui se produisent actuellement dans de nombreuses régions du monde.

Chers collègues, travaillons ensemble pour lutter contre la haine et apporter la paix dans les écoles, les familles, les collectivités et le monde entier. Merci, meegwetch.

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 5 et de la nécessité d’attirer l’attention sur la haine envers les personnes et les communautés 2ELGBTQI+.

Je vous parlerai, tout d’abord, d’une expérience qui met en évidence le pouvoir des mots. C’était à l’automne 2019. Je prononçais un discours à une rencontre nationale de médecins à titre de conférencière principale. Au début de mon discours, je me suis présentée : j’ai dit que j’étais la Dre Gigi Osler et que j’employais le pronom « elle ».

Après mon discours, un collègue qui se trouvait dans l’auditoire m’a dit avoir vu la personne assise devant lui dire à son voisin, quand j’avais mentionné mon pronom, qu’elle n’avait jamais entendu ce genre de remarque.

Je ne sais toujours pas si cette personne n’a pas compris ce que je voulais dire quand j’ai mentionné mon pronom, ou si elle n’avait jamais entendu quelqu’un préciser son pronom en se présentant. Quoi qu’il en soit, j’ai été frappée de voir comment ces quelques mots, « j’emploie le pronom elle », pouvaient ouvrir la voie à une conversation plus vaste et sensibiliser les gens au fait que l’emploi de termes liés à l’identité de genre, comme les pronoms, peut être un signe de courtoisie et d’ouverture.

(1530)

Au Canada, l’acronyme 2ELGBTQI+ représente les personnes aux deux esprits, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers et intersexuées — le « I » désignant les personnes intersexuées considère les caractéristiques sexuelles qui se situent au-delà de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre et de l’expression de genre. Enfin, le « + » inclut les personnes faisant partie des communautés de la diversité sexuelle et de genre qui utilisent une autre terminologie.

Le terme « cisgenre » désigne une personne dont l’identité de genre concorde avec le sexe qui lui a été attribué à la naissance. Le terme « transgenre » désigne une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui lui a été attribué à la naissance. Même si les termes « sexe » et « genre » sont souvent utilisés de manière interchangeable, ils ont des sens différents.

Les Instituts de recherche en santé du Canada définissent ainsi le terme « sexe » :

[...] ensemble d’attributs biologiques retrouvés chez les humains et les animaux. Il est lié principalement à des caractéristiques physiques et physiologiques, par exemple les chromosomes, l’expression génique, les niveaux d’hormones et l’anatomie du système reproducteur.

Le sexe est généralement attribué à la naissance et repose sur un système binaire, « femme » ou « homme ». Il se fonde habituellement sur l’anatomie externe.

En revanche, le genre est une construction sociale. Selon les Instituts de recherche en santé du Canada, le terme « genre » renvoie :

[...] aux rôles, aux comportements, aux expressions et aux identités que la société construit pour les hommes, les femmes, les filles, les garçons et [les] personnes de [diverses identités] de genre. Le genre influe sur la perception qu’ont les gens d’eux-mêmes et d’autrui, leur façon d’agir et d’interagir, ainsi que la répartition du pouvoir et des ressources dans la société. L’identité du genre n’est ni binaire (fille/femme, garçon/homme) ni statique. Elle se situe plutôt le long d’un continuum et peut évoluer au fil du temps.

Pour combattre la haine envers la communauté 2ELGBTQI+, il est important d’employer un langage inclusif. Lors d’une étude dont les résultats ont été publiés en 2022 dans le Journal de l’Association médicale canadienne, on s’est penché sur les comportements suicidaires chez les adolescents des minorités sexuelles et transgenres au Canada. L’étude révèle que les adolescents transgenres ont 5 fois plus de risques d’avoir des idées suicidaires et 7,6 fois plus de risques de se suicider comparativement aux adolescents cisgenres hétérosexuels. Les auteurs soulignent l’importance d’adopter des méthodes de prévention du suicide inclusives pour tenir compte des divers groupes de jeunes Canadiens.

Les mots ont de l’importance parce que des vies sont en jeu.

L’Association des psychiatres du Canada et l’Association médicale canadienne reconnaissent que les problèmes liés à l’identité de genre sont des problèmes de santé et qu’il faut offrir du soutien aux personnes qui éprouvent des problèmes liés à l’expression de l’orientation sexuelle et du genre.

Le budget de 2023 vise à offrir un ensemble complet de soins et de mesures d’éducation en matière de santé sexuelle et reproductive au moyen d’un financement de 36 millions de dollars sur trois ans dans le cadre du Fonds pour la santé sexuelle et reproductive, mais il faut des engagements plus résolus pour contrer la montée de la haine envers la communauté 2ELGBTQI+.

Enfin, j’offre mes félicitations à Logan Oxenham, qui a été élu lors des élections provinciales du Manitoba, le 3 octobre dernier, et qui est considéré comme la première personne ouvertement transgenre à avoir été élue à l’Assemblée législative du Manitoba. M. Oxenham veut apporter un changement positif en se servant de l’expérience qu’il a acquise en tentant de s’y retrouver dans le système de santé en tant qu’homme transgenre. Les personnes transgenres et de diverses identités de genre sont depuis longtemps sous-représentées en politique, à tous les ordres de gouvernement, et M. Oxenham dit vouloir « [...] amplifier les voix des personnes qui, par le passé, n’ont pas été entendues dans des endroits comme l’Assemblée législative ».

L’élection d’un député transgenre offre à la communauté transgenre du Manitoba la visibilité et la représentation dont elle a tant besoin. Elle envoie un message fort selon lequel les personnes transgenres peuvent et doivent participer activement aux processus politiques et décisionnels qui concernent nos collectivités.

Attirer l’attention sur la haine et la discrimination à l’égard des communautés 2ELGBTQI+ est un effort continu auquel doivent participer activement des individus, des collectivités, des organisations et des organismes gouvernementaux. En sensibilisant les gens, en reconnaissant les causes profondes des problèmes et en mettant en œuvre des solutions, nous pouvons nous efforcer de créer une société plus inclusive et plus tolérante au Canada.

Merci, meegwetch.

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je me joins à la discussion sur les droits des personnes 2ELGBTQI+ tels qu’ils ont été soulevés dans le dernier budget fédéral.

Je profite de l’occasion pour parler, dans cette enceinte, d’une politique bien précise, soit la récente décision du groupe de travail sur la Vision et le Plan à long terme d’aménager des toilettes neutres dans les nouveaux bâtiments du Sénat et dans ceux qui ont été rénovés. Bien qu’il y ait eu étonnamment une certaine résistance, je suis heureux de constater que les arguments dominants appartenaient à l’année 2023, et non à l’année 1923.

[Français]

Je veux être le plus clair possible dans cette Chambre en tant que sénateur : je suis en faveur de toilettes neutres.

[Traduction]

Ces toilettes répondront aux besoins des Canadiens transgenres et des Canadiens de genre non binaires, le mot commun étant « Canadiens ».

En outre, comme c’est le cas pour la plupart des formes d’adaptation, de nombreux autres Canadiens se réjouiront de cette mesure qui sera avantageuse pour eux. J’en parle comme si les toilettes privées étaient une toute nouvelle invention. Il faut bien comprendre une chose. Il est toujours souhaitable de prendre des mesures d’adaptation par respect des droits de la personne, cela dit, les personnes qui ont le plus besoin de ces mesures sont rarement les seules à en tirer profit.

Permettez-moi de vous donner deux exemples. Il y a 30 ou 40 ans, alors que l’on construisait des bâtiments et des trottoirs accessibles aux personnes en fauteuil roulant et aux personnes à mobilité réduite, je me suis rendu compte que ces mesures étaient très utiles pour les parents de jeunes enfants. Quand je suis resté à la maison pour élever mes enfants pendant quelques années lorsqu’ils étaient petits, ces installations m’ont facilité la vie à maintes reprises lorsque je trimballais deux petits enfants dans une poussette.

Les installations destinées aux personnes handicapées ont grandement aidé tous les parents et toutes les personnes qui s’occupent de jeunes enfants, dont le nombre est bien plus élevé que celui des personnes en fauteuil roulant. D’ailleurs, l’accessibilité n’est pas encore complète.

[Français]

À titre de deuxième exemple, lorsque j’étais au CRTC, l’une des initiatives sur lesquelles nous avons travaillé était le sous-titrage à la télévision pour les personnes sourdes et malentendantes.

[Traduction]

Encore aujourd’hui, le sous-titrage à la télévision demeure un grand succès, d’autant qu’il s’autofinance grâce aux publicités et aux commandites, et il rend aussi un fier service aux clients des bars, des pubs, des restaurants, des salles de conditionnement physique et des centres de santé. Alors, chers collègues, la prochaine fois que vous lirez des sous-titres sur un écran de télévision à l’aéroport, pensez à remercier les pionniers derrière ce service, c’est-à-dire les personnes sourdes et malentendantes du Canada.

Vous savez, les toilettes destinées aux « autres » faisaient probablement déjà l’objet d’un vif débat au Parlement il y a 100 ans, car deux ans plus tôt, une première femme avait été élue à la Chambre des communes et sept ans plus tard, le Sénat accueillait sa première sénatrice. Le débat sur le nombre approprié de toilettes pour femmes a perduré pendant des dizaines d’années, mais je peux aisément imaginer à quel point, dans leur fragile masculinité, les hommes ont dû s’indigner et protester parce qu’ils devaient céder certaines de leurs toilettes à leurs collègues féminines, alors qu’elles n’avaient même pas d’affaire au Parlement, point. Pourtant nous voici, 100 ans plus tard, avec enfin une solution. Il nous en a fallu du temps, mais nous avons réussi.

Je tiens à féliciter le sénateur Tannas et le Sous-comité sur le Plan et la Vision à long terme, la sénatrice Moncion et le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration de même que tous les sénateurs qui ont su aborder cette question avec ouverture et respect.

J’aimerais dire une dernière chose au sujet des droits des minorités, et c’est le message que j’aimerais transmettre à tous les parlementaires. Permettez-moi de paraphraser le président Biden, qui s’exprimait sur la haine il y a quelques jours : dans la société, il y a toujours une haine profonde qui dort juste sous la surface, et il lui suffit d’un peu d’oxygène pour se réveiller. Dans le cadre de nos débats parlementaires, veillons à ne pas donner de l’oxygène aux forces obscures de notre société.

(1540)

Je comprends que nous sommes souvent saisis de questions qui sont nouvelles pour certains, de questions compliquées ou menaçantes. En tant que parlementaires, nous pouvons peut-être faire de notre mieux, lorsque nous discutons de questions complexes et émotives, pour ne pas alimenter les forces obscures de notre société, même si cela pourrait procurer à certains d’entre nous un avantage politique à court terme.

À ceux qui n’aiment pas l’idée de toilettes neutres, je dis : « Allons, ralliez-vous. Accueillons et respectons chacun, qu’il s’agisse de parlementaires, de membres du personnel ou de visiteurs. Le Parlement est la maison de tous les Canadiens, pas seulement de certains d’entre eux. Croyez-moi, vous allez aimer les toilettes privées. » Merci.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous faire part de mon inquiétude et de mes réflexions au sujet de l’augmentation du nombre de manifestations de haine contre les personnes 2ELGBTQI+ au Canada, en particulier les enfants, en intervenant au sujet de l’interpellation no 5, qui attire l’attention sur le budget de 2023, surtout sur l’importance d’élaborer un plan d’action national de lutte contre la haine.

Honorables collègues, jeudi dernier, la revue The Economist titrait : « La guerre culturelle est arrivée au Canada. » L’article portait sur l’influence du soi-disant mouvement des droits parentaux sur l’éducation, les lois et les politiques au Nouveau‑Brunswick et en Saskatchewan, qui privent les enfants et les adolescents transgenres de leurs droits à la vie privée, à la sécurité et à la santé et qui placent les éducateurs dans une position très difficile.

Chers collègues, honnêtement, je suis encore secouée par ma rencontre, le 20 septembre dernier, avec la ligne de front de la guerre culturelle, qui divise et polarise la société. Alors que je tentais de traverser la rue Wellington pour me rendre à mon bureau de l’édifice de l’Est, j’ai croisé deux groupes de gens séparés par des files de policiers. Du côté sud de la rue Wellington, il y avait des gens portant des vêtements arc-en-ciel et des pancartes encourageant les gens à propager l’amour, et non la haine, à protéger les enfants transgenres et à affirmer que les droits des transgenres sont des droits de la personne.

Au Canada, nous savons que l’identité de genre et l’expression de genre sont des motifs de distinction illicite selon la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je me suis donc dit qu’il n’y avait pas de problème. De l’autre côté de la rue, sur la Colline, des gens manifestaient en soutien au groupe 1 Million March 4 Children. Là, j’ai vu des affiches sur lesquelles on pouvait lire « Les garçons sont des garçons, les filles sont des filles »; « Ne touchez pas à nos enfants »; « Les parents savent quoi faire »; « La démocratie et non la dictature » et « Laissez les enfants tranquilles ».

Cela peut sembler anodin, mais il y avait de dangereux sous-entendus. Selon le Canadian Anti-Hate Network, en utilisant une expression comme « le droit des parents » — ce que bien des parents jugeraient normal et acceptable — pour s’élever contre les droits des personnes trans et ceux des enfants, ce mouvement rallie non seulement ceux qui sont contre les communautés 2ELGBTQI+, mais aussi des parents inquiets et mal informés, qu’une telle philosophie incite à rejoindre le mouvement.

J’ai été profondément troublée par ce que j’ai vu. Cela paraissait dangereux pour les personnes et les enfants 2ELGBTQI+. Cela paraissait dangereux pour les parents qui semblaient pris dans un tissu de mensonges et, en toute franchise, cela paraissait dangereux pour le Canada.

Amarnath Amarasingam, un expert de l’Université Queen’s en matière d’extrémisme, a déclaré ceci :

Les propos anti-COVID et anti-vaccins ont rallié une foule de mouvements différents, qui sont maintenant tous à l’affût du prochain sujet du jour et agissent en conséquence.

Il avait prédit le virage vers les questions entourant les communautés 2ELGBTQI+. Dans l’article du Toronto Star, Bruce Arthur a écrit que « des manifestations de ce genre sont le reflet de la santé de la société, et la fièvre augmente. »

Dans leur article intitulé « Comment le mouvement des “droits parentaux” a donné naissance à l’événement 1 Million March 4 Children », les professeures Mason et Hamilton, de l’Université Mount Royal, ont expliqué que le mouvement des droits parentaux n’a rien de nouveau. Dans les années 1970, aux États-Unis, les mantras du mouvement pour les « droits parentaux » et la « protection des enfants » servaient à s’opposer aux protections contre la discrimination envers les gais et lesbiennes. Aujourd’hui, le mouvement des « droits parentaux » des États-Unis est encouragé par Moms for Liberty, une organisation extrémiste antigouvernement qui a des liens avec des nationalistes blancs, y compris les Proud Boys. Des groupes comme Action4Canada portent le flambeau de la lutte pour les droits parentaux au Canada. Ils exigent qu’on mette fin aux programmes inclusifs et qu’on restreigne l’utilisation des noms et pronoms choisis dans les écoles.

Les deux groupes responsables de l’événement 1 Million March 4 Children sont Family [Heart] Freedom, qui cible le contenu éducatif sur l’orientation sexuelle et les ressources sur l’identité de genre, et l’organisation Hands Off Our Kids — appellation qui fait certainement allusion au conditionnement et à la pédophilie —, qui manifeste contre ce qu’elle appelle l’idéologie LGBTQIA+ — si une telle chose existe — dans les écoles.

Alors, chers collègues, que devons-nous faire? Tout d’abord, nous devons écouter les personnes les plus menacées et agir en conséquence. Alex Harris, un étudiant transgenre du Nouveau‑Brunswick, a déclaré que les manifestations et les messages créent un environnement effrayant et dangereux pour les étudiants queers. Bien que ses propres parents le soutiennent, Alex connaît d’autres jeunes qui risqueraient de subir des violences physiques ou d’être chassés de chez eux s’ils dévoilaient leur orientation sexuelle à leurs parents.

Deuxièmement, nous devons dénoncer les personnes et les organisations qui dirigent le soi-disant mouvement de défense des droits parentaux, mettre en lumière leurs véritables intentions et réfuter la désinformation qu’elles livrent aux parents.

Parallèlement, le Canadian Anti-Hate Network lance l’avertissement suivant :

Qualifier de gens étroits d’esprit et de mauvais parents tous ceux qui souhaitent s’impliquer activement dans la vie de leurs enfants, tout en étant personnellement troublés à l’idée qu’un autre adulte sache des choses sur leur enfant qu’ils ne savent pas eux-mêmes, ne contribue pas à rendre les écoles plus sûres [...] Cela ne fait qu’attirer davantage ces parents vers le [...] mouvement des « droits parentaux ».

Le Canadian Anti-Hate Network suggère de centrer les efforts sur des valeurs communes, par exemple le besoin de tous les enfants d’être en sécurité et soutenus. Par conséquent, si tous les enfants méritent d’être en sécurité et soutenus, nous devrions prendre en considération les besoins des enfants les plus vulnérables lorsque nous élaborons des politiques ayant une incidence sur eux.

Le troisième point est l’importance de communiquer clairement les données probantes sur l’orientation sexuelle, sur l’identité et l’expression de genre, ainsi que sur les mesures qui visent à rendre les écoles et les collectivités sécuritaires et inclusives pour tous. Je remercie la sénatrice Osler d’avoir lancé les discussions d’aujourd’hui en présentant certaines de ces données.

Quatrièmement, et c’est important pour nous tous ici, dans cette enceinte, il y a la question de la politique. La dernière chose dont les enfants et les jeunes vulnérables ont besoin, c’est d’être des pions sur un échiquier politique. Dans un article sur la situation en Saskatchewan, le chroniqueur du Globe and Mail, Andrew Coyne, a écrit ceci :

Ce n’est donc pas des parents ou des enfants qu’il est question, mais plutôt de politique. Le but, c’est de se plier à des craintes obscures et à des ressentiments plus vastes [...]

Chers collègues, je change maintenant de ton pour dire que je suis également d’accord avec l’Association canadienne des libertés civiles lorsqu’elle affirme ceci :

Au Canada, les gens sont compatissants et décents; la population est attachée aux droits et aux libertés, aux politiques fondées sur des données probantes et au bien-être des enfants.

J’ai été très heureuse d’apprendre qu’aujourd’hui, à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, de nombreux députés de tous les partis ont parlé de la protection des droits des personnes 2ELGBTQI+ dans cette assemblée législative. C’est une merveilleuse nouvelle.

Honorables sénateurs, il est temps pour nous tous d’appuyer nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos petits-enfants, nos collègues et nos voisins de la communauté 2ELGBTQI+. Unissons nos efforts à la Chambre haute du Parlement du Canada pour nous engager dès maintenant à respecter et à défendre leurs droits, conformément aux lois de notre pays, et parce que c’est la bonne chose à faire.

Veillons aussi à ce que le Canada ne soit pas entraîné plus profondément dans les guerres culturelles d’autrui. Assurons-nous que le gouvernement élabore un solide plan d’action contre la haine, assorti de mécanismes efficaces pour lutter contre toute menace actuelle et future à la sécurité, au bien-être et aux droits des Canadiens de la communauté 2ELGBTQI+.

Honorables sénateurs, j’espère que vous conviendrez tous que le Canada doit être un pays où tout le monde peut s’épanouir sans crainte. Merci.

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 5, qui attire l’attention du Sénat sur le budget fédéral de 2023 intitulé Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère. Vous constaterez que mes observations rejoignent très bien les propos de mes collègues.

(1550)

Dans ce budget, le gouvernement a proposé de présenter, d’ici la fin de l’année, un nouveau plan d’action pour lutter contre la haine. Nous ne pouvons toutefois pas choisir quels groupes en seront exclus et demeureront la cible de comportements haineux.

La Loi canadienne sur les droits de la personne interdit les comportements haineux fondés sur l’identité ou l’expression de genre. Cela comprend les communautés 2ELGBTQIA+, qui doivent donc faire partie du plan d’action.

Comme le savent bon nombre d’entre vous, on entend parler de plus en plus souvent de menaces ou d’actes de violence ciblant ces communautés, en particulier les personnes trans. Ici même au Canada, des membres des communautés 2ELGBTQIA+ ont été agressés. On peut voir des manifestations contre les heures de conte animées par des drag queens, contre les clubs de la fierté dans les écoles et même contre le fait de hisser le drapeau de la fierté. On constate que les jeunes peuvent plus difficilement définir leur propre identité en toute sécurité. Ces exemples frappants nous rappellent qu’il faut demeurer vigilants et continuer de protéger les personnes les plus vulnérables de la société.

Chers sénateurs, la plupart d’entre vous ont déjà entendu le terme « woke », que la communauté noire utilisait à l’origine pour désigner les personnes conscientes des injustices raciales et sociales. On a toutefois pu voir, dernièrement, des gens se servir de l’étiquette « wokisme » pour s’en prendre aux droits des personnes 2ELGBTQIA+ sous prétexte qu’il s’agit d’une démarche clivante ou extrémiste. Ceux qui s’opposent aux droits fondamentaux des citoyens 2ELGBTQIA+ se décrivent souvent eux-mêmes comme « anti-wokes ».

J’ai consacré ma carrière précédente à défendre les droits et les valeurs canadiennes, au pays et à l’étranger, et j’ai une question à vous poser. Y a-t-il déjà eu un moment où il était acceptable de priver un de nos concitoyens de ses droits parce qu’il ne cadrait pas avec l’identité cisgenre hétéronormative? Tous les Canadiens ont le droit d’être authentiquement eux-mêmes.

Je vous remercie.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, j’aimerais parler de l’interpellation no 5, qui attire notre attention sur le budget intitulé Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère.

J’aimerais m’attarder plus précisément sur l’importance du plan d’action national contre la haine qui a été annoncé dans le budget de 2023 et de ses répercussions sur la communauté 2ELGBTQIA+.

J’aime m’écouter parler — j’ose même croire qu’il en va de même pour certains d’entre vous —, mais je crois que nous serions beaucoup plus avancés, vous et moi, si au lieu de parler, j’écoutais les interventions réfléchies, mesurées et touchantes de mes collègues. C’est un honneur pour moi aujourd’hui d’écouter davantage que de parler.

Pour beaucoup, ce sujet est à la fois absolument universel et profondément personnel. Ainsi assemblés, nous devons prendre conscience de l’urgence de la situation et de la responsabilité qui nous incombe, à titre de représentants de la population canadienne, de donner une voix à ceux qui en ont besoin.

Peu importe de qui on parle, les droits fondamentaux d’une personne sont universels et indivisibles. Comme le dit l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

Pourtant, pour bien des membres de la communauté 2ELGBTQIA+, cette vérité fondamentale demeure uniquement théorique. Ils continuent de subir des crimes haineux, de la discrimination et de la violence, tant au pays qu’à l’étranger. En 2022 seulement, le rapport du projet Trans Murder Monitoring a indiqué qu’il y a eu 327 morts de personnes trans sur la planète, dont 95 % étaient des femmes trans. La plupart de ces victimes étaient marginalisées, ce qui confirme ce que nous savons déjà : la haine se déchaîne particulièrement contre les personnes qui vivent en marge de la société.

Le Canada n’est pas à l’abri. Selon une étude menée en 2020 au Canada, les Canadiens trans étaient plus susceptibles de subir de la violence et d’être confrontés à des comportements inappropriés en ligne et au travail. En 2023 seulement, nous avons vu des cas de vandalisme motivés par la haine qui ciblaient des drapeaux de la fierté, des manifestations haineuses et même l’exclusion des drapeaux de la fierté de propriétés municipales et du ruban multicolore sur les bâtons de hockey.

Malheureusement, au cours de la dernière année, nous avons aussi observé une importante et insidieuse politisation des discussions sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre des jeunes Canadiens. Certains d’entre vous en ont déjà parlé. Plusieurs provinces ont mis en place ou étudient des mesures législatives sur le traitement des jeunes ayant diverses identités de genre dans les systèmes d’éducation, et je veux principalement parler des jeunes dans la dernière partie de mon intervention.

À mon avis, la politisation des plus jeunes et vulnérables citoyens canadiens est inquiétante et même inacceptable. Le sénateur Cormier m’a parlé d’une étude qui aide à comprendre cette inquiétude. Elle porte sur le bien-être des élèves au Nouveau‑Brunswick. Des élèves de la 6e à la 12e année, soit des enfants de 12 à 18 ans — des années difficiles pour bon nombre de jeunes, peu importe leur situation —, ont été sondés dans le cadre de cette étude.

Si vous me le permettez, je voudrais vous communiquer certaines conclusions de cette étude qui font réfléchir. Le premier chiffre représente la réponse moyenne pour tous les élèves et le deuxième, pour les élèves LGBTQ2+. On a demandé aux élèves s’ils se sentaient tout le temps ou la plupart du temps isolés. Parmi tous les élèves, 28 % ont répondu oui. Du côté des élèves LGBTQ2+, le pourcentage d’élèves qui disent se sentir tout le temps ou la plupart du temps isolés est à 51 %. Je crois que cela nous indique une aliénation et une vulnérabilité.

En ce qui concerne la difficulté à s’endormir tous les soirs ou la plupart des soirs, la moyenne était à 65 %. Du côté des élèves LGBTQ2+, elle était de 80 %. Au sujet de la capacité à communiquer au sein de la collectivité et de la possibilité de faire confiance aux membres de la collectivité, 55 % ont répondu oui. Les élèves LGBTQ2+, eux, ont répondu oui à 42 %. Quand on leur a demandé s’ils pouvaient demander de l’aide à leurs voisins, les élèves en général ont répondu oui à 66 %; 53 % des élèves LGBTQ2+ ont répondu oui.

Dans tous ces exemples, il y avait une différence statistiquement significative qui était toujours défavorable aux jeunes vulnérables. Les faits sont indiscutables, et la nécessité de mieux protéger les mineurs ressort même de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, qui a clairement affirmé que « [l]a reconnaissance du principe de la vulnérabilité inhérente des enfants demeure profondément enracinée en droit canadien ».

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : on assiste présentement à un débat entre les droits des parents et ceux des enfants, et j’imagine que d’aucuns estiment que les droits des premiers devraient l’emporter sur ceux des seconds. Eh bien, laissez-moi vous rappeler ce qu’on trouve dans chacune des provinces de notre pays : des lois qui protègent les enfants — tiens, on dirait qu’il y a au moins une personne qui m’écoute là-bas.

Merci, sénatrice Simons.

Nous avons des lois, et ces lois sont à ce point contraignantes que les citoyens canadiens que nous sommes ont l’obligation de prévenir les services sociaux s’ils constatent qu’un enfant est dans le besoin. Nous sommes tenus de prévenir les autorités, à défaut de quoi nous nous rendons coupables d’une infraction. Alors au diable l’argument voulant que, par un raisonnement quelconque, les droits des enfants doivent être modifiés.

Notre société, et c’est tout à notre honneur, tient les enfants en très haute estime, et ce n’est pas le temps de changer.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cotter : Sur le plan international, le Canada est un ardent défenseur des droits des communautés marginalisées. Nous nous sommes engagés de manière constructive tant au niveau bilatéral que multilatéral, nous avons collaboré étroitement avec les organisations de la société civile et appuyé les programmes d’aide internationale qui font avancer les droits des personnes queers et transgenres.

Malgré ces statistiques et tous nos efforts, pouvons-nous dire que nous en faisons assez? Il me semble évident que la réponse est non. Nous devons en faire davantage.

C’est pourquoi je tiens, encore une fois, à souligner l’importance de consulter les communautés 2ELGBTQIA+ avant d’élaborer le Plan d’action national de lutte contre la haine annoncé dans le budget. Grâce à ce travail et à celui de tant de Canadiens, nous créerons un Canada où chaque citoyen est libre d’être lui-même, un pays où les jeunes en particulier pourront grandir et mener une vie épanouie sans crainte ou préjudice.

Merci.

(1600)

L’honorable Paula Simons : Lorsque les stratèges républicains froids et calculateurs ont commencé à se servir du discours transphobe pour susciter des dissensions politiques aux États-Unis, répandant des histoires imaginaires de femmes trans rôdant dans les salles de toilette ou faisant croire que des livres de bibliothèque transforment des enfants hétérosexuels en queers pour faire peur aux gens, je me réjouissais de vivre au Canada, où, croyais-je naïvement, des politiques aussi lâches et trouillardes ne trouveraient jamais acheteurs.

Lorsque j’ai vu, en Grande-Bretagne, des féministes prônant l’exclusion des trans, dont nulle autre que la jadis bien-aimée auteure pour enfants J. K. Rowling, s’en prendre aux droits des trans, j’étais reconnaissante de vivre au Canada, un pays d’inclusion et de compromis, où l’identité et l’expression de genre sont protégées par notre Charte des droits et libertés.

Toutefois, quand je regarde aujourd’hui dans les rues du Canada, où des manifestants arrachent et piétinent des drapeaux arc-en-ciel; quand je regarde les médias sociaux, où des Canadiens comparent les militants de la communauté LGBQT à des Nazis, je suis découragée.

La fureur que suscite cette question est stupéfiante et alarmante. Les manifestations remplies de colère et de haine dans nos rues sont déjà bien assez déplorables. Or, les actes paranoïaques et abjects de certains premiers ministres provinciaux qui sont prêts à bafouer les droits garantis par la Charte, dont le droit à la vie privée, pour mieux se positionner à titre de « guerriers des valeurs familiales » sont, à leur manière, encore plus alarmants.

Pouvez-vous imaginer la colère et le dégoût que ressentirait le regretté Peter Lougheed en apprenant qu’on se sert de « sa » disposition de dérogation non pas pour protéger des droits provinciaux, mais bien à titre de menace préventive pour intimider des écoliers, littéralement?

Au Canada, aucun conseil scolaire ne retire les droits parentaux. Aucun enseignant, bibliothécaire ou conseiller scolaire bienveillant ne force, ne leurre ou ne séduit les enfants canadiens pour qu’ils deviennent transgenres. Il n’y a pas de bandes d’activistes queers qui parcourent le pays pour couper les seins ou les organes génitaux des adolescents.

Au Canada, où le système de santé est public et à but non lucratif, personne ne gagne de l’argent en incitant les enfants et les parents à suivre un traitement hormonal ou à subir une intervention chirurgicale au haut du corps. Les médecins canadiens ont tendance à être conservateurs — dans le meilleur et le plus honorable sens du terme — et, dans ce pays, on ne presse aucune famille avec des enfants mineurs à obtenir des soins d’affirmation du genre. Aucune mesure médicale radicale n’est prise sans de nombreuses évaluations psychiatriques et médicales, ainsi que de nombreuses thérapies et conversations.

Le discours « sauvons les enfants » utilisé de manière si imprudente par les militants anti-trans et leurs alliés, tant de la droite que de la gauche, est le discours de la panique morale, de la chasse aux sorcières. C’est le même langage qui était omniprésent dans le discours public lors de la « panique satanique » sur les abus commis sur les enfants dans les années 1980.

C’est le même discours que celui qui était employé à Salem, ou lorsque les paysans du Moyen Âge craignaient que leurs enfants ne soient enlevés par des Roms ou des Gitans. C’est le genre de discours que toute personne d’origine juive devrait pouvoir reconnaître avec crainte, car il s’agit précisément du discours antisémite qui est employé depuis un millénaire pour accuser les Juifs d’enlever les enfants des Gentils afin de se servir de leur sang dans le cadre de rituels religieux. Cette semaine plus que toute autre, ce discours doit nous révolter et nous horrifier.

Il n’est donc pas étonnant que l’Anti-Defamation League des États-Unis ait recueilli des preuves de campagnes de haine anti‑trans qui associent explicitement le mouvement transgenre à une immense conspiration juive, et qui consistent à faire croire aux gens que leurs enfants sont en danger, car un mystérieux groupe d’étrangers cherche à les enlever, à les mutiler, ou à les convertir. Mes amis, il s’agit là de propagande avec un grand P, associée à un sombre et sanglant passé. Cela fait des millénaires que de telles tactiques sont employées dans toutes les cultures et sur tous les continents pour inciter les gens à la haine.

Or, ces tactiques fonctionnent, car elles exploitent les craintes les plus sombres de tous les parents. Bien sûr, nous aimons nos enfants. Bien sûr, nous voulons les protéger. Bien sûr, nous voulons faire en sorte qu’ils partagent nos valeurs, qu’ils répondent à nos attentes, et qu’ils soient à la hauteur de nos rêves.

Cela dit, nous ne pouvons pas laisser les marchands de haine transformer l’amour que nous portons à nos enfants ni nos craintes pour leur bonheur en arme politique susceptible de diviser le pays. Nous ne pouvons pas non plus laisser les stratèges partisans — qui au fond se fichent de toute cette question et n’y voient rien d’autre qu’un outil politique à exploiter — utiliser les enfants vulnérables et leurs parents pour faire le plein de votes.

Les ambivalences sur cette question m’ont longtemps rendue mal à l’aise. Je dois beaucoup aux amis de ma fille et aux enfants de mes amis qui s’identifient comme non binaires, queers, de genre fluide, bispirituels et trans. J’ai parcouru beaucoup de chemin grâce à eux, à les regarder se battre pour leurs droits, leur identité et leur santé mentale. J’ai aussi vu leurs parents, mes amis, se débattre avec leurs propres doutes, questionnements et malaises.

La binarité sexuelle est profondément ancrée dans la culture populaire. C’est la première chose qu’on demande à propos d’un bébé : c’est un garçon ou une fille? L’idée qu’une personne puisse être les deux, ou aucun des deux, laisse la plupart des gens perplexes parce que nous avons été élevés dans un monde binaire. J’ai vu et j’ai observé des enfants jouer avec leur identité, expérimenter avec leur pronom, leur nom et leur apparence et explorer les limites des normes sexuelles pour finalement conclure qu’ils ne sont ni trans ni même queers.

Savez-vous quoi? C’est très bien aussi. L’adolescence devrait être le moment parfait pour faire des expériences, repousser les limites et se poser les questions les plus difficiles qui soient sur son identité.

Pour certains, il est probable que ce soit seulement une phase, un engouement ou une façon de contester l’autorité des parents. Et vous savez quoi? C’est aussi tout à fait normal. Cependant, pour beaucoup, la transition de genre a littéralement sauvé leur vie — quelque chose qui leur a donné la paix dans leur propre corps, qui leur a permis de se connaître comme ils sont vraiment et qui les a sauvés de la dépression, du désespoir et de l’automutilation. Qui sommes-nous pour refuser aux individus ce droit au choix individuel?

Je suis une femme cisgenre hétérosexuelle d’âge moyen, assez ordinaire et sans originalité, qui utilise le pronom « elle ». Peut-être parce que je ne suis pas attirante au sens conventionnel du terme et peut-être parce que j’ose faire des choses généralement considérées comme masculines comme, disons, prononcer des discours, écrire des articles de journaux, avoir mes propres opinions ou même être sénatrice, je suis depuis de nombreuses années la cible de propos haineux transphobes sur les médias sociaux et dans ma boîte aux lettres électronique, de la part d’un flux vraiment sans fin de personnes qui pensent que c’est un commentaire social intelligent de me comparer à une drag queen ou à une femme transgenre. C’est odieux. C’est blessant. C’est incessant. Et je suis, comme je l’ai dit, une sénatrice cisgenre et hétérosexuelle, avec tous les privilèges et la protection sociale du monde. J’ai du mal à imaginer à quel point ces attaques sont encore plus effrayantes et blessantes si on est queer ou transgenre, et si les attaques proviennent non pas de cruels inconnus sur Internet, mais de vraies personnes de la vie réelle, surtout si ces personnes sont des membres de sa propre famille.

Ce dont il est question ici, c’est de ne pas dévoiler involontairement les adolescents intergenres en révélant leurs pronoms à leurs parents. Nous protégeons non seulement les jeunes qui ne sont pas tout à fait prêts à parler à leur famille, qui tentent de démêler leur propre confusion et qui essaient différentes identités, mais aussi les jeunes qui ont une crainte légitime d’être victimes de violence physique, voire de devenir sans-abri.

Mes amis, ces questions ne sont pas faciles. Elles sont compliquées et émotionnelles, et elles touchent au cœur de l’identité humaine, à savoir ce que cela signifie d’être un être humain, un parent et une famille.

Dans un pays multiculturel et pluraliste, où la liberté de religion est également un droit protégé par la Charte, nous devons avoir des conversations prudentes, réfléchies et sincères sur ces questions. C’est précisément la raison pour laquelle les tactiques partisanes visant à susciter la peur et l’anxiété au sujet de l’identité transgenre et des droits parentaux en ciblant particulièrement les communautés d’immigrants et les communautés religieuses sont tellement nuisibles et dangereuses.

Nous ne pourrons pas discuter de ces questions morales et éthiques difficiles si nous sommes pris d’une panique morale, aveuglés par nos peurs ou manipulés par ceux qui veulent nous monter les uns contre les autres pour servir leurs sombres ambitions.

Merci. Hiy hiy.

Des voix : Bravo!

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’élaboration d’un plan d’action national de lutte contre la haine qui a été annoncé dans le budget de 2023.

Je remercie mes collègues de s’être exprimés sur ce sujet aujourd’hui et je veux que vous sachiez que c’est un privilège d’être ici à vos côtés.

À l’instar de nombreux Canadiens, je suis très préoccupé par la montée des discours haineux, y compris les manifestations publiques de discours haineux contre les personnes 2ELGBTQI+ au Canada.

En septembre, des manifestations organisées dans tout le pays ont amplifié les messages discriminatoires, nuisibles et erronés concernant les adultes, les jeunes et les enfants 2ELGBTQI+. La plupart de ces messages contenaient de la désinformation qui est ressassée depuis des décennies pour faire avancer des causes politiques qui s’opposent à la progression sociale et au respect des droits fondamentaux de la personne. L’une d’entre elles a eu lieu juste en face de mon bureau et j’ai été consterné, tout comme les membres de mon personnel, par les slogans qu’on scandait et les affiches qu’on tenait.

(1610)

À la suite de la manifestation, le sénateur Cormier et moi-même avons filmé et publié une vidéo sur les médias sociaux pour dénoncer ces messages haineux. Nous avons diffusé un message de bonté, de compassion et de soutien pour les Canadiens 2ELGBTQI+ et leur famille. Nous avons parlé des droits de tous les Canadiens, peu importe qui ils aiment, et la manière dont ils s’identifient.

Sur Twitter, notre message de solidarité a été accueilli par certaines des réactions les plus haineuses dont j’ai personnellement été témoin. Bien qu’il y en a eu beaucoup, je vais lire un commentaire fait à mon sujet et qui a été écrit sous la publication du sénateur Cormier. Je vais censurer certains mots et je vous demande, chers collègues, d’utiliser votre imagination pour remplir les trous. Je peux vous assurer que votre imagination n’ira probablement pas aussi loin que les propos tenus.

Regardez les deux [bip] de clowns! Deux vrais [bip] d’écœurants. Stan, tu es un sale [bip] de pédophile dégueulasse. Tu es un [bip] de minable dégoûtant, un bon à rien. Tu le sais. Tu le sais que tu es rien qu’un [bip] de mange [bip].

Chers collègues, selon les Nations unies, un discours de haine se définit comme suit :

[…] tout type de communication […] constituant une atteinte ou utilisant un langage […] discriminatoire à l’égard d’une personne ou d’un groupe en raison de leur […] appartenance religieuse, de l’origine ethnique, de la nationalité, de la race, de la couleur de peau, de l’ascendance, du genre ou d’autres facteurs constitutifs de l’identité.

Le Code criminel canadien définit l’incitation publique à la haine comme « la communication de déclarations en un endroit public » qui « incite à la haine contre un groupe identifiable, lorsqu’une telle incitation est susceptible d’entraîner une violation de la paix… »

Ce commentaire sur notre vidéo n’était qu’un des nombreux commentaires qui correspondaient à ces critères.

Je suis profondément préoccupé par deux choses. La première est la technologie numérique qui permet à ce type de langage haineux d’être affiché dans l’espace public sans réglementation et sans conséquence et peut-être même d’être encouragé. En effet, mon personnel s’est plaint d’un certain nombre de messages similaires, mais on lui a répondu qu’ils étaient considérés comme entrant dans les limites « normales » de l’utilisation de cette plateforme.

Chers collègues... vraiment? Ce type de discours haineux est considéré comme « normal »?

Deuxièmement, je m’inquiète profondément pour les jeunes personnes 2ELGBTQI+ qui sont exposées à ces insultes, mais aussi de l’incidence négative potentielle de ces insultes sur leur bien-être et leur santé mentale. Pensez à ce que vous ressentiriez si de telles insultes étaient dirigées contre ce que vous êtes en tant que personne. Je suis certain que personne dans cette enceinte ne considérerait ces insultes verbales autrement que comme préjudiciables.

De nombreuses recherches ont permis de constater que les personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles étaient plus susceptibles de souffrir de dépression, d’anxiété, de pensées suicidaires et de toxicomanie que les personnes hétérosexuelles. À titre de psychiatre ayant des connaissances spécialisées dans ce domaine, je peux affirmer avec assurance que ces tourments découlent en grande partie des préjugés, de la discrimination, des discours haineux et du harcèlement que ces personnes subissent en ligne et en personne.

La diffusion et la répétition des discours haineux visent à empêcher les personnes 2ELGBTQI+ de participer librement à la société. Ces discours nient leur identité, chers collègues. Ils les transforment en caricatures considérées comme des sous-humains. On sait trop bien ce qui se produit lorsqu’on déshumanise des gens. Ce faux point de départ ouvre ensuite la voie à la discrimination, à la violence et pire encore.

Selon les gens qui publient des messages haineux en ligne, certains de nos enfants, des membres de notre famille, de nos amis, de nos collègues et de nos concitoyens ne sont pas dignes de notre respect ni de notre amour, ils sont considérés comme indignes, point. C’est tout simplement inacceptable, chers collègues. Nous ne voulons vraiment pas que ces idées soient tolérées au Canada. En tant que leaders, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et laisser une telle chose se produire. Nous ne pouvons pas laisser la haine avoir libre cours dans nos rues et devenir normale dans le discours social. Nous avons la responsabilité d’agir, et nous devons assumer pleinement et vigoureusement cette responsabilité.

Nous ne pouvons pas rester silencieux, car le silence peut laisser croire à notre consentement. De plus, le silence envoie le message à ceux qui sèment la haine qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent pour causer du tort à autrui — qu’il n’y a pas de conséquences pour les comportements haineux et nuisibles. J’aimerais vous faire part de certains propos que le sénateur Cormier et moi-même avons publiés en ligne il y a plusieurs semaines :

Les enfants [et les jeunes] ont le droit de vivre dans un environnement sûr et stimulant où ils sont soutenus par leurs pairs et par les personnes qui s’occupent d’eux, à la maison et à l’école.

Nous avions également déclaré ceci :

Tous les [Canadiens] méritent d’être aimés, acceptés et chéris indépendamment de la personne qu’ils aiment ou de la façon dont ils s’identifient et expriment leur genre.

Honorables sénateurs, je pense qu’aucune tribune au Canada ne devrait tolérer la promotion ou la propagation de discours haineux. À mon avis, aucun Canadien ne devrait être soumis à des attaques motivées par la haine pour quelque raison que ce soit, qu’il s’agisse de la couleur de sa peau, de son lieu d’origine, de la personne aimée ou de la manière d’exprimer son identité. C’est pourquoi j’appuie la préparation d’un plan d’action national de lutte contre la haine.

Chers collègues, à mon avis, toute personne qui vit au Canada mérite de vivre sans subir de préjugés ni de discrimination, et d’avoir la liberté d’être elle-même et d’aimer la personne de son choix.

Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, j’ai le privilège d’intervenir au sujet de l’interpellation no 5, qui attire l’attention du Sénat sur le budget intitulé Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère.

En réaction à la hausse des crimes haineux signalés par la police, y compris de la haine à l’égard des communautés 2ELGBTQI+, le budget de 2023 présente un nouveau plan d’action pour lutter contre la haine au Canada.

Nous vivons à une époque de polarisation accrue. Les messages haineux et la mésinformation visent bien des gens, mais plus particulièrement les communautés queers et trans, ce qui engendre de la peur et de l’isolement. Le gouvernement fédéral en est conscient et a pris des mesures, notamment en élaborant et en mettant en œuvre le Plan d’action fédéral 2ELGBTQI+. En 2022, ce plan a contribué à promouvoir l’égalité et les droits des membres de ces communautés partout au Canada, et il aide plusieurs organismes et communautés queers et trans d’un bout à l’autre du pays à renforcer leur résilience face à cette haine croissante.

Pas plus tard qu’en août dernier, dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, le gouvernement fédéral a annoncé du financement pour deux organismes locaux par l’entremise du plan d’action. Il s’agit du First Light St. John’s Friendship Centre et du Quadrangle LGBTQ Community Centre, qui ont respectivement pour objectif de soutenir, entre autres, les femmes autochtones et les membres des communautés 2ELGBTQI+. Les projets financés visent à mettre fin à la violence fondée sur le genre et à assurer l’accès aux soins de santé liés à l’affirmation de genre.

(1620)

La contribution des membres de la communauté 2ELGBTQI+ au tissu culturel, à la vie artistique et au milieu des affaires de Terre‑Neuve est immense. Ce sont nos amis, nos proches, nos voisins. Ils continuent de mener le combat pour leurs droits et leur acceptation en misant sur l’information, l’éducation et la visibilité. Nous devons nous tenir à leurs côtés, chers collègues.

En mai, l’initiative Queer Research de Terre-Neuve-et-Labrador a lancé une collection de documents et de photographies rares illustrant le passé LGBTQ+ de la province. Grâce à la directrice générale de cet organisme à but non lucratif, Sarah Worthman, ces nouvelles archives racontent l’histoire cachée des Téneliens gais, lesbiennes, bisexuels et de diverses identités de genre tout au long de notre parcours. Comme l’a dit Mme Worthman de manière éloquente en entrevue : « C’est beaucoup plus difficile de détester quelqu’un qu’on connaît que quelqu’un qu’on ne connaît pas. »

Moi-même, dans ma carrière, j’ai été témoin des effets dévastateurs des sobriquets, des microagressions, de la marginalisation, de l’exclusion et parfois même de la violence sur la santé mentale des étudiants 2ELGBTQI.

La mise en œuvre de ce plan de lutte contre la haine est une prochaine étape essentielle pour poursuivre les progrès que nous avons faits. Ce plan consiste à poursuivre la lutte contre les problèmes systémiques qui ont perpétué la discrimination et la violence envers ces communautés. Il reconnaît que, pour assurer un avenir prospère à tous les Canadiens, il faut combattre la haine et les préjugés qui nuisent à nos valeurs d’égalité, de diversité et d’inclusion.

L’importance de ce plan va bien au-delà des effets immédiats sur les crimes haineux. Il touche à des principes fondamentaux pour le Canada, un pays qui reconnaît la dignité et la valeur de toutes les personnes, peu importe qui elles sont et qui elles aiment. En luttant contre la haine, nous pouvons non seulement contribuer à sauver la vie de membres de la communauté 2ELGBTQI+ au Canada, mais aussi renforcer notre engagement à bâtir une société où tous ont des chances égales de s’épanouir.

Honorables sénateurs, il me tarde de voir ce plan se développer et être mis en œuvre pour que des mesures concrètes soient prises afin de combattre la haine et de bâtir une société plus équitable, plus inclusive et, espérons-le, plus prospère pour la communauté 2ELGBTQI et les autres groupes marginalisés. Pour assurer un avenir véritablement prospère, il faut que tous les Canadiens puissent mener leur vie avec authenticité sans craindre la discrimination ou la violence.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : J’ai été inspirée par les discours de mes collègues aujourd’hui et je veux prendre très brièvement la parole sur l’interpellation n° 5, lancée par le sénateur Gold, représentant du gouvernement au Sénat, à propos du Plan d’action de lutte contre la haine qui a été annoncé dans le plus récent budget déposé par la ministre des Finances. Ce budget s’intitule Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère. J’ajouterais « pour tous », donc pas seulement pour la classe moyenne, mais pour l’ensemble des classes au Canada.

Je voudrais rappeler que la Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée il y a exactement 10 ans afin d’éliminer exactement le genre d’articles qui servaient à protéger des groupes discriminés, des groupes soumis à un discours haineux. J’aimerais vous référer au paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui s’intitule « Propagande haineuse ». Je le cite :

Constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d’un commun accord, d’utiliser ou de faire utiliser un téléphone de façon répétée en recourant ou en faisant recourir aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des critères énoncés à l’article 3.

Dans l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on fait référence aux groupes contre lesquels il est interdit de faire de la discrimination. Les motifs de discrimination, et je cite :

[…] sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’état de personne graciée ou la déficience.

Honorables sénateurs, je suis impressionnée par les discours que j’ai entendus aujourd’hui et j’espère que je serai tout aussi impressionnée par les démarches que fera cette Chambre.

Honorables sénateurs et sénatrices, nous sommes tous des législateurs et nous devons rétablir cet article dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. J’invite le sénateur Gold, qui a lancé cette interpellation, à convaincre le gouvernement qu’un plan d’action, c’est très bien, mais il faut que ce plan d’action soit complet et qu’il comprenne des mesures concrètes, afin que les gens soumis à ces discours haineux — qui constituent de la discrimination — puissent avoir un recours en vertu de la loi. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel.

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

(1630)

Projet de loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu propose que le projet de loi S-265, Loi édictant la Loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, modifiant la Charte canadienne des droits des victimes et établissant un cadre de mise en œuvre des droits des victimes d’actes criminels, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs et sénatrices, c’est avec fierté que je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-265, intitulé Loi édictant la Loi sur l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, modifiant la Charte canadienne des droits des victimes et établissant un cadre de mise en œuvre des droits des victimes d’actes criminels, que j’ai présenté dans cette Chambre le 17 mai dernier.

Chers collègues, il y a maintenant 14 ans que j’ai entamé mon mandat au Sénat pour poursuivre ma mission, soit celle d’être la voix des victimes d’actes criminels depuis l’assassinat de ma fille Julie, en 2002. Au cours des 14 dernières années, qui ont filé trop vite, malgré un travail soutenu et bien nécessaire, j’ai consacré toute mon énergie à tenter de faire progresser et respecter les droits des victimes d’actes criminels d’un océan à l’autre dans notre pays.

Lorsque j’ai été nommé au Sénat par le premier ministre Stephen Harper en 2010, j’avais en tête un objectif bien précis : celui de doter les victimes d’actes criminels d’une charte qui garantirait la reconnaissance et le respect de leurs droits trop souvent négligés, sinon oubliés, par les institutions fédérales et le système de justice canadien. C’est donc le 23 avril 2015 que j’ai eu le privilège et l’honneur de faire adopter dans cette Chambre, le projet de loi C-32, instaurant la Charte canadienne des droits des victimes d’actes criminels.

Puisque j’ai moi-même cheminé dans notre système de justice lors des procédures judiciaires liées au meurtre de Julie, j’ai rapidement été préoccupé par l’énorme déséquilibre entre les droits des accusés et ceux des victimes et de leurs familles. Cette préoccupation m’habite encore et m’habitera toujours.

En 1982, le Canada a incorporé dans sa Constitution la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci compte 17 articles qui offrent des garanties juridiques aux accusés et aux personnes condamnées afin de les protéger de tout traitement cruel, tout procès inéquitable, toute fouille abusive et toute arrestation injustifiée. Ces droits inscrits dans notre Constitution, issus des leçons que nous avons tirées du passé, sont cruciaux pour garantir le respect des droits de la personne dans un État de droit comme le nôtre.

Cependant, j’ai toujours trouvé anormal, injuste même, que notre Constitution ne prévoie aucune disposition traitant spécifiquement des droits des victimes d’actes criminels. Cette lacune juridique a suscité chez les victimes, au fil des ans, un manque de confiance envers notre système de justice et nos institutions fédérales, et surtout un sentiment d’injustice. Grâce à l’adoption de la Charte canadienne des droits des victimes, les victimes d’actes criminels et leurs proches ont enfin obtenu une reconnaissance légale de leurs droits, reconnaissance qu’elles méritent en raison des crimes odieux qu’elles ont subis.

Comme je l’ai souligné dans mon discours à titre de parrain du projet de loi C-32, l’adoption de la charte n’était que le début d’une reconnaissance envers les victimes d’actes criminels. En 2015, comme je le rappelle souvent, la Charte canadienne des droits des victimes était un véhicule qu’il fallait apprendre à conduire, un véhicule qu’il fallait entretenir et avec lequel on devait faire du chemin. Malheureusement, huit ans après son adoption, je constate qu’aucune amélioration n’a été apportée aux droits des victimes d’actes criminels, y compris à la charte elle-même. Il y avait pourtant beaucoup à faire au cours de ces huit années. Le gouvernement Trudeau a eu de nombreuses occasions de proposer des initiatives législatives et il avait la responsabilité de le faire. Hélas, il a choisi de les ignorer.

Il aurait fallu interpeller le gouvernement publiquement à maintes reprises quand il bafouait les droits des victimes. Les victimes d’actes criminels partagent souvent cette image avec moi : depuis son adoption, la Charte canadienne des droits des victimes est maintenue sous respirateur artificiel et le gouvernement garde son pied sur le tuyau d’oxygène. La charte n’est pas morte, mais elle n’est pas forte.

C’est dans ce contexte que j’ai décidé d’agir en proposant ce projet de loi primordial qui, à cause du recul des dernières années, corrigera les lacunes observées afin de faire respecter et de renforcer les droits des victimes d’actes criminels. Pour élaborer ce projet de loi, je me suis d’abord penché sur le remarquable travail de l’ancienne ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels, Mme Heidi Illingworth. Le rapport déposé par son bureau, intitulé Rapport d’étape : La Charte canadienne des droits des victimes, m’a permis d’inclure dans le projet de loi actuel la grande majorité des 15 recommandations que l’ombudsman avait proposées à l’époque.

Dans un deuxième temps, je me suis inspiré des recommandations présentées dans le rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, intitulé Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels, déposé en décembre 2022. Il est important de souligner que ce rapport est le fruit d’une étude lancée par les conservateurs sur les responsabilités du gouvernement face aux victimes d’actes criminels. Cette démarche était d’autant plus cruciale, car le gouvernement a omis de faire la révision quinquennale de la Charte canadienne des droits des victimes en 2020. Ce gouvernement n’a manifestement pas placé les victimes d’actes criminels au cœur de ses préoccupations.

Honorables sénateurs et sénatrices, dans un premier temps, le projet de loi S-265 vise à reconnaître le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes en tant qu’entité légale indépendante, relevant directement du Parlement canadien, plutôt que d’être simplement considéré comme un programme ministériel rattaché à l’autorité du ministère de la Justice du Canada. En tant qu’officier du Parlement, l’ombudsman devra rendre compte de ses activités et des plaintes reçues en soumettant un rapport annuel au Parlement du Canada, au même titre que l’enquêteur correctionnel le fait pour les criminels.

Cette mesure revêt une importance déterminante, car elle garantirait une représentation permanente et un soutien continu aux victimes d’actes criminels au sein de nos institutions fédérales. Pour illustrer ce point, rappelons que, à la fin du mandat des deux derniers ombudsmans, le poste d’ombudsman fédéral des victimes est resté vacant pendant toute une année, ce qui est inacceptable pour une fonction aussi cruciale, alors que le poste d’enquêteur correctionnel n’a été vacant que durant quelques semaines à ces deux occasions.

Rappelons que, lors des travaux du Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes sur l’étude que j’ai mentionnée plus tôt, l’ombudsman fédéral des victimes actuel a exprimé son soutien vis-à-vis de cette mesure en disant ce qui suit :

Je pense qu’il y a des avantages aux deux approches, mais je pense que rendre des comptes au Parlement confère un mandat plus fort au bureau.

Le but d’un ombudsman est d’avoir une autorité indépendante qui a le droit de remettre en question l’approche actuelle. Il y a un déséquilibre du pouvoir si ce rapport peut être arrêté au ministre de la Justice, qui aborde les questions d’une manière particulière, plutôt qu’à l’organisme plus vaste qui représente les intérêts des Canadiens.

Il s’agit ici du Parlement.

Lorsque nous examinons un sujet aussi important que la justice pénale, la contribution de la gouvernance d’un organisme indépendant plus vaste est appropriée. Comme Mme Illingworth l’a dit, je pense que le fait de s’engager dans cette direction nécessiterait également un portefeuille plus solide. Même s’il ne s’agit pas d’une augmentation substantielle, une augmentation pour renforcer cette capacité serait un avantage supplémentaire qui aiderait considérablement les victimes d’actes criminels.

Ces propos mettent en lumière un point essentiel. S’il relevait du Parlement, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels pourrait bénéficier d’un budget accru, ce qui lui permettrait de mener à bien ses missions : mieux protéger les droits des victimes et assurer leur mise en œuvre dans le respect de la Charte canadienne des droits des victimes.

Je veux également citer un passage du rapport intitulé Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels. Le rapport évoque les commentaires de l’ancienne ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels. Cette dernière a déclaré qu’en raison d’un budget limité et du faible nombre d’employés, le bureau est limité dans son travail, notamment dans la réalisation d’enquêtes systématiques et dans l’examen de questions émergentes et des plaintes des victimes.

(1640)

Le projet de loi S-265 comporte également des modifications directes à la Charte canadienne des droits des victimes. Cette charte serait modifiée pour renforcer certains droits pour les victimes, notamment en remplaçant le « droit au dédommagement » par le « droit à la réparation ». Cela permettrait aux victimes de recevoir une indemnisation. Cette mesure est conforme à l’article 12 de la Déclaration des Nations unies, qui encourage les États à fournir une indemnisation aux victimes lorsque l’auteur de l’infraction est incapable de le faire.

Cette mesure fait également partie des recommandations du rapport d’étape du Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels. Ce droit à la réparation couvrirait la justice réparatrice, les actions symboliques de réparation et le dédommagement des victimes.

De plus, le projet de loi prévoit une nouvelle disposition stipulant que les victimes d’actes criminels pourront recevoir de l’aide si une ordonnance de dédommagement rendue par un tribunal n’est pas respectée. Cette disposition répond à une autre recommandation importante du Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, qui précise que toute victime en faveur de laquelle une ordonnance de dédommagement a été émise a le droit d’obtenir de l’aide pour recouvrer le montant accordé par jugement exécutoire contre le délinquant en cas de défaut de paiement.

Enfin, le projet de loi comprend également un volet de formation destinée à toute personne employée par une autorité du système de justice pénale et jouant un rôle dans la mise en œuvre des droits des victimes. Il est essentiel que les acteurs du système de justice pénale soient pleinement informés et sensibilisés aux nouvelles dispositions de la Charte canadienne des droits des victimes. Après avoir subi d’importantes souffrances, les victimes ont le droit de se sentir écoutées et d’être bien traitées. La revictimisation est un concept trop souvent ignoré, alors que de nombreuses victimes d’actes criminels se sentent revictimisées quand leurs droits ne sont pas respectés ou lorsqu’elles ne se sentent pas écoutées dans leurs démarches.

Le projet de loi S-265 est une initiative indispensable visant à leur garantir une représentation indépendante au sein de nos institutions et à leur offrir le soutien nécessaire pour mieux se reconstruire après avoir fait l’objet d’un acte criminel. Je vous demande donc d’appuyer cette mesure importante pour le bien-être et la justice en faveur des victimes d’actes criminels au Canada.

Honorables sénatrices et sénateurs, le projet de loi comporte une troisième et dernière partie. Cette dernière est un cadre de mise en œuvre ambitieux dans le but de donner un caractère exécutoire aux nouvelles dispositions prévues par ce projet de loi ainsi qu’à la charte elle-même.

Depuis sa mise en vigueur en 2015, je déplore le fait que la charte revêt davantage un caractère symbolique étant donné que ses dispositions ne sont, malheureusement, pas souvent appliquées. Pire encore, il arrive souvent qu’elles ne soient pas respectées.

Je reçois souvent de tristes témoignages de la part de victimes d’actes criminels qui sont découragées par les lacunes en ce qui concerne l’information qu’elles devraient recevoir relativement à leurs dossiers ou par l’absence de considération et de respect pour leurs droits lorsqu’elles souhaitent participer aux procédures judiciaires.

Encore aujourd’hui, les victimes et leurs proches n’ont que très peu de recours pour défendre leurs droits. À cet égard, pour changer les choses et soulager enfin la peine de ces victimes et des familles des victimes, j’ai décidé de proposer dans ce projet de loi un cadre de mise en œuvre afin de tracer la voie pour favoriser le respect de l’exécution des dispositions de la Charte canadienne des droits des victimes.

Ce cadre de mise en œuvre comporte neuf points et plusieurs éléments essentiels. Tout d’abord, il prévoit des mécanismes pour évaluer l’accès des victimes d’actes criminels aux services d’aide et garantir le respect de leurs droits, conformément à la Charte canadienne des droits des victimes.

Ensuite, il établit des recours juridiques disponibles pour les victimes lorsque leurs droits ne sont pas respectés. Le cadre détermine également des normes minimales pour les services de soutien aux victimes, y compris l’aide juridique, sociale, médicale et psychologique. Il instaure aussi une campagne nationale de sensibilisation pour informer les Canadiennes et les Canadiens de leurs droits en tant que victimes d’actes criminels. Enfin, il renforce la participation des victimes dans le système de justice pénale, améliore le processus des libérations conditionnelles en leur faveur et détermine le processus législatif fédéral nécessaire pour mettre ces droits en œuvre.

En résumé, ce cadre de mise en œuvre vise à garantir un meilleur accès aux services pour les victimes, à renforcer leurs droits, à sensibiliser le public à ces questions et à offrir aux victimes des recours en cas de violation de leurs droits, tout en améliorant leur participation dans le système de justice pénale.

J’aimerais vous parler du soutien de la famille d’une victime d’acte criminel à ce projet de loi. Darlene Ryan et Bruno Serre ont perdu leur jeune fille de 17 ans lorsqu’elle a été brutalement assassinée de 72 coups de couteau, il y a maintenant 17 ans. Ils ont dit ce qui suit, et je cite :

Afin que les victimes et leurs familles de victimes puissent avoir une voix forte et puissent être adéquatement représentées dans le système de justice, elles doivent pouvoir s’appuyer sur des droits solides qui leur confèrent cette assurance. La Charte canadienne des droits des victimes doit continuer d’évoluer et d’être bonifiée pour renforcer son utilisation et pour que toutes les instances fédérales qui doivent s’y conformer et avec lesquelles les victimes et leurs proches interagissent aient le devoir inébranlable de la respecter.

Honorables sénatrices et sénateurs, ce discours marque la fin du combat long et soutenu que je mène au Sénat depuis bientôt 14 ans pour faire avancer la cause du respect des droits des victimes d’actes criminels. Le projet de loi S-265, que je vous ai présenté aujourd’hui, incarne la suite du fruit de ma mission et de mon engagement envers les victimes et leurs familles, et ce, au moyen de l’amélioration de la Charte des droits des victimes.

L’importance de ce projet de loi ne saurait être sous-estimée. Il s’agit de garantir une représentation indépendante et un soutien cohérent aux victimes d’actes criminels au sein de nos institutions fédérales. Trop de victimes et trop de familles ont été négligées; leurs droits ont été ignorés et leurs souffrances ont été cruellement minimisées. Les familles de victimes ont traversé des épreuves inimaginables et innommables, et il est de notre devoir de leur offrir le respect, la compassion et la justice qu’elles méritent en mettant à leur disposition une charte solide sur laquelle elles peuvent s’appuyer.

Je tiens à souligner, encore une fois, à quel point il est difficile pour les familles de victimes de surmonter les défis qui se dressent sur leur chemin, au même moment où elles vivent des drames épouvantables. Le système de justice pénale est complexe, souvent impersonnel et indifférent aux souffrances qu’elles ont endurées. C’est pourquoi ce projet de loi revêt une importance essentielle et fondamentale pour ces familles.

Le projet de loi S-265 vise à rétablir l’équilibre en garantissant que les droits des victimes soient respectés, que leurs voix soient entendues et que leurs souffrances soient reconnues.

Chers collègues, nous avons la possibilité de leur envoyer un message clair, sensible et humain en adoptant le projet de loi S-265. Je suis convaincu que vous joindrez votre voix à la mienne pour profiter de cette occasion.

J’aimerais vous lire la déclaration qu’a faite Heidi Illingworth lors de sa participation à notre conférence de presse :

[Traduction]

En tant qu’ombudsman, j’ai constaté que la mise en œuvre de la Charte canadienne des droits des victimes était sporadique et incohérente et que la situation des victimes d’actes criminels n’avait pas fondamentalement changé depuis son adoption. Les possibilités de formation pour les fonctionnaires du système de justice pénale étaient limitées et aucune initiative n’a été prise pour informer les citoyens de leurs droits.

Le projet de loi prévoit un cadre clair pour la mise en œuvre par le ministre en consultation avec les provinces, les responsables de l’administration de la justice et d’autres intervenants. Nous nous en réjouissons.

[Français]

L’adoption de ce projet de loi est une étape décisive pour rendre enfin exécutoires les dispositions de la Charte canadienne des droits des victimes, qui, depuis sa création en 2015, est restée purement symbolique. Ce cadre de mise en œuvre propose des mécanismes d’évaluation, des recours, des normes minimales de soutien, une sensibilisation du public et un renforcement de la participation des victimes dans le système de justice pénale. Il incarne un changement tangible, une promesse de justice pour les victimes d’actes criminels.

(1650)

Honorables sénateurs et sénatrices, je tiens à souligner que ce discours en est un qui marquera possiblement la fin de mon mandat au Sénat. Je suis profondément fier que mon dernier grand combat dans cette enceinte soit consacré à une cause aussi noble que celle d’être la voix des victimes d’actes criminels. Quand je suis arrivé au Sénat, c’était mon engagement et le legs de ma fille Julie. En le quittant, cet engagement continuera de me suivre; je le poursuivrai ailleurs et autrement.

Je laisse derrière moi ce projet de loi, qui est une importante partie de mon héritage et de mon engagement envers les victimes. J’implore chacun d’entre vous de reconnaître l’importance de ce projet de loi, de le soutenir et de le faire adopter, pour que les victimes d’actes criminels au Canada sachent enfin qu’elles ne sont pas seules, qu’elles ont des droits et qu’elles méritent la justice et le respect que notre société peut leur offrir — et qu’elle doit leur offrir.

En conclusion, honorables sénateurs et sénatrices, je vous demande de voter en faveur du projet de loi S-265, non seulement parce que vous êtes des législateurs, mais aussi pour faire acte de compassion envers ceux et celles qui ont tant souffert. C’est notre devoir envers les victimes d’actes criminels, et c’est notre devoir envers la justice.

C’est là l’héritage que je vous laisse. Maintenant, c’est à vous de le faire fructifier. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Bernadette Clement : Votre Honneur, je remercie le sénateur Boisvenu de ce discours émouvant qui fait honneur à sa fille Julie.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Code criminel
La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’honorable Scott Tannas propose que le projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens, soit lu pour la deuxième fois.

 — Avant de commencer, je vous remercie, sénateur Boisvenu. Je sais que nous aurons le temps de célébrer ce que vous léguerez à la postérité. Vous nous laissez un projet de loi pour y faire honneur, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-268. Je parraine pour la première fois un projet de loi d’intérêt public du Sénat. Je suis ici depuis plus de 10 ans, et c’est mon premier projet de loi.

Je tiens à préciser que je siège au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones depuis mon tout premier jour au Sénat. Cette tâche n’a pas toujours été facile, mais cela reste un honneur de travailler avec ses membres sur diverses questions et les obstacles liés à la réconciliation.

J’aimerais remercier les membres des Premières Nations en général, ainsi que le chef Roy Whitney de la Nation des Tsuut’ina et le chef Bobby Cameron de la Fédération des nations autochtones souveraines en particulier, de m’avoir inspiré au départ à parrainer cette mesure au nom de toutes les Premières Nations.

Je me permets de parler de l’objectif du projet de loi. Comme nous en sommes à l’étape de la deuxième lecture, mon discours sera relativement bref. Je serai heureux de répondre à des questions. Je vais essayer de m’en tenir au principe du projet de loi.

En termes simples, le projet de loi confirme la compétence et le pouvoir des gouvernements des Premières Nations pour ce qui est de régir les activités liées aux jeux de hasard sur les terres de leur réserve, et ce, d’une manière qui correspond en tous points à la compétence et aux pouvoirs de la province où la réserve se trouve.

Le projet de loi S-268 donnerait officiellement le contrôle des jeux aux Premières Nations, mais uniquement dans les réserves. Ce ne serait plus les provinces qui auraient le contrôle de ces activités, y compris la délivrance des licences et — c’est là l’aspect délicat — l’appropriation des profits. L’objectif, c’est que les gouvernements dûment élus des Premières Nations contrôlent, sur leurs territoires et dans leurs réserves, l’ensemble des activités et des profits liés aux jeux qui relèvent de leurs domaines de compétence. Cela générerait des recettes de centaines de millions de dollars par année pour les communautés des Premières Nations concernées. C’est ce que le projet de loi vise à faire.

Je vais vous brosser un bref tableau historique pour que vous compreniez la situation actuelle. Il y a environ 40 ans, le gouvernement fédéral a conclu deux accords avec les provinces qui ont eu pour effet de confier à celles-ci le contrôle des jeux ou, comme on les appelait avant, des loteries. Cette délégation des pouvoirs comprenait la modification du Code criminel pour y préciser que seuls les gouvernements provinciaux pouvaient mettre sur pied et administrer des jeux ou, comme on les appelait à l’époque, des loteries.

Bien sûr, puisque c’était il y a 40 ans, il ne semble pas qu’on ait pensé aux Premières Nations ou qu’on les ait prises en considération, pas plus que les gouvernements territoriaux d’ailleurs. Ce n’est guère surprenant étant donné que la Constitution n’avait pas été signée depuis très longtemps à ce moment-là.

Depuis ce temps, les gouvernements des Premières Nations tentent de faire valoir leur droit et leur compétence dans ce domaine en citant l’article 35 de la Constitution et en s’appuyant sur des preuves indiquant que le jeu et les paris font partie de la culture autochtone depuis des millénaires. Ils sont certainement antérieurs à l’arrivée des colons européens et des premiers contacts avec eux.

De nombreuses Premières Nations sont entrées dans l’industrie du jeu dans l’espoir que leur compétence serait un jour reconnue. Elles ont construit des infrastructures et développé une expertise de bonne foi, malgré une relation asymétrique et parfois injuste avec les provinces. Aujourd’hui, il y a plus de 30 établissements de jeux appartenant à des communautés autochtones dans les réserves à l’échelle du pays.

Des générations successives de dirigeants et de délégations des Premières Nations ont discuté avec des ministres qui leur ont assuré que le gouvernement fédéral travaillait à reconnaître les droits et la compétence en matière de jeu sur le territoire des réserves. Des années durant, les dirigeants et les délégations ont été abreuvés de ces belles paroles.

Il est devenu évident que rien ne se passe. Personne ne travaille pour faire avancer ce dossier. Pourquoi? En cette ère de réconciliation, comment l’expliquer? Je suppose que la véritable raison réside dans la difficulté de la tâche : faire ce qui s’impose aura un prix pour ceux qui détenaient auparavant un monopole. Après l’éclatement du monopole, ils devront faire face à une concurrence et innover. Au bout du compte, les recettes seront moins importantes que dans le contexte d’un monopole. Voilà en quoi consiste une réconciliation économique digne de ce nom. C’est difficile.

(1700)

Depuis une dizaine d’années, de nombreux efforts sont déployés en matière de réconciliation, surtout en ce qui a trait à la reconnaissance de notre passé dans toute sa réalité, au financement et à l’essor des gouvernements autochtones, ainsi qu’à l’attribution de ressources et de compétences en matière d’éducation, de culture, de services sociaux et de développement communautaire — tous des domaines coûteux, en passant. Nous avons attribué des compétences et des ressources dans chacun d’entre eux.

Il reste beaucoup de travail à abattre dans tous ces domaines, mais on est vraiment passé de la parole aux actes en ce qui a trait aux affaires autochtones. Je l’ai moi-même constaté au cours de mes 10 années au sein du comité.

La réconciliation économique est plus difficile parce qu’elle vient perturber le statu quo. Elle déloge ceux à qui profitaient les politiques du passé. On parle d’argent, de concurrence accrue et de redistribution des parts du marché. Cependant, chers collègues, il s’agit assurément de la bonne chose à faire.

Après des décennies de suppression inéquitable et injuste des droits et des compétences des Premières Nations et après des années de promesses et d’assurances timides de la part des ministres, maintenant que nous passons d’une réconciliation symbolique à une réconciliation économique concrète, il est temps d’agir. Comme l’a dit, il y a longtemps, John F. Kennedy : « Nous avons choisi [de le faire] non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile. »

Chers collègues, le projet de loi comporte un certain nombre de nuances, et j’espère qu’elles seront étudiées au Comité des peuples autochtones. Je serai heureux qu’on apporte des améliorations à l’étape du comité.

Je m’en tiendrai à cela pour l’instant. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions aujourd’hui, et vous m’entendrez certainement parler plus en détail du projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Merci.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Tannas, j’espérais obtenir un peu plus de détails sur votre projet de loi, car je n’ai pas eu l’occasion de l’étudier en profondeur. D’habitude, à l’étape de la deuxième lecture, j’espère entendre un peu plus de détails.

Avez-vous consulté des gouvernements provinciaux lors de la rédaction du projet de loi sur ce changement radical à l’industrie canadienne du jeu?

Le sénateur Tannas : Non, je ne l’ai pas fait. J’ai l’intention d’inviter les gouvernements provinciaux à venir nous expliquer quels seront les effets de ce projet de loi, sachant qu’au final, c’est une question de souveraineté pour les Autochtones et les Premières Nations. Or, leur souveraineté ne peut pas être reconnue à moitié. Soit nous croyons à la réconciliation et nous respectons leur compétence sur leurs terres, soit nous ne la reconnaissons pas. Nous savons très bien ce que les provinces vont nous dire : cela va leur coûter de l’argent. Il s’agit pour elles d’un manque à gagner sur les jeux d’argent et les paris qui ont lieu dans les réserves. Nous leur donnerons l’occasion de venir s’exprimer à ce sujet. Peut-être que certaines provinces verront cela comme une mesure positive, viable, et qu’elles seront en mesure de l’appuyer.

Comme le gouvernement fédéral n’a pas consulté les Premières Nations lorsqu’il a accordé ce pouvoir aux provinces, nous avons consulté les Premières Nations et reçu l’appui de l’Assemblée des Premières Nations, par l’entremise de son sous-comité sur les jeux de hasard. Cette dernière a d’ailleurs déjà commencé à travailler sur certaines initiatives en ce sens, au cas où le projet de loi serait adopté — mais non, je n’ai pas discuté avec les provinces.

L’honorable Mary Jane McCallum : L’amendement que j’avais proposé au projet de loi C-218, qui a donné lieu au droit inhérent des Premières Nations de s’adonner à des jeux de hasard, a été rejeté au Sénat et n’a pas été adopté.

En quoi le projet de loi diffère-t-il de cet amendement? De plus, inclut-il les jeux de hasard en ligne? Comme vous le savez, aux termes du projet de loi C-218, les Premières Nations au Canada ne peuvent pas participer aux jeux de hasard en ligne et sont littéralement exclues. Les Mohawks, l’Assemblée des chefs du Manitoba et les autres chefs de l’Ontario — c’est en leur nom que je soulève la question — cherchent à corriger cette situation. Pourriez-vous répondre à ces questions?

Le sénateur Tannas : Ce sont toutes d’excellentes questions. En ce qui concerne l’amendement que vous aviez proposé, je crois m’y être opposé. J’avais l’impression qu’il proposait une modification corrélative qui sortait de la portée de ce projet de loi et qu’il fallait y consacrer un projet de loi à part entière, et c’est ce qui est à l’étude du Sénat, à l’heure actuelle. Cela étant dit, je crois que nous pouvons discuter des autres éléments.

En ce qui a trait au jeu en ligne, la première tâche consiste à placer les gouvernements des Premières Nations sur un pied d’égalité avec les provinces. J’ai beau chercher, je ne vois aucune règle régissant le jeu en ligne dans les lois canadiennes. L’Ontario et d’autres soutiennent que les règles qui s’y appliquent sont déterminées par le lieu de résidence de la personne qui s’adonne au jeu en ligne. C’est leur interprétation, mais chose certaine, ce n’est pas du tout clair.

Pour commencer, nous voulions faire en sorte que la loi et le Code criminel autorisent les Premières Nations à exploiter le jeu à l’intérieur de leur réserve. Nous nous sommes bien assurés d’inclure, dans le libellé, qu’elles sont autorisées à exploiter des serveurs de jeu en ligne dans une réserve.

La question de l’interaction de leur compétence, à titre de gouvernement des Premières Nations élu établi sur une réserve, avec celle de telle ou telle province ou de tel ou tel pays est quelque chose qu’il faudra régler par voie de négociation, mais dans un contexte où les autres pays et les autres provinces tenteront de comprendre ce qu’il en est.

L’honorable Karen Sorensen : Sénateur Tannas, acceptez-vous de répondre à une autre question?

Tout d’abord, je tiens à vous remercier du rôle que vous jouez au Comité des peuples autochtones. Par souci de clarté, ce projet de loi protège-t-il les intérêts des Premières Nations qui ne veulent pas de loterie dans leurs réserves? Si ce projet de loi est adopté, les Premières Nations seront-elles toutes obligées de participer à l’industrie du jeu?

Le sénateur Tannas : C’est l’une des nuances que j’ai mentionnées. Lorsque nous avons rédigé le projet de loi, j’avais à l’esprit la légalisation du cannabis. Des communautés des Premières Nations et des communautés inuites nous ont fait savoir qu’elles souhaitaient que le cannabis demeure illégal sur leur territoire, et elles nous ont demandé de faire en sorte que cela puisse être le cas. Je me suis dit que nous pourrions nous trouver dans la même situation et que certaines communautés autochtones ne sont peut-être absolument pas intéressées par cette possibilité.

Le projet de loi offre cette possibilité en affirmant un droit, et les communautés des Premières Nations devront donner un court préavis au gouvernement fédéral pour l’informer de leur intention de l’exercer. Ainsi, les communautés qui ne souhaitent pas exercer ce droit n’auront pas à le faire. Merci de votre question.

[Français]

L’honorable Michèle Audette : Merci beaucoup, sénateur Tannas. Je comprends qu’on utilise beaucoup le terme « réconciliation économique », mais puisque je viens de la communauté de Maliotenam, qui est située à 15 kilomètres de Sept‑Îles... Nous avons fortement refusé d’accueillir un casino, pour des raisons de santé publique, de santé mentale, de crime organisé et ainsi de suite. On parle de plusieurs années.

Aujourd’hui, on voit les effets de tout cela. Même si nous avons refusé, nous avons quand même trouvé des façons de diminuer toute la dépendance au jeu pathologique.

Je me souviens du moment où ce projet de loi a été présenté et j’ai besoin de savoir quels sont les mécanismes qui ont été mis en place. Comme femme innue membre des Premières Nations, tout en sachant que je souhaite que nos nations soient autonomes — nous n’avons pas beaucoup de territoire et parfois, malheureusement, le jeu devient une solution —, vous comprendrez que je ne suis pas à l’aise.

Dans le cas des gouvernements des provinces et des territoires, quels sont les mécanismes mis en place lorsqu’on crée des jeux comme ceux-ci ou qu’on implante des casinos? Le gouvernement doit aussi prendre des engagements sur les plans de la santé mentale et de la lutte contre le crime organisé.

(1710)

En ce qui concerne votre projet de loi, quels mécanismes sont prévus pour s’assurer qu’on ne tiendra pas seulement compte de l’aspect économique, mais aussi d’une réconciliation globale qui inclut la sécurité, la santé et ainsi de suite?

[Traduction]

Le sénateur Tannas : C’est une excellente question, merci.

Permettez-moi de dire que si nous croyons vraiment à la réconciliation et que nous croyons aux compétences des gouvernements autochtones, nous ne pouvons pas leur imposer toute une série de conditions lorsque nous leur remettons quelque chose qui leur appartient déjà. Si nous croyons que cette chose leur appartient déjà, il est difficile de commencer à poser des conditions et à établir des règles.

Les gouvernements autochtones qui sont des acteurs du secteur du jeu le reconnaissent. Une autre nuance du projet de loi est qu’on y envisage la possibilité pour les collectivités autochtones d’établir une commission des jeux autochtone où elles travailleraient ensemble à des normes communes.

Est-ce que l’adhésion à cette commission serait obligatoire d’une manière ou d’une autre ou est-ce qu’elle serait inscrite dans la loi? Probablement pas. Il s’agirait plutôt d’une association qui procéderait à des audits, qui s’assurerait que les normes sont respectées et, dans le cas contraire, qui émettrait des avis à l’intention des consommateurs.

Cependant, l’essentiel est que c’est le travail qui doit être fait par cet ordre de gouvernement qui veut et qui croit qu’il a déjà ces droits, dans certains cas. En fait, il y a une communauté au Québec qui est probablement contre ce projet de loi parce que ses membres craignent que, d’une certaine façon, son acceptation constitue une admission qu’ils n’ont pas les droits qu’ils croient avoir maintenant. Ils fonctionnent comme ils l’entendent et défient quiconque de venir leur dire qu’ils ne disposent pas des droits pour le faire.

Le projet de loi permet également aux gouvernements des Premières Nations, à mesure qu’ils assument leurs compétences, de coopérer à l’établissement du régime de réglementation de leur choix.

Merci.

L’honorable Brent Cotter : Sénateur Tannas, accepterez-vous de répondre à une question ou deux?

Le sénateur Tannas : Oui.

Le sénateur Cotter : Merci.

C’est une initiative fascinante, sénateur Tannas. Elle offre nombre de possibilités fascinantes, ainsi que quelques défis.

Je tiens d’abord à m’inspirer de la sénatrice Batters, si vous me le permettez. En Saskatchewan, il y a des casinos dans environ cinq réserves. Chaque dollar gagné par ces casinos est actuellement remis aux communautés des Premières Nations.

Ensuite, cet argent est distribué proportionnellement à toutes les bandes de la province, même celles dans le Grand Nord qui ne pourraient jamais exploiter un casino même si elles en voulaient un : il n’y aurait pas de clients.

Bien franchement, le fait de donner aux Premières Nations qui se trouvent dans des emplacements géographiques attrayants le pouvoir d’exploiter leurs propres casinos semble perturber cet arrangement relativement équitable en Saskatchewan. La bande située à l’extérieur de Saskatoon... Mon bon ami et le vôtre, Darcy Bear, administre un casino dans la Première Nation dakota de Whitecap, mais l’argent gagné par ce casino est mis en commun dans le cadre d’un accord à l’échelle de la province. Il me semble que votre proposition permet au chef Bear de continuer à exploiter son casino et de garder tous les profits, ce qui serait une bonne chose pour la Première Nation dakota de Whitecap, comme pour certaines Premières Nations autour de Phoenix, par exemple, mais une moins bonne pour le reste de la province.

Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Tannas : Oui, et vous avez raison...

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur la motion no 126 du gouvernement.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Le Sénat

Autorisation aux comités mixtes de tenir des réunions hybrides

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, jusqu’à la fin de la journée le 30 juin 2024, tout comité mixte soit autorisé à tenir des réunions hybrides, les dispositions de l’ordre du 10 février 2022 concernant de telles réunions ayant effet;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénatrice LaBoucane-Benson propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Duncan :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, jusqu’à la fin de la journée le 30 juin 2024, tout comité mixte soit autorisé à tenir des réunions hybrides, les dispositions de l’ordre du 10 février 2022 concernant de telles réunions ayant effet;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot Hartling
Audette Jaffer
Bellemare Klyne
Black Kutcher
Boehm LaBoucane-Benson
Boniface Lankin
Boyer Loffreda
Burey MacAdam
Busson McCallum
Cardozo Mégie
Clement Miville-Dechêne
Cordy Omidvar
Cormier Osler
Cotter Pate
Coyle Patterson (Ontario)
Dagenais Petitclerc
Dalphond Petten
Dasko Quinn
Deacon (Nouvelle-Écosse) Ravalia
Deacon (Ontario) Ringuette
Duncan Saint-Germain
Dupuis Simons
Forest Smith
Francis Sorensen
Galvez Tannas
Gerba Verner
Gold White
Greenwood Woo
Harder Yussuff—58

CONTRE
Les honorables sénateurs
Aucun

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Martin
Batters Mockler
Boisvenu Oh
Carignan Plett
Housakos Poirier
MacDonald Seidman—13
Marshall

Le Code criminel
La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénatrice Verner, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-268, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les Indiens.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Tannas, il y avait une question. Aviez-vous terminé de poser votre question, sénateur Cotter?

L’honorable Brent Cotter : Le sénateur Tannas avait commencé à y répondre. Il m’a répondu en privé, mais je pense qu’il aimerait y répondre devant cette assemblée.

L’honorable Scott Tannas : Si ma mémoire est bonne, vous parliez de l’arrangement en Saskatchewan. D’après ce que j’ai cru comprendre, ce dernier repose sur une formule intéressante qui prévoit qu’un pourcentage revient à la nation hôte et qu’un pourcentage est versé dans la cagnotte destinée à toutes les Premières Nations. Puis, les casinos n’étant pas exploités par les Premières Nations, qui sont évidemment administrés par la province, contribuent aussi à cette cagnotte destinée à toutes les Premières Nations. Il y a une histoire intéressante derrière la négociation de cet arrangement.

(1740)

Le point est le suivant : le projet de loi ne viserait pas à préserver ni à torpiller une telle formule. Il reconnaît et cherche à affirmer la compétence des communautés. Elles pourront décider de ce qu’elles feront. Si un modèle de redistribution de la richesse s’impose, elles pourront prendre cette décision. Si un modèle de redistribution de la richesse doit être établi dans un domaine comme l’extraction de l’uranium, l’industrie pétrolière et gazière ou l’industrie forestière — pour qu’une communauté qui ne se trouve pas à proximité de ces ressources obtienne quelque chose —, elles pourront décider de faire toutes ces choses. Ce n’est pas à nous ni à la province de prendre ces décisions.

Il est probablement juste de dire que l’entente en Saskatchewan — possiblement à la suite d’essais et d’erreurs ou en raison des circonstances — est la plus équitable pour les Premières Nations hôtes et, bien évidemment, pour les Premières Nations non‑hôtes. Ce modèle sera peut-être adopté partout au pays. Cela dit, il revient à ces gouvernements de prendre les décisions, tout comme la richesse est redistribuée dans notre fédération avec des transferts et la péréquation.

Le sénateur Cotter : Si vous me le permettez, j’aimerais vous poser une question sur les champs de compétence, sénateur Tannas. Dans le préambule, il est question des droits intrinsèques des peuples autochtones, comme la sénatrice McCallum y a fait allusion précédemment, sauf que le projet de loi consiste en fait en une délégation de pouvoirs au titre du Code criminel. Cela pique ma curiosité.

De plus, le libellé du projet de loi indique que lorsqu’une Première Nation fait part au gouvernement du Canada de son intention d’établir un régime de jeu dans sa réserve, aux fins de ce régime, cette Première Nation est réputée ne pas faire partie de la province dans laquelle elle est située. Je suis étonné du caractère singulier de cette disposition législative selon laquelle, dans certaines circonstances, une Première Nation ne fait plus partie de la province. J’aimerais que vous m’expliquiez ces formalités liées aux champs de compétence.

Le sénateur Tannas : Oui. Cela fait partie du défi de la réconciliation. Il en sera probablement ainsi pour des choses comme les services sociaux à l’enfance et à la famille, l’éducation, la santé et toute une variété de domaines au fil du temps, et il faudra alors s’en occuper.

Tout ce que nous souhaitions faire, et c’est la chose la plus simple à faire aujourd’hui, c’était de faire en sorte que les gouvernements autochtones des réserves aient des compétences identiques aux provinces. C’était la chose la plus simple à faire. Avec le temps, il pourrait y avoir d’autres manières de procéder. À un moment donné, il se pourrait que des provinces ne soient plus d’accord et que nous devions élaborer un programme national en matière de jeu. Qui sait? Chose certaine, je ne voudrais pas que d’autres belles paroles au sujet d’un programme national en matière de jeu qui « un jour, peut-être » inclurait les Premières Nations nous empêche de poser aujourd’hui un geste à la fois simple et élégant.

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Tannas : Oui.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je comprends l’intention derrière ce que vous essayez de faire et j’y suis généralement favorable. Les détails et les conséquences seront toujours importants, et je sais que le comité y travaillera et qu’un certain nombre de choses pourront être proposées.

J’ai quelques questions. Je vais les poser de manière à ce qu’elles soient toutes regroupées en une seule question. Elles font suite aux questions qui ont été posées.

Premièrement, chaque province et les Premières Nations qui y vivent ont actuellement des ententes différentes. Vous semblez connaître celle de la Saskatchewan. Je connais très bien celle de l’Ontario. Comme en Saskatchewan, une partie des recettes générales recueillies par les casinos non autochtones est mise en commun pour être reversée à d’autres Premières Nations. La province n’est pas obligée de le faire, et cela pourrait changer à l’avenir. Je me demande si vous avez examiné cette possibilité.

Deuxièmement, vos recherches vous ont-elles permis de recueillir des renseignements sur les mécanismes utilisés dans les différentes provinces? Il m’apparaît important de jeter un coup d’œil à l’historique de ces pratiques. D’après une brève conversation, je crois comprendre — mais je peux me tromper — que l’Alberta, par exemple, a déjà eu un fonds commun, la fondation Wild Rose, je crois, dont les Premières Nations de l’Alberta devaient bénéficier. La province y a toutefois mis fin. Bref, les démarches des provinces, qui ont souvent souhaité avant toute chose voir le gouvernement fédéral assumer pleinement ses responsabilités à l’égard des Premières Nations, risquent de disparaître.

Je mentionnerai aussi un deuxième point : quand j’étais membre du conseil d’administration de la Société des loteries et des jeux de l’Ontario, j’ai présidé le comité de la responsabilité sociale, qui se concentrait sur le jeu responsable et sur tous les autres volets de la responsabilité sociale. Nous avons reçu des prix, pendant plusieurs années d’affilée, pour le programme consacré au jeu responsable et à la prévention à l’intention des personnes à risque. Votre projet de loi prévoit-il que cela fasse aussi partie du cadre national?

Le sénateur Tannas : En ce qui a trait au premier point que vous avez soulevé, chaque province a un mécanisme différent, et nous n’avons pas consacré beaucoup de temps à l’étude de ces mécanismes parce que nous voulions écarter les provinces de l’équation. C’est que, dans certains cas, la province s’attribue 70 % des profits et envoie une petite portion, selon ce qu’elle décide, à qui elle veut, et elle laisse 15 % des profits à la communauté hôte; il existe une grande variété de systèmes de loteries avec des pourcentages de tous ordres. Ce n’est pas à nous de prendre des décisions à ce sujet.

Dans le cas qui nous occupe, nous transférons la compétence, comme nous l’avons fait avec les provinces. Il n’y a aucune condition. L’entente sur le transfert de ces pouvoirs aux provinces tient sur trois pages, dont deux pages de signatures. Elle n’était pas complexe et ne comportait pas les nombreuses conditions que le gouvernement fédéral disait vouloir dans l’avenir.

Je sais que c’est risqué. Je sais que notre réflexe est de nous dire que nous ne pouvons pas leur faire confiance à ce sujet. Eh bien, je suis désolé, mais nous devons leur faire confiance. Nous devons croire en la capacité des gouvernements autochtones de bien faire les choses. C’est là l’objectif.

À propos du deuxième élément, qui en quelque sorte rejoint le premier, il faut comprendre que, selon moi, les exploitants connaissent leur clientèle, et ils ont mis à exécution l’idée d’une commission autochtone du jeu dont ils seraient tous membres. L’Assemblée des Premières Nations a d’ailleurs adopté une motion visant la création d’un cadre il y a à peine quelques mois. Elle effectue le travail nécessaire pour préparer le terrain.

Les Premières Nations peuvent également s’inspirer de l’exemple des États-Unis. Lorsqu’on a cédé les droits et le pouvoir aux nations autochtones, il y a eu des perturbations et des bouleversements, et il a fallu qu’une coopérative instaure des normes satisfaisantes et les bonnes politiques. Mais encore là, les nations sont libres de prendre ces décisions. Il s’agit d’activités commerciales qui se déroulent sur leur territoire.

On pourrait passer des mois, voire des années à inventer des règles, des règlements et des conditions pour façonner la manière dont les Premières Nations exerceront ce droit qui, selon eux, leur appartient déjà. Ce n’est pas ce que nous devons faire. Ce n’est pas ce qui a été fait dans le cas des provinces. Nous avons fait confiance aux provinces, nous avions confiance qu’elles instaureraient les règles, les règlements, les systèmes et les modalités de transfert de richesse qui s’imposent. Si nous croyons à cette cause, nous devons faire de même pour les gouvernements autochtones.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Une brève question, sénateur Tannas, si vous le permettez. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a beaucoup entendu parler du déficit d’infrastructures dans les communautés autochtones. Je crois qu’on nous a dit qu’il faudrait 32 ans au gouvernement pour répondre financièrement aux besoins actuels en infrastructures des Premières Nations. En outre, les Premières Nations n’ont pas toutes des sources de revenus et, faute de revenus, elles ne peuvent pas emprunter de l’argent et ne peuvent pas construire les infrastructures dont elles ont besoin.

(1750)

Pouvez-vous nous aider à comprendre comment ces fonds pourraient contribuer à atténuer les problèmes d’infrastructures dans les réserves?

Le sénateur Tannas : Oui. Assurément, pour les réserves hôtes, cela constituerait une importante source de revenus. Le chef Roy Whitney de la Nation des Tsuut’ina estime qu’au cours de l’existence du casino Grey Eagle, l’Alberta a reçu un demi-milliard de dollars de sa communauté, qui aurait pu utiliser ce montant pour des infrastructures de ce genre. L’argent les aiderait à administrer tous les programmes que nous leur refilons.

Cela ne fait aucun doute — il est question de centaines de millions de dollars par an, qui iraient aux communautés pour des activités économiques dans les réserves, où l’on a investi des capitaux pour que cela se produise.

L’honorable Pat Duncan : Le sénateur Tannas accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Je suis ouvert jusqu’à 18 h.

La sénatrice Duncan : Merci. Je vais poser cette question sans avoir une connaissance approfondie de votre projet de loi.

Pendant cette discussion, je n’ai entendu personne parler de la situation dans le Nord, alors que la situation dans les trois territoires est complètement différente. Au Yukon, Diamond Tooth Gerties, à Dawson City, est, à ma connaissance, la première maison de jeu à avoir obtenu une licence au Canada. Selon les restrictions prévues par leur licence, un certain pourcentage de l’argent recueilli doit être investi dans des travaux dans la collectivité, y compris des travaux d’amélioration et de restauration.

Par ailleurs, je vous ai entendu dire que ces mesures s’appliqueraient dans les réserves. Or, nous n’avons pas de réserves au Yukon. Nous entretenons des relations de gouvernement à gouvernement. Comment diable ce projet de loi pourrait-il s’appliquer à la situation du Yukon? Je ne connais pas la situation du Nunavut ou des Territoires du Nord-Ouest. À ma connaissance, leur situation n’est pas la même que pour Diamond Tooth Gerties.

Selon vous, comment ce projet de loi pourrait-il s’appliquer au Nord, plus particulièrement au Yukon?

Le sénateur Tannas : J’en ai parlé dans mon discours, et nous n’avons pas passé beaucoup de temps sur le Nord parce qu’il ne s’y passe pas grand-chose au chapitre du jeu, n’est-ce pas? Ce n’est pas quelque chose... Dans le Code criminel, les territoires ne sont pas mentionnés. Seules les provinces sont mentionnées, pas les territoires.

L’objectif actuel est de nous occuper du jeu dans les réserves des Premières Nations, qui comptent actuellement une trentaine de casinos en activité.

Si les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon ou quelqu’un d’autre a des suggestions, nous en serions certainement heureux. Cependant, d’après ce que nous avons pu constater, il faudrait quelque chose de complètement différent de ce qui se trouve dans le Code criminel et de ce que nous proposons, qui vise expressément les réserves.

La sénatrice Duncan : Sénateur Tannas, Diamond Tooth Gerties a obtenu un permis bien avant l’époque où j’ai eu l’âge légal d’y boire ou d’y jouer — c’est vrai, je vous l’assure. Ces conditions spéciales ont été autorisées par le Canada au moyen d’un permis et elles ont servi de moteur pour le développement économique et touristique pendant toutes ces années. De plus, le Yukon a des relations de gouvernement à gouvernement avec les Premières Nations. Pour toutes ces raisons, ne pensez-vous pas que ce cas mériterait peut-être d’être examiné par le comité ou le groupe responsable de l’étude de ce projet de loi? À cet égard, je n’envisagerais pas de proposer un amendement sans effectuer de vastes consultations — pour revenir au point de la sénatrice Batters — auprès des gouvernements du territoire et de la Première Nation. Il faut au moins inclure ces trois parties.

Le sénateur Tannas : Nous ne cherchons pas à compliquer davantage les choses. Je ne présumerai pas que vous pouviez boire ou non en 1985, mais ces ententes et ce transfert de responsabilités ont eu lieu en 1985. Donc, le casino Diamond Tooth Gerties a probablement obtenu son permis avant que les responsabilités ne soient transférées aux provinces. Est-ce exact?

D’une façon ou d’une autre, rien de tel ne se passe dans le Sud avec les jeux de hasard des Premières Nations. De toute évidence, un permis fédéral a été accordé d’une façon ou d’une autre, et c’est sur cette base que les opérations se déroulent. C’est un cas unique, et nous ne cherchons pas à résoudre ce problème. Je n’entends même pas dire que c’est un problème. J’ai plutôt entendu dire que tout fonctionne à merveille, alors je ne vois pas pourquoi nous voudrions nous y attarder s’il n’y a pas de problème à régler.

Cependant, ce qu’on nous dit, c’est qu’il y a un gros problème au sein des 30 communautés des Premières Nations qui exploitent les jeux de hasard à l’heure actuelle. Il y a un problème avec le partage des recettes et les ententes unilatérales décidées par une seule partie, c’est-à-dire la province, qui ne laissent d’autre choix aux Premières Nations que de dire oui à l’entente, quelle qu’elle soit.

L’honorable Mary Jane McCallum : Je voulais revenir au projet de loi C-218. Ce projet de loi et les changements apportés aux dispositions sur les jeux de hasard et la façon dont la province gère ce secteur ont eu une incidence sur la façon dont les Mohawks, les autres chefs de l’Ontario et l’Assemblée des chefs du Manitoba peuvent faire respecter les droits inhérents concernant les jeux de hasard. Lorsque nous avons parlé aux Mohawks, ils nous ont dit qu’il leur est actuellement impossible de faire respecter ces droits inhérents. En Ontario, les dispositions seront contestées en cour, en février 2024.

Nous sommes maintenant saisis du projet de loi C-218 et de votre projet de loi. Ces deux projets de loi pourront-ils coexister? Comment les Premières Nations pourront-elles appliquer ces deux projets de loi à la fois?

Le sénateur Tannas : Il est neutre sur le plan technologique. Le projet de loi ne mentionne pas si oui ou non une Première Nation a le droit d’organiser des paris en Ontario. Le projet de loi ne dit pas qu’elle n’en a pas le droit, mais il ne dit pas non plus qu’elle en a le droit.

C’est le même problème que les provinces ont entre elles. C’est le même problème que nous avons avec les Bahamas. Il s’agit de gouvernements souverains qui ne savent pas comment protéger l’industrie du jeu sur leur propre territoire dans le monde actuel.

Les tribunaux sont probablement la meilleure solution, mais, à mon avis et selon le conseiller législatif à la rédaction, ce projet de loi n’aura aucune incidence, positive ou négative, dans un sens ou dans l’autre.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le consentement n’est pas accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je vais quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

La Loi sur les mesures économiques spéciales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Ratna Omidvar propose que le projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales (disposition des biens d’un État étranger), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales. Le projet de loi dont vous êtes saisis vise à modifier la Loi sur les mesures économiques spéciales afin de mettre en place un mécanisme juridique permettant de saisir et de réaffecter les biens appartenant à un État étranger qui trouble la paix et la sécurité internationales et de rediriger ces biens vers les victimes dont la vie a été brisée.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie fournit un contexte clair pour cette proposition. La Russie a lancé une guerre inutile, illégale et brutale. Elle a détruit la vie et les moyens de subsistance de centaines de milliers de personnes — des pères, des frères, des mères, des sœurs et des enfants ont disparu. Des villes ont été réduites à l’état de ruines et des infrastructures ont été bombardées. Des gens ont été capturés et torturés, et on n’entrevoit toujours pas la fin du conflit.

Mais le pire des crimes est peut-être l’enlèvement de milliers d’enfants. Selon The Globe and Mail :

Au cours de l’été 2022, la Russie a lancé un programme coordonné visant à amener des enfants — en particulier ceux qui vivent dans des orphelinats et des foyers d’accueil — de l’ensemble des zones occupées d’Ukraine dans des camps d’été en Russie, à des centaines de kilomètres de là.

Ces enfants n’ont pas été rendus à leurs parents en Ukraine, mais ont plutôt été mis en adoption en Russie. Ce crime est si odieux que la Cour pénale internationale a lancé des mandats d’arrestation contre M. Poutine et sa commissaire aux droits des enfants, Mme Lvova-Belova.

La semaine dernière, nous avons assisté avec horreur à l’attaque brutale du Hamas en Israël. Bien qu’il n’y ait aucune preuve que la Russie a fourni des armes au Hamas, nous savons qu’elle soutient cette organisation. En mars dernier, par exemple, la Russie a accueilli à Moscou une délégation de dirigeants du Hamas et, par ailleurs, la Russie n’a toujours pas condamné le Hamas pour sa brutalité. Nous voyons donc, une fois de plus, que la Russie recherche le chaos. Elle souhaite déstabiliser le monde et l’ordre fondé sur des règles tel que nous le connaissons.

Pour toutes ces raisons et beaucoup d’autres, nous devons tenir les États voyous comme la Russie responsables de leurs actes, mais nous devons le faire en créant des moyens légaux. Il est difficile de quantifier la misère de l’Ukraine en argent, mais la Banque mondiale estime que le coût de la guerre s’élève à 600 milliards de dollars.

L’Ukraine elle-même estime qu’elle a besoin de 7 milliards de dollars d’aide par mois et ces chiffres continuent d’augmenter de manière exponentielle puisque la Russie refuse de mettre fin à ses opérations militaires et continue de cibler la population et les infrastructures civiles, ce qui enfreint les ordonnances de la Cour internationale de Justice et les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont été rendues en mars 2022.

Pendant que la guerre se poursuit, la communauté internationale condamne presque d’une seule voix l’agression de l’Ukraine par la Russie et souhaite la reconstruction de l’Ukraine. Le 14 novembre 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution ES-11/5, reconnaissant que, aux termes du droit international, la Russie devra réparer les dommages qu’elle a infligés à l’Ukraine quand la guerre sera terminée.

Cependant, compte tenu du refus total de la Russie de se conformer aux ordonnances judiciaires internationales jusqu’à présent, il est peu probable qu’elle respecte les jugements futurs qui accorderaient une réparation des dommages à l’Ukraine. Même si des paiements étaient négociés un jour, c’est maintenant que l’Ukraine a besoin d’argent. C’est pour cela que le temps presse. Il faut trouver maintenant les fonds nécessaires pour réparer les dégâts actuels avant que les dommages causés à l’économie de l’Ukraine et de son peuple deviennent irréversibles. En pareil cas, la Russie gagnerait même en ayant perdu la guerre.

Je tiens à rappeler aux sénateurs mon projet de loi précédent, la loi sur la réaffectation des biens bloqués. L’esprit de ce projet de loi a été adopté par le gouvernement dans sa loi d’exécution du budget de 2022.

Ses principes et les principes du nouveau projet de loi sont les mêmes. Premièrement, la guerre menée par la Russie est illégale, et, par conséquent, la Russie doit rendre des comptes. Deuxièmement, la Russie doit payer le prix de la misère et des dommages qu’elle a volontairement infligés à l’Ukraine. Troisièmement, la Russie doit payer maintenant et non à un moment indéterminé dans le futur.

Grâce à la loi précédente, qui a été adoptée par le Canada, notre pays est désormais légalement en mesure de saisir les avoirs gelés de fonctionnaires étrangers corrompus ou d’entités non étatiques et de s’en servir pour alléger les souffrances des personnes qui ont été touchées. Le gouvernement utilise actuellement ce pouvoir pour saisir les biens des oligarques russes. En décembre dernier, conformément aux nouveaux pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, la ministre des Affaires étrangères a décidé de saisir et de demander qu’on confisque 26 millions de dollars appartenant à Granite Capital Holdings Ltd, une société de Roman Abramovich, et elle cherche à confisquer ses biens par le biais des sanctions prévues dans la Loi sur les mesures économiques spéciales.

En février de cette année, le gouvernement fédéral a décidé de confisquer l’Antonov-124, un avion-cargo russe appartenant à une filiale de Volga-Dnepr Airlines et au groupe Volga-Dnepr. Cet avion a été cloué au sol à l’aéroport international Pearson de Toronto au début de la guerre et il est encore stationné sur la piste.

Comme le visait la loi, ces dossiers sont maintenant devant les tribunaux afin d’assurer l’application régulière de la loi pour ces biens privés. S’ils sont confisqués, ces actifs pourront être utilisés pour fournir les fonds nécessaires pour aider les victimes de l’agression russe et demander des comptes aux agresseurs.

Toutefois, comme nous le savons tous au Sénat, ce sont toujours les détails d’une mesure législative qui posent problème. Donc, même si la nouvelle loi est en vigueur et qu’on l’applique aux biens des oligarques, elle s’empêtre dans d’autres lois lorsque vient le moment de confisquer et de saisir des biens appartenant à un État étranger, mais situés en territoire canadien.

Les biens appartenant à un État, en particulier les biens d’une banque centrale, représentent le gros des sommes en jeu, des sommes qui sont nécessaires à la reconstruction de l’Ukraine. Depuis le début de la guerre, environ 300 milliards de dollars de biens appartenant à l’État russe ont été gelés par les pays du G7. Vous voudrez sûrement connaître la valeur des biens de l’État russe détenus au Canada en ce moment. À la fin de 2021, juste avant que la Russie ne déclenche cette guerre, leur valeur totale s’élevait à 16 milliards de dollars, ce qui dépasse largement, soit dit en passant, la valeur totale des biens des oligarques russes au Canada. À titre préventif, je suppose, la Russie a transféré 16 milliards de dollars de biens du Canada vers la Belgique, où ils se trouvent gelés en ce moment.

Je suis incapable d’affirmer avec certitude la valeur des biens de l’État russe qui sont toujours au Canada. J’ai entendu dire qu’elle est probablement négligeable. Vous vous direz peut-être « pourquoi s’en faire, alors? ». Qu’il s’agisse de 1 dollar ou de 16 milliards de dollars, les principes et l’objectif de mon projet de loi s’appliquent, et sont les suivants : créer une voie légale afin que le Canada puisse saisir les biens d’un État et, plus important encore, créer un précédent juridique sur lequel d’autres pays aux vues similaires pourront s’appuyer.

Cette démarche est urgente. Comme vous le savez sans doute, la plus grande source de soutien à l’Ukraine en chiffres absolus — les États-Unis — se bute à un obstacle politique dans la poursuite de son soutien à l’Ukraine avec l’argent des contribuables. L’opposition à l’aide à l’Ukraine semble être devenue un coup de sonde pour certains de l’extrême droite. Comme l’indique le New York Times, les républicains purs et durs font valoir dans leurs arguments isolationnistes que :

[...] l’envoi de dizaines de milliards de dollars à Kiev [en Ukraine] risque d’entraîner les États-Unis dans un conflit frontal avec la Russie et de détourner l’argent des difficultés intérieures [...]

(2010)

L’élection présidentielle aux États-Unis à la fin de 2024 sera un moment décisif, non seulement pour les États-Unis ou pour nous, mais surtout pour l’Ukraine.

Comme nous le savons également, ce sentiment ne se limite peut‑être pas aux États-Unis, car le nationalisme populiste connaît une résurgence dans de nombreuses régions du monde. Par conséquent, l’adoption du projet de loi, qui vise les riches actifs de l’État russe, sera surveillée de près par d’autres qui souhaiteraient continuer à soutenir l’Ukraine, mais qui pourraient faire face à des réalités nationales les obligeant à trouver de nouvelles sources de financement pour ce pays.

Les 300 milliards de dollars d’actifs gelés de la Russie constituent une source de financement, mais les actifs gelés ne sont techniquement utiles à personne parce qu’ils sont gelés. Ils sont immobilisés. En juin de cette année, le gouvernement britannique a annoncé qu’il maintiendrait les fonds russes immobilisés jusqu’à ce que la Russie indemnise l’Ukraine. L’Union européenne a également annoncé qu’elle ferait de même, mais qu’elle pourrait transférer à l’Ukraine les bénéfices réalisés sur les fonds russes.

Ce ne sont, au mieux, que des demi-mesures. Elles laissent simplement ces actifs dans une situation incertaine dans laquelle ils ne servent à personne. Ces actifs resteront probablement gelés longtemps après la fin de la guerre, à moins qu’une nation ait l’audace et le courage de faire le premier pas et de les saisir.

Comme le Canada a probablement sur son territoire peu d’actifs de l’État russe, il est bien placé pour saisir l’occasion d’adopter une approche peu risquée mais très efficace, et donner ainsi l’exemple que d’autres suivront. Être le premier pays à agir de la sorte nous assure un rôle de leader extraordinaire sur la scène mondiale, puisque nous aurons l’occasion d’expliquer les raisonnements qui sous-tendent cette approche à l’échelle internationale ainsi que la méthode permettant de la mener à bien à l’échelle nationale.

C’était le but visé par la première mesure sur la saisie et la confiscation que j’ai proposée, qui a depuis été adoptée. Depuis que le Canada a posé ce geste audacieux, d’autres se sont rassemblés autour de cette idée.

L’Ukraine a évidemment sa propre loi sur les actifs de l’État russe. Au Royaume-Uni, des mesures législatives ont été proposées dans les deux Chambres du Parlement. Pour sa part, l’Union européenne a formé un groupe de travail « gel et confiscation ». Quant au Parlement européen, il a adopté une résolution qui demande à la Russie de dédommager l’Ukraine en raison de la guerre, et il soutient que les actifs russes gelés pourraient être confisqués légalement, conformément au droit international.

Aux États-Unis, le Congrès a adopté des modifications à la loi visant à permettre la vente et le traitement des actifs des oligarques russes faisant l’objet de sanctions et des entités soutenant Poutine afin qu’ils soient utilisés au bénéfice du peuple ukrainien. L’Estonie est le premier membre de l’Union européenne à présenter une mesure législative nationale visant à saisir et à réaffecter les actifs des oligarques russes au bénéfice de l’Ukraine.

Comme je l’espérais, cette pierre canadienne qui roule amasse beaucoup de mousse. Il s’agit d’un exemple unique et d’actualité où le Canada, en tant que puissance moyenne, trace la voie à suivre aux autres.

Toutefois, un obstacle se dresse sur cette voie. Permettez-moi de le qualifier d’obstacle technique de nature juridique. Comme nous le savons, il existe des limites qui restreignent la façon dont le Canada et tout autre État peuvent traiter les biens d’un autre État, qu’il s’agisse d’actifs bancaires, de biens immobiliers ou d’autre chose. Le principe de l’immunité souveraine constitue un précédent au titre du droit international, qui prévoit qu’un État souverain ne peut être poursuivi devant les tribunaux d’un autre État souverain sans son consentement.

En ce qui concerne plus particulièrement le Canada, ce principe est établi dans la Loi sur l’immunité des États, qui dit que « [...] l’État étranger bénéficie de l’immunité de juridiction devant tout tribunal au Canada ». Par conséquent, si le gouvernement du Canada devait entamer des procédures judiciaires pour confisquer les biens d’un État étranger, ce dernier pourrait invoquer son immunité par rapport à de telles procédures au motif qu’aucun tribunal canadien n’a compétence pour instruire quelque procédure que ce soit concernant un État étranger, ce qui bloquerait toute tentative de la cour de rendre une ordonnance à l’égard des biens de cet État.

À première vue, on dirait que cela nous empêche de saisir et de réaffecter les biens de l’État russe parce qu’il s’agit d’un État souverain.

Selon le régime actuellement prévu par la Loi sur les mesures économiques spéciales, on peut saisir et réaffecter des biens par l’entremise des tribunaux. Je pense que nous convenons tous que, dans le cas des biens détenus par des particuliers ou des entités non étatiques, il faut respecter les procédures établies avant que l’État procède à la saisie. C’est un principe fondamental au Canada.

Cependant, étant donné que ce processus est administré par les tribunaux, les biens de l’État russe sont exclus des procédures de saisie et de réaffectation en raison des dispositions législatives sur l’immunité des États souverains.

Compte tenu de cet obstacle, des juristes au Canada, y compris Allan Rock, ancien procureur général, et Rob Currie, spécialiste réputé, ainsi que des juristes de l’extérieur du Canada, dont Jamison Firestone, Tetyana Nesterchuk, Laurence Tribe et Yuliya Ziskina, ont signalé une approche différente qui est incluse dans cette proposition.

Bien que la Loi sur l’immunité des États limite les poursuites judiciaires contre un autre État, sa portée ne s’étend pas aux actions du pouvoir exécutif, comme les décrets du Cabinet. Ainsi, les biens de l’État sont à l’abri des poursuites judiciaires, mais ils ne sont pas à l’abri des actions du pouvoir exécutif. Le projet de loi dont nous sommes saisis modifie la Loi sur les mesures économiques spéciales afin de permettre la confiscation des biens de l’État par le pouvoir exécutif, créant ainsi deux voies de saisie, l’une par les tribunaux pour les biens individuels et l’autre par le pouvoir exécutif du gouverneur en conseil. Voyez-le comme deux autoroutes ayant la même destination, mais suivant des tracés différents.

L’article 5.41 du projet de loi indique que le gouverneur en conseil peut, par décret, faire confisquer au profit de Sa Majesté du chef du Canada tout bien visé par décret pris en vertu de l’alinéa 4(1)b) qui appartient à un État étranger ou est détenu ou contrôlé, même indirectement, par lui.

L’ajout de cette disposition donne expressément au gouvernement le pouvoir de saisir et de confisquer des biens détenus par un État étranger. Pour que les mesures prévues dans la Loi sur les mesures économiques spéciales ne contreviennent pas à la Loi sur l’immunité des États, la loi est modifiée par adjonction, après le paragraphe 5.4(1), de ce qui suit :

(1.‍1) L’ordonnance rendue au titre du paragraphe (1) ne peut viser des biens appartenant à un État étranger ou détenus ou contrôlés par lui, même indirectement.

Chers collègues, cette disposition remplacerait le processus judiciaire par le pouvoir exécutif pour la saisie et la confiscation des biens d’un État seulement dans les cas où les conditions sous-jacentes aux termes de la Loi sur les mesures économiques spéciales ont été satisfaites. En d’autres mots, il doit y avoir une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales ou des violations graves des droits de la personne.

Soyons clairs : la Loi sur les mesures économiques spéciales permet déjà la saisie des biens d’un État, mais le mécanisme comporte des lacunes. Le projet de loi ne vise qu’à modifier le mécanisme juridique afin que la loi puisse atteindre ses objectifs déclarés si le Canada choisit de saisir et de réaffecter les biens d’un État souverain.

Certains feront valoir qu’une telle approche est contraire aux conventions internationales voulant qu’un État ne puisse pas tout simplement saisir les biens d’un autre État sur son territoire. Pourtant, le fait que la Russie a violé le droit international avec son invasion illégale de l’Ukraine n’est pas vraiment remis en question. Dans leur rapport intitulé Leading by Example, Allan Rock, Rob Currie et Fen Hampson soutiennent que les attaques armées d’un État contre un autre État arrivent en tête de la liste des manquements aux normes impératives et constituent une violation directe du droit international. S’abstenir de livrer une guerre d’agression est une grande règle du droit international. Ils précisent aussi ce qui suit :

[...] comme nous posons des questions sur les violations du droit international, il est essentiel de nous concentrer sur la violation directe du droit international qui a mené à la situation suivante : l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Dans sa résolution ES-11/1 de mars 2022, l’Assemblée générale des Nations unies déplore « […] dans les termes les plus énergiques l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine en violation du paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte […] », soit l’article qui est considéré comme la pierre angulaire de la Charte de l’Organisation des Nations unies. La résolution a été appuyée par 141 pays. Seulement 5 ont voté contre. Vous l’aurez bien deviné, il s’agit de la Russie, du Bélarus, de la Corée du Nord, de la Syrie et de l’Érythrée.

(2020)

Dans un article d’opinion publié par le Washington Post, trois éminents leaders d’opinion américains — Lawrence Summers, ancien secrétaire au Trésor américain et ancien président de l’Université Harvard; Philip Zelikow ainsi que Robert Zoellick, ancien président de la Banque mondiale — soutiennent que les quelque 300 milliards de dollars provenant des biens saisis de la banque centrale russe pourraient être réaffectés légitimement à la reconstruction de l’Ukraine. Voici comment ils justifient cette position :

Les détenteurs de biens russes sont autorisés, en vertu du droit international des contre-mesures étatiques en cas de violation grave du droit international, d’annuler leurs obligations à l’égard de l’État russe et d’utiliser les fonds de ce dernier pour payer la dette de la Russie.

Se basant là-dessus, les trois hommes vont encore plus loin et laissent entendre que le Canada et d’autres États aux vues similaires sont non seulement autorisés à agir pour contrer l’agression russe, mais sont en réalité tenus de le faire.

En outre, l’article 41 du texte Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite confirme que le Canada et d’autres pays peuvent invoquer les contre-mesures prévues dans le chapitre 11 de cet accord.

Le principe qui sous-tend les contre-mesures permet à un État, en l’occurrence le Canada, de suspendre une obligation qu’il a en vertu du droit international dans le but de forcer l’État contrevenant à respecter de nouveau ses obligations internationales légales. Dans ce cas-ci, la Russie a violé le droit international en envahissant l’Ukraine et en n’offrant aucune indemnisation pour la dévastation qu’elle a causée. S’il s’agit d’une contre-mesure valable, alors en soi, la saisie des actifs de l’État ne constitue pas une infraction au droit international. Au contraire : il s’agit d’une réponse valable et respectueuse des lois à la violation, par la Russie, des normes fondamentales interdisant à un État de monter une attaque armée contre un autre État.

Il existe un précédent pour ce genre d’intervention. Comme le soutiennent les avocats Jamison Firestone, Tetyana Nesterchuk et Yuliya Ziskina :

[...] le précédent de contre-mesures le plus applicable est le transfert des fonds de l’État irakien pendant la guerre du Golfe, en 1992. Après que les Irakiens aient envahi le Koweït en 1990, l’ancien président des États-Unis, George Bush, a publié, en octobre 1992, un décret ordonnant à toutes les banques américaines détenant des fonds appartenant à l’État irakien de transférer obligatoirement ces fonds à la Federal Reserve Bank de New York, conformément à une résolution des Nations unies demandant l’indemnisation des victimes de cette attaque. Non seulement le décret autorisait la Federal Reserve Bank de New York à recevoir ces fonds de même qu’à les garder, à les investir ou à les transférer de manière à satisfaire la résolution des Nations unies, il le lui ordonnait et l’y obligeait.

Le Canada a déjà appliqué des contre-mesures. Par exemple, après l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, le Canada a suspendu les droits de pêche accordés aux Soviétiques dans sa zone économique exclusive. Après qu’un avion de la compagnie Korean Air Lines eut été abattu, en 1983, le Canada a suspendu les droits d’atterrissage de la compagnie aérienne soviétique Aeroflot. Le Canada a encore eu recours à des contre-mesures pour protester contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud, puis une nouvelle fois dans les années 1990, en réponse au conflit qui faisait rage en Serbie.

Il ne fait aucun doute que cette proposition établirait un précédent, mais il s’agit d’un précédent positif. Les normes de réponse aux agressions, aux crimes de guerre et aux génocides sont mises à l’épreuve à l’heure actuelle dans le monde comme rarement auparavant. Si des États qui songent à commettre de tels actes d’agression voient que leurs actes entraîneraient rapidement de graves conséquences, comme la saisie de leurs actifs souverains, ils sont beaucoup plus susceptibles d’y penser à deux fois avant d’agir.

En somme, si le Canada et d’autres États occidentaux veulent réduire le nombre de crises comme celle qui frappe l’Ukraine, il faut envoyer un message sans équivoque à la communauté internationale selon lequel les agissements de la Russie ne seront pas tolérés. L’hésitation et les tentatives d’apaisement ne font qu’envoyer des signaux qui encouragent les agressions. Je crois que les pays du monde ont eu tort de chercher l’apaisement après l’invasion de la Crimée par la Russie en 2014, comme nous le savons tous aujourd’hui.

Je reconnais que saisir les biens d’un État, notamment ceux d’une banque centrale, est une mesure extraordinaire. Cependant, nous vivons une époque extraordinaire. Si nous manquons de détermination, si nous n’agissons pas dans le cadre de la loi pour tenir la Russie responsable, nous risquons de permettre à d’autres États voyous ayant des ambitions territoriales d’agir en toute impunité.

Par conséquent, ce projet de loi fait appel au droit national, conformément aux mécanismes du droit international, comme moyen de dissuasion. Il vise à faire respecter la primauté du droit dans l’ordre juridique international.

La Russie ne peut invoquer le droit international, car elle en a violé tous les principes. Laurence Tribe, qui est probablement le plus éminent constitutionnaliste des États-Unis, a écrit ce qui suit à ce sujet :

Ce serait un cruel paradoxe de refuser à l’Ukraine les fonds dont elle a besoin au nom du respect de la « souveraineté » et des « droits de propriété » de la Russie, sachant que cette dernière a choisi de bafouer [ceux] du peuple ukrainien.

Pour en venir à ce que fait la Russie dans ce domaine, en avril 2023, Poutine a signé un décret autorisant la Russie à exproprier les biens de pays hostiles — c’est-à-dire tous les pays qui ont pris des sanctions contre elle, notamment, bien entendu, le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’ensemble des pays de l’Union européenne, le Japon et la Corée du Sud.

Le 23 septembre, lors de la visite du président Zelenski au Canada, le Canada et l’Ukraine ont convenu de créer un groupe de travail du G7 sur la saisie et la confiscation des biens de l’État russe. Le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui permettra de faire avancer ces efforts. Le gouvernement ukrainien soutient cette mesure.

Iryna Mudra, vice-ministre de la Justice de l’Ukraine, écrit :

Le gouvernement ukrainien considère les biens souverains russes comme la principale source d’indemnisation des victimes de la guerre illégale menée par la Russie, et nous sommes très reconnaissants au Canada d’avoir pris l’initiative sur cette question importante et d’avoir créé un précédent clair dont d’autres pays pourront s’inspirer.

Chers collègues, le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui oblige la Russie à rendre des comptes. Il crée une voie juridique permettant au Canada et aux autres pays qui nous suivront d’utiliser les biens de l’État russe pour dédommager l’Ukraine. Il le fait d’une manière qui tient compte des besoins de l’Ukraine aujourd’hui et non à un moment ultérieur. Il traduit les sentiments exprimés par le président Zelenski devant notre Parlement le mois dernier, lorsqu’il a déclaré que le Canada était une lumière « brillante » pour le reste du monde. Soyons cette lumière et brillons non seulement par nos aspirations, mais aussi par nos actions.

C’est aussi un signal d’alarme pour d’autres acteurs malveillants. J’ai parlé principalement du contexte entourant la Russie et l’Ukraine, mais le projet de loi modifierait la Loi sur les mesures économiques spéciales en général, ce qui permettrait de prendre des mesures semblables contre d’autres acteurs étatiques malveillants qui commettent des crimes de masse. J’espère que c’est clair. La Russie et l’Ukraine ne sont pas mentionnées dans les modifications.

Avant de conclure, je souhaite remercier les nombreux conseillers qui m’ont aidé à naviguer dans ces eaux troubles. Il s’agit d’universitaires, d’experts en politique étrangère et de juristes internationaux originaires du Canada, des États-Unis, du Royaume‑Uni et de l’Ukraine. Je les appelle mon état-major parce que je sais qu’il faut un village pour élever un enfant législatif, surtout lorsque cet enfant est un projet de loi d’initiative parlementaire.

En leur nom et au nom des nombreuses victimes de la guerre russe en Ukraine, je vous demande votre soutien. Merci.

L’honorable Denise Batters : Sénatrice Omidvar, j’ai deux questions à vous poser. Tout d’abord, faisant partie des 1,4 million de Canadiens d’origine ukrainienne, je souhaite que ces actifs russes soient saisis rapidement et correctement afin qu’ils ne puissent pas être utilisés pour financer la guerre illégale et brutale de Poutine contre l’Ukraine. Pourriez-vous expliquer brièvement ce que ce projet de loi fait que la mesure législative gouvernementale dont vous avez parlé et qui a été adoptée dans la récente loi d’exécution du budget ne fait pas?

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Batters, je vous remercie de votre question. Le projet de loi crée un mécanisme juridique qui permettrait au gouvernement du Canada de saisir des biens de l’État russe. Comme je l’ai dit, en principe, il existe désormais deux règles : une consiste à passer par les tribunaux pour saisir des biens individuels, alors que l’autre consiste à recourir à des actions du pouvoir exécutif. La Loi sur l’immunité des États actuelle confère à tous les États étrangers l’immunité devant les tribunaux canadiens.

Je dirais que le projet de loi précise la proposition qui a déjà été acceptée par le gouvernement du Canada.

La sénatrice Batters : Dans votre discours de ce soir, vous avez dit que la valeur des actifs russes au Canada était probablement « négligeable ». Je me demande simplement sur quoi vous vous fondez pour dire cela, car je ne pensais pas que c’était le cas. Lorsque nous entendons parler de temps à autre de biens appartenant à des oligarques qui pourraient se trouver au Canada, il semble que nous entendons dire que les mesures prises par le gouvernement canadien jusqu’à présent n’ont eu, concrètement, que des résultats relativement limités.

(2030)

Je pensais qu’en fait, très peu de biens avaient été saisis jusqu’à présent au Canada. Pourquoi pensez-vous qu’il n’en reste qu’une quantité négligeable?

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, sénatrice Batters. En décembre 2021, juste avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine, les comptes publics de la Russie indiquaient que 16 milliards de dollars d’actifs de la banque d’État russe se trouvaient au Canada. La Russie a ensuite transféré 16 milliards de dollars vers la Belgique, sans doute à titre préventif, comme je l’ai dit. Il s’agit d’informations publiques que j’ai glanées.

Ce que j’ignore, c’est si la Russie possède encore des biens au Canada, à l’exception, peut-être, de son ambassade.

L’honorable Yuen Pau Woo : Sénatrice Omidvar, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Omidvar : Certainement. Je vous remercie, sénateur.

Le sénateur Woo : Votre discours arrive à point nommé puisque nous venons tout juste de recevoir la réponse de la ministre des Affaires étrangères au sujet de l’étude sur les sanctions liées à la loi de Magnitski. Vous vous souvenez peut-être que l’une des conclusions du rapport, c’est que l’efficacité de notre régime de sanctions, particulièrement des sanctions autonomes — ce qui comprend la loi de Magnitski et d’autres éléments que vous avez mentionnés — reste à prouver. Nous ne savons pas avec certitude si les sanctions ont un effet, c’est-à-dire si elles atteignent les objectifs qui avaient été fixés, soit de changer les comportements et ainsi de suite.

Je soutiens fortement l’idée des réparations de guerre, dans la lignée de ce qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. J’ai toutefois quelques doutes au sujet de votre proposition.

Je commencerai par un préambule avant de poser ma question, car j’ai l’impression que nous parlons de l’importance de respecter le droit international, mais que ce que vous proposez serait, essentiellement, un pouvoir exécutif permettant d’outrepasser le droit international reconnu, ce qui me semble miner la position de principe selon laquelle il est important de respecter le droit international.

Dans les faits, la plupart des actifs de la banque centrale — environ 70 % — sont en dollars américains, quelque 20 ou 30 % sont en euros, le reste est en yens japonais et peut-être en d’autres petites devises, et une petite somme est conservée en or. C’est donc dire que la grande partie des actifs étrangers de toute banque centrale sera détenue aux États-Unis.

Cela me fait réfléchir lorsque vous dites que nous devrions donner l’exemple. Pas pour nous, parce qu’il y a vraiment très peu d’actifs de banques centrales détenus au Canada. Je m’interroge sur le type de message et de leçon, pour reprendre votre expression, que nous transmettons aux États-Unis, qui ont utilisé leur pouvoir de saisie des actifs des banques centrales d’une manière qui est peut‑être moins édifiante que vous l’affirmez.

L’exemple de l’Irak n’est pas particulièrement encourageant quand on pense à la suite des événements en Irak et à la façon dont l’argent aurait pu être utilisé pour la reconstruction. L’exemple de l’Afghanistan est particulièrement décourageant, car les actifs de la banque ont été saisis essentiellement pour payer les Américains à la suite de l’événement au World Trade Center.

Qu’est-ce qui vous permet de penser que cet exemple, qui visera surtout les Américains, sera utilisé d’une manière qui, en fait, respecte le droit international et qui favorise la paix et la courtoisie dans le monde plutôt que la multiplication des conflits?

La sénatrice Omidvar : Merci, sénateur Woo. J’essaie de répondre à la question. Permettez-moi de tenter d’y répondre.

Votre première question est de savoir si la mesure va à l’encontre des normes internationales. Je vais simplement répéter ce que des personnes bien plus sages que moi ont dit. Encore une fois, Laurence Tribe, un célèbre avocat constitutionnaliste américain a déclaré que la Russie ne peut pas se cacher derrière les normes internationales alors qu’elle enfreint elle-même chacune de ces normes.

En ce qui concerne la question de savoir si nous faisons cela afin que les États-Unis nous imitent, nous savons tous que le système américain est un système « friand de décrets présidentiels », si je peux employer ce terme. Les Américains ont tendance à utiliser régulièrement ce genre de mesure.

Notre proposition est différente, car même s’il s’agit d’un pouvoir exécutif qui entraîne la saisie d’actifs, il doit s’inscrire dans le cadre de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Ces deux conditions doivent être respectées. Il doit y avoir une atteinte à la paix et à la sécurité internationales et des violations flagrantes des droits de la personne.

La proposition envisagée aux États-Unis reflète en fait cette proposition et inscrit le pouvoir exécutif, soit la saisie des biens d’un État, dans le droit interne. Nous avons une longueur d’avance sur eux, si je puis dire, car c’est précisément ce que nous faisons. Il ne s’agit pas d’un pouvoir exécutif de cow-boys, fait n’importe comment. Il s’agit d’un pouvoir exécutif qui repose sur certaines conditions et certains critères.

J’espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur Woo : Je pense que la question que j’ai posée à la toute fin de mon intervention était claire, mais j’aimerais savoir plus précisément ce qui vous donne l’assurance que nos amis américains, qui seront le principal pays à utiliser cette initiative que vous proposez, s’en serviront en suivant l’exemple donné par le Canada. En effet, nous ne serons pas les principaux visés par l’initiative.

Qu’est-ce qui vous donne l’assurance que les États-Unis ne l’utiliseront pas d’une manière qui viole le droit international et compromet les perspectives d’un pays simplement à cause d’un désaccord politique?

J’espère que ma question était très claire cette fois-ci.

La sénatrice Omidvar : Oui, très claire. Si les États-Unis suivent notre exemple en inscrivant dans le droit national leur mesure législative sur la saisie des biens de l’État, comme nous le faisons, nous les aurons mis sur la bonne voie.

Le sénateur Woo : Comment pouvez-vous imaginer que les États-Unis suivront notre exemple en adoptant une loi semblable alors qu’ils sont la première puissance mondiale ?

La sénatrice Omidvar : Les États-Unis participeront aux activités de ce groupe de travail que la vice-première ministre a mis sur pied. Des juristes, des universitaires et d’anciens fonctionnaires en feront également partie. Je ne vais pas présumer de ce que feront les États-Unis.

Par ailleurs, sénateur Woo, je crois que ce projet de loi ne s’applique pas qu’aux États-Unis. D’autres pays ont gelé des avoirs bancaires de l’État russe, y compris le Royaume-Uni et le Japon. La situation des pays européens n’est certainement pas facile, compte tenu de leur position dans la région et de leur dépendance envers la Russie pour toutes sortes de choses. Je ne crois pas vraiment que cela s’applique seulement aux États-Unis. D’autres pays sont également concernés.

Comme je l’ai dit, une pierre canadienne qui roule peut amasser de la mousse.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales (disposition des biens d’un État étranger). Étant donné que la sénatrice Omidvar a fait un excellent travail pour expliquer les aspects juridiques, y compris en répondant à des questions intéressantes sur ce projet de loi, je vais concentrer mes observations sur certains coûts qui découlent de la guerre illégale, non provoquée et génocidaire déclenchée contre l’Ukraine par la Russie. J’aborderai plus précisément comment les biens de l’État russe actuellement gelés et disponibles pourraient déjà servir à compenser les coûts de cette guerre.

Le 24 février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine. Il s’agit d’une agression non provoquée, illégale et génocidaire contre un pays souverain. C’est la pire attaque contre un pays européen depuis la Seconde Guerre mondiale. La résistance du peuple ukrainien a été immédiate et héroïque. Contre toute attente, et à la surprise de nombreux pays, l’avancée de l’armée russe — si vantée par la Russie — a été interrompue par les Ukrainiens, qui refusaient d’accepter la défaite et ont utilisé tous les moyens dont ils disposaient pour se mobiliser et se défendre. Nous avons tous en tête les images saisissantes des tracteurs ukrainiens qui tiraient des chars russes capturés.

Le Canada a immédiatement condamné cette attaque injustifiée et scandaleuse de l’Ukraine par la Russie. C’est une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et une violation des obligations de la Russie en vertu du droit international et de la Charte des Nations unies. D’autres pays, pour qui le respect de la primauté du droit international est également primordial, ont aussi condamné cette attaque illégale.

Comme la sénatrice Omidvar l’a souligné, les droits de la personne et le droit international sont les pierres d’assise de son projet de loi. Passons donc aux droits de la personne.

La résolution ES-11/3 adoptée le 7 avril 2022 par les Nations unies a suspendu le droit de la Russie de siéger au Conseil des droits de l’homme parce que l’Assemblée générale était :

Gravement préoccupée par la crise des droits de l’homme et la crise humanitaire en cours en Ukraine [...] y compris des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme et des atteintes à ces droits [...]

Elle a exigé que la Russie retire ses troupes de l’Ukraine. Toujours en ce qui concerne les droits de la personne et le droit international, le 12 octobre 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution ES-11/4, notant que l’annexion des oblasts de Donetsk, de Kherson, de Louhansk et de Zaporijia par la Russie était « invalide et illégale en vertu des lois internationales » et exigeant que la Russie « retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire de l’Ukraine », dont elle violait l’intégrité et la souveraineté territoriale.

(2040)

Dans le cadre de la réponse des pays occidentaux à l’invasion génocidaire de la Russie et à la résistance ukrainienne qui se poursuit encore aujourd’hui, les pays du G7 ont imposé de nombreuses sanctions à la Russie et, conformément au droit international, ils ont décidé de geler les biens russes se trouvant sur leur territoire. En octobre de cette année, les pays du G7 ont annoncé que ces biens — évalués jusqu’à présent à environ 300 milliards de dollars américains — resteront gelés jusqu’à ce que Moscou verse des réparations de guerre à l’Ukraine.

Cette nouvelle est parvenue peu après que la Belgique eut annoncé qu’elle allait récupérer environ 2,3 milliards d’euros d’impôts sur les biens russes gelés sur son territoire en 2023 et 2024, et qu’elle allait utiliser cet argent pour aider l’Ukraine autant sur le plan militaire qu’humanitaire. La Belgique a fait bande à part par rapport à l’Union européenne avec cette initiative, car elle applique son propre code fiscal aux biens gelés.

Voici ce qu’on peut lire dans Bloomberg à ce sujet :

[...] l’Union européenne et les pays du Groupe des Sept sont encore en train de discuter d’un plan visant à imposer les bénéfices générés par les actifs souverains russes immobilisés et à acheminer les revenus vers Kiev.

Mercredi, la secrétaire du trésor des États-Unis, Janet Yellen, a appuyé l’idée, la qualifiant de « proposition raisonnable » qui diffère de la saisie de l’argent.

Commentant cette mesure, le président Zelenski a noté que « la Belgique est devenue le premier pays à commencer à utiliser les actifs russes immobilisés pour soutenir la protection contre le terrorisme russe. »

Le 12 octobre, peu après l’annonce de la Belgique, le gouvernement estonien a approuvé un projet de loi qui, s’il est adopté par le Parlement, permettrait le transfert à l’Ukraine de nombreux actifs russes immobilisés.

Chers collègues, c’est un rappel pour le monde occidental du coût abominable du terrorisme à l’échelle mondiale et de la nécessité d’agir vigoureusement pour défendre les valeurs qui sous-tendent la primauté du droit international. En Ukraine, nous avons vu une puissance impérialiste — la Russie — lancer une guerre non provoquée, illégale et génocidaire contre un État souverain et pacifique.

Plus récemment, nous avons vu avec horreur une organisation terroriste massacrer des centaines de civils innocents, puis utiliser son propre peuple comme bouclier humain contre les représailles. Au cours de l’histoire, on a souvent constaté que le mal, lorsqu’on n’y réagit pas, entraîne la tragédie. Nous avons la responsabilité de contribuer à une réaction vigoureuse et de faire de notre mieux pour éviter les conséquences tragiques de l’inaction.

Je remercie la sénatrice Omidvar de nous donner l’occasion de fournir notre part d’efforts grâce à ce projet de loi.

Honorables sénateurs, pour l’Ukraine et les Ukrainiens, les coûts humains, sociaux et financiers de la guerre sont énormes. Ils comprennent les coûts qu’impliquent les combats, les coûts sociaux et humanitaires, et les coûts liés aux infrastructures essentielles au maintien de la vie et de l’économie. En outre, il y aura des coûts pour la reconstruction.

On s’attend à ce que la reconstruction de l’Ukraine et l’aide à sa population coûtent des centaines de milliards de dollars, peut-être même plus de 1 billion de dollars américains, selon la durée de la guerre, son intensité et son étendue géographique.

Il y a également un coût pour la santé mentale des enfants, des familles et des combattants qui ne pourra jamais être calculé avec précision. Chers collègues, comment estimer le montant d’argent nécessaire pour compenser la perte de proches que d’innocentes personnes ont subie et qu’elles continueront de subir, même après la guerre?

Quand on dit « après la guerre », on suppose que c’est l’Ukraine qui l’aura gagnée parce que si c’est l’Ukraine qui gagne la guerre, il n’y aura plus de guerre, mais si c’est la Russie qui gagne la guerre, il n’y aura plus d’Ukraine. L’Ukraine a urgemment besoin de plus d’armes, pas seulement pour provoquer une impasse, mais bien pour remporter la victoire. De plus, il faut rebâtir de toute urgence les infrastructures essentielles détruites par la Russie : les hôpitaux, les routes, les ponts, les écoles, les logements, les services d’approvisionnement en énergie, le réseau d’alimentation en eau, etc. Le gouvernement ukrainien dit que, seulement cette année, il a besoin d’environ 14 milliards de dollars pour financer les projets de reconstruction d’infrastructures essentielles.

La guerre a d’autres coûts, notamment sur le plan environnemental. Selon un article du Washington Post publié le 13 mars 2023, jusqu’à présent, la guerre en Ukraine a causé des dommages à l’environnement évalués à plus de 51 milliards de dollars. Selon ce que je comprends de ces chiffres, le coût de ces dommages à l’environnement vient s’ajouter aux coûts presque incommensurables que je viens de vous indiquer.

Nous savons que de nombreux pays ont réservé des sommes considérables pour aider l’Ukraine. En septembre 2023, le Council on Foreign Relations a indiqué que, depuis le début de la guerre, l’administration Biden et le Congrès des États-Unis ont affecté plus de 75 milliards de dollars américains à l’aide à l’Ukraine.

L’Europe y a consacré une somme similaire, soit environ 72 milliards de dollars américains.

Le 11 juillet 2023, CBC a révélé que, depuis l’invasion de l’Ukraine en février par la Russie, le Canada avait affecté plus de 8 milliards de dollars pour l’Ukraine, y compris une aide militaire de plus de 1,5 milliard de dollars.

D’où vient cet argent dont on a désespérément besoin pour repousser une force qui menace la primauté même du droit international? Il vient des contribuables des pays qui s’efforcent de maintenir la primauté du droit et les valeurs sur lesquelles repose l’ordre international. Bien que la demande ne soit pas déraisonnable, elle alimente des sentiments anti-Ukraine négatifs comme ceux que certains groupes de notre société manifestent ouvertement chez nos cousins du Sud et qui commencent malheureusement à se répandre aussi au Canada.

N’est-il pas raisonnable de demander à la Russie, l’agresseur dans ce conflit, de payer? Pourquoi ne devrait-elle pas commencer à payer dès maintenant?

Les gouvernements des États-Unis, de l’Australie, du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni et de la Commission européenne ont saisi pour environ 300 milliards de dollars d’actifs de la banque centrale russe peu après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’essentiel de cet argent, plus de 200 milliards de dollars, est gelé dans des comptes en Europe. Ces gouvernements ont également saisi pour des dizaines de milliards de dollars d’actifs appartenant à des entités privées et à des oligarques russes.

Les gouvernements du G7 s’entendent avec les Nations unies pour dire que la Russie perpétue une guerre d’agression illégale et que Moscou devrait assumer la facture de la reconstruction. Les experts en droit international et en relations internationales sont du même avis.

Dans un article publié dans Foreign Affairs, l’ancien secrétaire au Trésor des États-Unis Lawrence Summers, l’ancien diplomate américain Philip Zelikow et l’ancien président de la Banque mondiale Robert Zoellick notent ce qui suit :

Parce que [les Nations unies ont] établi que la Russie a gravement enfreint les normes du droit international et que cette violation interpelle la communauté internationale, l’organisation a reconnu aux États membres la légitimité nécessaire pour agir. Elle a aussi établi que la Russie a le devoir de dédommager les États auxquels son agression a causé un préjudice.

Lloyd Axworthy, un nom que tous les sénateurs connaissent, l’a récemment expliqué de façon très simple. Je vais citer un article du Globe and Mail où il dit :

C’est une proposition à la Robin des Bois [...] On prend les avoirs du shérif de Nottingham, qui envoie les gens en prison, et on les redistribue aux gens qui sont affligés par la situation.

Ce même article, qui a paru dans le Globe and Mail en juin 2023, signalait que selon la GRC, en date de février, quelque 135 millions de dollars d’actifs avaient été gelés au Canada en application des sanctions imposées à la Russie. Ne devrait-on pas libérer cet argent pour l’ajouter aux 8 milliards de dollars que le Canada a déjà promis? Ne devrait-on pas se servir de cet argent sur-le-champ pour aider l’armée ukrainienne dans son combat et faire en sorte que la population ukrainienne ait accès à des hôpitaux, à de l’eau potable, à du chauffage et à de l’électricité?

Chers collègues, pour ma part, c’est ce que je crois.

En adoptant le projet de loi S-278, le Canada ira même plus loin que la Belgique. Il fera plus qu’utiliser les intérêts réalisés sur ces fonds pour soutenir l’Ukraine, comme il a été suggéré. Au lieu de nous contenter des profits réalisés sur ces actifs russes, pourquoi ne pas prendre le principal également?

Tous les montants en principal actuellement gelés reviennent déjà de droit à l’Ukraine en vertu du droit international. Ne pas utiliser cet argent maintenant prive l’Ukraine des fonds dont elle a besoin pour survivre à l’hiver qui approche, au cours duquel la Russie attaquera probablement violemment les infrastructures nécessaires pour soutenir la vie des civils.

(2050)

L’Ukraine a également besoin de ces fonds pour acheter l’armement dont elle a désespérément besoin pour mettre fin à cette guerre le plus rapidement possible et sauver ainsi la vie et le gagne‑pain d’un nombre incalculable de ses citoyens.

Chers collègues, n’oublions pas que l’aide que nous fournissons à l’Ukraine dépasse de loin l’investissement dans sa liberté et la réparation des ravages de la guerre. Il s’agit également d’une déclaration et d’un investissement dans la préservation nécessaire de la primauté du droit international, car le conflit en Ukraine ne concerne pas seulement ce pays. Il concerne la façon dont le monde évoluera pour devenir un espace de liberté et de justice ou un espace de violence et de peur absolues.

C’est pourquoi j’appuierai le projet de loi de la sénatrice Omidvar, et je vous exhorte à faire de même. Renvoyons-le au comité, étudions-le bien, puis renvoyons-le à l’autre endroit dès que possible. D’akuju. Merci. Wela’lioq.

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer le projet de loi S-278 de la sénatrice Omidvar, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales (disposition des biens d’un État étranger), qui arrive à un moment opportun.

Cet important projet de loi modifierait la Loi sur les mesures économiques spéciales afin de créer un moyen juridique de saisir et de réaffecter les biens appartenant à un État étranger, y compris les réserves d’une banque centrale, qui porte atteinte à la paix et à la sécurité internationales. Il vise plus particulièrement à saisir ces biens sans ordonnance judiciaire. Ces biens pourront alors être redirigés vers les victimes qui ont souffert aux mains de ces agresseurs.

Je félicite la sénatrice Omidvar pour son leadership visionnaire dans le cadre de ce projet de loi, qui repose sur la conviction que les dirigeants étrangers et les États qui enfreignent les droits internationaux de la personne par la violence, l’oppression, la corruption ou la guerre doivent rendre compte de leurs gestes, et que la confiscation des biens peut être une excellente option pour y parvenir et aider les victimes de ces terribles gestes.

En 2021, le projet de loi S-217 de la sénatrice Omidvar a obtenu l’appui de tous les partis et a franchi l’étape du comité au Sénat. En juin 2022, en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le gouvernement a essentiellement fait sienne son initiative en l’incorporant dans son projet de loi budgétaire. Le projet de loi C-19 a ainsi permis au gouvernement de faire plus que geler les biens de dirigeants étrangers corrompus. Il lui a permis de les saisir et de les rediriger vers les victimes de la persécution et de l’oppression.

Dans sa forme actuelle, la Loi sur les mesures économiques spéciales autorise la saisie des actifs de particuliers au moyen d’un processus judiciaire, mais pas la saisie d’actifs de l’État. Le nouveau projet de loi de la sénatrice Omidvar dont nous débattons au Sénat aujourd’hui élargit cette option en créant une voie légale pour la saisie des biens de l’État.

Chers collègues, pourquoi envisageons-nous des mesures aussi extraordinaires que la saisie des actifs d’un pays étranger? Nous envisageons des mesures extraordinaires parce que nous sommes confrontés à des circonstances extraordinaires. Nous parlons plus particulièrement ici, aujourd’hui, de l’invasion illégale et immorale par la Russie de l’Ukraine, un pays libre, indépendant et démocratique.

Par souci de justice et conformément à nos valeurs et à nos intérêts, nous devons agir. Les fonds saisis en vertu de cette loi et de mesures similaires prises par d’autres pays occidentaux peuvent aider l’Ukraine à se reconstruire après les ravages de la guerre.

Réfléchissons à la destruction que la Russie a provoquée avec son invasion illégale de l’Ukraine, en commençant par les vies perdues. Selon le New York Times et des sources gouvernementales américaines, en date du mois d’août de cette année, environ 70 000 Ukrainiens sont morts et de 100 000 à 120 000 Ukrainiens ont été blessés. Selon ces sources, les pertes militaires russes approchent les 300 000, dont 120 000 morts et de 170 000 à 180 000 blessés.

Il existe des preuves des innombrables crimes et violations commis par la Russie et l’armée russe. Rodrigue Demeuse, un enquêteur, a récemment publié un document à l’intention de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN pour examiner ces violations et présenter de preuves dans trois domaines.

Premièrement, il y a les violations du droit humanitaire international, ce qu’on appelle les lois de la guerre, établi par la Convention de Genève, la Convention de La Haye et autres conventions. La Russie a violé ces lois en tuant délibérément des civils et en ayant recours aux détentions arbitraires, à la torture, aux disparitions forcées et à l’utilisation de boucliers humains. La Russie a eu recours à la violence sexuelle, surtout contre les femmes, mais aussi contre les hommes. La Russie a ciblé et détruit des infrastructures civiles, par exemple, en bombardant un hôpital de maternité à Marioupol en 2022. D’ailleurs, la Russie a empêché le passage de l’aide humanitaire et forcé la déportation de civils, y compris des enfants.

Deuxièmement, la Russie a aussi violé le droit international en matière de droits de la personne, selon plusieurs traités internationaux et conventions. Il s’agit notamment des violations du droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, à l’expression et à la réunion. La Russie a également violé les droits économiques, sociaux et culturels, notamment ceux à l’éducation, à des soins de santé, à la nourriture et à l’eau, de même que des droits environnementaux et bien d’autres.

Troisièmement, il y a des violations du droit pénal international. Un crime d’agression a été commis lorsque la Russie a envahi la nation souveraine et indépendante de l’Ukraine, sans justification, ce qui est une violation claire de la Charte des Nations unies. Il y a aussi des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, et il y a même des preuves de génocide.

Il est clair que la destruction causée par la Russie en Ukraine est colossale. Les pertes humanitaires, y compris les décès, les blessures et les déplacements, affecteront profondément la santé physique et mentale du peuple ukrainien pour de nombreuses années. Et les dégâts physiques causés au pays posent un énorme défi économique. Une étude de la Kyiv School of Economics estimait que les pertes d’infrastructures s’élevaient, en mars 2023, à 143 milliards de dollars américains, soit 70 % du PIB de l’Ukraine. Les dommages causés aux habitations ont été estimés à 54 milliards de dollars américains. Les dommages causés aux routes, aux ponts et aux aéroports représentaient des pertes de 36 milliards de dollars américains. En mars, la Banque mondiale a estimé le coût de la reconstruction future du pays à environ 380 milliards d’euros.

Bien entendu, les alliés occidentaux et les amis de l’Ukraine, dont le Canada, ont fourni un imposant soutien militaire, financier et humanitaire à l’Ukraine depuis l’invasion de février 2022 par la Russie. Je pense que ce soutien se poursuivra.

La semaine dernière, j’ai assisté avec la délégation canadienne à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN à Copenhague, où le sujet de l’Ukraine était au sommet des priorités, notamment parce que le président ukrainien Zelenski s’est adressé à notre séance plénière par vidéo. J’ai senti un soutien fort et soutenu à l’Ukraine parmi les parlementaires des pays de l’OTAN, ce qui m’a beaucoup rassurée. Cependant, j’ai également eu le sentiment inquiétant que cette terrible guerre pourrait se poursuivre encore longtemps. Dans ce scénario, personne ne sait vraiment ce qui va se passer.

Cependant, chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis vise à obliger la Russie à rendre des comptes et à lui faire payer pour les crimes et la destruction dont elle est responsable. La saisie des biens d’un État est le principe fondamental de ce projet de loi qui prévoit que le gouverneur en conseil peut saisir ces actifs si l’on remplit l’une des conditions énoncées dans la Loi sur les mesures économiques spéciales. Ces conditions impliquent la violation du droit international ou des conventions internationales, comme des atteintes flagrantes à la paix et à la sécurité internationales ou des violations graves des droits de la personne, ce qui décrit clairement les actions de la Russie.

Après l’invasion russe, les États-Unis et d’autres pays occidentaux se sont empressés de geler les actifs russes détenus à l’étranger, y compris les biens des oligarques russes et les avoirs de la banque centrale de la Fédération de Russie détenus sur des comptes à l’étranger. La valeur de ces actifs est actuellement évaluée à environ 350 milliards de dollars américains, ce qui comprend 300 milliards de dollars d’actifs de l’État russe et environ 58 milliards d’actifs détenus par des particuliers, d’après des textes publiés par Zelikow, Anderson et Keitner en 2022. Il y a actuellement un débat sur la scène internationale autour de la question suivante : serait-il viable et légal de saisir ces actifs et de les transférer à l’Ukraine, soit pour financer ses besoins actuels, qu’on estime considérables, soit pour financer la reconstruction après la guerre, ou encore pour faire ces deux choses? C’est ce qu’explique Michal Szczerba dans un texte écrit en 2023.

(2100)

Le 4 octobre, il y a quelques semaines à peine, le secrétaire d’État Antony Blinken est intervenu dans ce débat pour confirmer que les Américains examinaient les enjeux juridiques. Le secrétaire Blinken a exhorté les pays européens à aller de l’avant, à saisir les actifs russes et à les transférer. Comme il l’a dit :

Mon point de vue, c’est que si vous le cassez, vous l’achetez. Puisque les Russes l’ont cassé, ils devraient en payer le prix...

Chose certaine, les Canadiens appuient cette initiative importante. Selon un sondage d’opinion publique d’envergure nationale que moi-même et la sénatrice Omidvar avons commandé et qui a été mené par Nanos Research il y a deux semaines à peine, une forte majorité de Canadiens est favorable à ce que le Canada saisisse les actifs canadiens des États étrangers qui portent atteinte aux droits de la personne, et pour qu’il utilise ces actifs pour aider les victimes.

Le sondage montre que 81 % des Canadiens appuient la saisie par le Canada des biens du gouvernement russe détenus au Canada et l’utilisation de ces biens pour aider les victimes de la guerre contre l’Ukraine. De même, 78 % des Canadiens appuient la saisie par le Canada des biens du gouvernement iranien détenus au Canada et l’utilisation de ces biens pour aider les victimes en Iran dont les droits de la personne sont violés.

Le sondage montre que le soutien à ces mesures est élevé dans toutes les régions du pays, chez les hommes et les femmes et dans tous les groupes d’âge. Il est vrai que les Canadiens ont peu de biens appartenant à l’État russe, comme nous l’avons entendu, mais en allant de l’avant avec ce projet de loi, le pays peut aider à créer l’élan nécessaire dans le monde et montrer l’exemple.

En tant que Canadienne d’origine ukrainienne de troisième génération, j’ai de bonnes raisons de soutenir ce projet de loi. Je suis particulièrement heureuse que mon amie et estimée collègue, la sénatrice Omidvar, ait consacré ses efforts à cette cause louable et importante. Puisqu’elle a déjà eu du succès, je suis convaincue qu’elle en aura aussi cette fois-ci.

Enfin, je suis particulièrement fière de l’appui vaste et indéfectible du Canada et des Canadiens à l’égard de l’Ukraine en ces temps difficiles, peu importe le temps que cela prendra. Merci, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko,

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, intitulé Catalyseur du changement : une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus robuste, adopté par le Sénat le 3 novembre 2020, durant la deuxième session de la quarante-troisième législature, proposant que l’Agence du revenu du Canada inclue des questions dans les formulaires T3010 (pour les organismes de bienfaisance enregistrés) et T1044 (pour les organismes sans but lucratif constitués en vertu d’une loi fédérale) au sujet de la représentation de la diversité dans les conseils d’administration en fonction des lignes directrices existantes sur l’équité en matière d’emploi.

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Seidman, le débat est ajourné.)

[Français]

Motion tendant à exhorter le gouvernement à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement fédéral à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé, en vue d’interdire toute discrimination basée sur le racisme et d’offrir à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Un avenir à zéro émission nette

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Coyle, attirant l’attention du Sénat sur l’importance de trouver des solutions pour faire la transition de la société, de l’économie et de l’utilisation des ressources du Canada dans la poursuite d’un avenir juste, prospère, durable et paisible à zéro émission nette pour notre pays et la planète.

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, le débat sur ce point a été ajourné au nom de la sénatrice Clement, et je demande le consentement du Sénat pour que, à la suite de mon intervention, le reste de son temps de parole lui soit réservé.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.

Le sénateur Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour ajouter ma voix à l’interpellation de la sénatrice Coyle sur la transition du Canada vers un avenir carboneutre. Je remercie notre collègue d’avoir lancé cette discussion urgente. Pour citer la sénatrice Coyle, la transition suppose de :

[...] trouver des moyens novateurs et efficaces de s’assurer que les personnes, les collectivités et les régions les plus touchées par la transition vers une économie carboneutre sont prises en considération, qu’elles ont voix au chapitre et qu’elles reçoivent du soutien.

Comme je viens de la Saskatchewan et du territoire visé par le Traité no 4, je suis d’accord. Notre fédération doit accorder la priorité à l’inclusion de l’Ouest canadien, des nations autochtones et de toutes les régions dans les solutions carboneutres et les débouchés économiques. Une transition équitable doit découler d’une priorité et d’un effort à l’échelle du pays, sans que personne ne soit laissé pour compte, et tenir compte des avantages et des défis uniques de chaque région tout en visant des retombées économiques à l’échelle du pays. En travaillant ensemble, notre fédération peut réaliser une transition verte réussie, en soutenant la prospérité des travailleurs canadiens et de leur famille, le bien-être de nos petits-enfants et des générations futures, et le Canada avec tout son potentiel.

Aujourd’hui, j’ajouterai à cette interpellation sur le climat mon point de vue sur trois sujets. Le premier, c’est la voie du Canada vers la carboneutralité, le deuxième, ce sera la contribution et les défis uniques de la Saskatchewan et le troisième, c’est le leadership et la gérance de l’environnement des Autochtones.

Honorables sénateurs, je commencerai par la voie du Canada vers la carboneutralité. En ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques, nous devons réussir. Selon les données scientifiques, nous devons limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels pour éviter les pires conséquences des changements climatiques. C’est d’ailleurs l’objectif de l’Accord de Paris de 2015.

Pour remettre en perspective l’objectif de 1,5 degré, d’après les données scientifiques, l’année 2023 a probablement été la plus chaude des 120 000 dernières années. L’été dernier, le Canada a été touché par des feux de forêt, des inondations et des sécheresses terribles, tous aggravés par les changements climatiques. En septembre, 44 millions d’acres de forêts avaient brûlé au Canada, émettant davantage de carbone que la quantité emmagasinée dans les arbres et le sol. C’est 8,5 fois plus que la vitesse normale. Des incendies ont forcé l’évacuation de Yellowknife, des crues éclair ont frappé la Nouvelle-Écosse et des sécheresses ont fait des ravages dans les Prairies. Des catastrophes climatiques sont également survenues aux quatre coins de la planète, notamment en Europe, où il y a eu des épisodes de chaleur extrême et des incendies qui ont forcé des évacuations en Grèce; aux États-Unis, où sont survenus les incendies de forêt les plus meurtriers en un siècle, à Hawaï, à cause des conditions plus sèches provoquées par les changements climatiques; en Lybie, où des inondations ont tué près de 4 000 personnes et où 9 000 autres sont toujours portées disparues.

(2110)

Les événements de la sorte seront de plus en plus graves, même si nous atteignons notre objectif. Pour que la Terre demeure habitable, il faut que l’humanité atteigne la carboneutralité d’ici 2050. Les Canadiens doivent faire leur part en atteignant cet objectif au pays et en soutenant les efforts internationaux pour le respect de l’Accord de Paris. Nous progressons. Les émissions au Canada en 2022 étaient 6,3 % moins élevées qu’en 2005, malgré une augmentation de la population de 24 % sur la même période. Il est donc évident qu’il est possible d’arriver à des réductions.

Or, l’objectif du Canada pour 2030 est d’arriver à ramener les émissions entre 40 % et 45 % sous les niveaux de 2005. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour y arriver et nous n’avons pas toujours progressé. En 2022, les émissions au pays ont augmenté de 2,1 % par rapport à l’année précédente, en grande partie à cause d’un hiver plus froid, d’une augmentation des émissions provenant de la production de pétrole et de gaz et d’un besoin accru de chauffage dans les bâtiments.

Le Parlement a adopté des lois visant à obtenir des résultats à long terme. Deux des pans du plan de lutte contre les changements climatiques du fédéral sont la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, adoptée en 2018, et la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, adoptée en 2021.

Bien sûr, toutes ces cibles et ces politiques doivent tenir compte des facteurs propres à chaque région. Avec le premier volet, la tarification du carbone encourage la prise de décisions économiques qui visent à réduire les émissions pour contrer l’augmentation des coûts de cette pollution. C’est un principe économique de base : lorsque le prix augmente, la demande diminue.

Par conséquent, nous pouvons nous attendre à une amélioration des résultats avec le temps, si les lois existantes demeurent en vigueur. La loi de 2021 a fait en sorte que le plan pour atteindre nos cibles est assorti d’exigences en matière de transparence et de responsabilité. C’est une approche sensée à l’égard d’un problème que nous devons régler tout en instaurant un climat de certitude pour les entreprises et les consommateurs qui investissent dans la réduction des émissions.

Fait à noter, la tarification fédérale du carbone n’a pas été une première au pays. L’Alberta a d’abord mis en place pour les grands émetteurs le premier régime de tarification du carbone fondé sur les résultats en 2007, puis le Québec a appliqué la première taxe sur le carbone plus tard dans la même année. J’encourage le Parlement à se concentrer sur la lutte contre les changements climatiques. En 2021, j’ai voté pour la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, comme les trois quarts des sénateurs.

Les détails de la tarification du carbone doivent évidemment continuer de faire l’objet d’une évaluation périodique et d’éventuelles modifications. Dans son ensemble, notre fédération doit établir un cadre équitable, élaborer des stratégies propres aux secteurs et obtenir des résultats globaux.

Je note que le gouvernement fédéral prévoit faire participer les provinces, les territoires et les organisations autochtones à un examen provisoire de la tarification fédérale du carbone d’ici 2026. L’examen veillera à ce que la rigueur en matière de tarification soit harmonisée à l’échelle du Canada, en plus d’évaluer les répercussions sur la compétitivité intergouvernementale et internationale. Il s’agit d’une approche responsable si les résultats sont fondés sur de véritables consultations auprès de tous les partenaires.

Nous devons établir des objectifs et des politiques si nous voulons que tout le monde mette l’épaule à la roue et pousse dans la même direction.

Je suis convaincu que toutes les provinces et tous les territoires s’efforceront de faire entendre le point de vue de leurs citoyens, de leurs nations et de leurs régions. Il ne faut pas oublier que notre pays a été fondé en grande partie sur le compromis et la coopération. Les prochains efforts doivent prévoir des consultations préalables approfondies.

Honorables sénateurs, examinons maintenant la contribution et les défis uniques de la Saskatchewan en matière de lutte contre les changements climatiques. Parmi les points forts de cette province, citons le projet de Boundary Dam, la première centrale électrique alimentée au charbon propre au monde, où 5 millions de tonnes de CO2 ont été séquestrées depuis le début de son exploitation, ce qui équivaut à retirer plus d’un million de véhicules de la circulation pendant un an.

Il y a également les technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone, comme le système Aquistore du Petroleum Technology Research Centre, qui a été primé et qui a permis de démontrer l’efficacité du stockage du carbone dans le premier site de stockage de CO2 au monde situé dans un aquifère salin profond.

On prévoit également atténuer les effets des inondations et des sécheresses grâce à la gestion de l’eau et au projet d’expansion de la capacité d’irrigation du lac Diefenbaker, ce qui débouchera sur une agriculture et une transformation alimentaire durables et contribuera à la sécurité alimentaire.

La Grappe des industries des protéines, ou Protein Industries Canada, m’amène à parler d’une autre de nos forces : le raffinage de biocarburants, comme le biodiésel et le biocarburant d’aviation, qui sera effectué à des raffineries en cours de construction.

Soileos est un nouvel engrais à micronutriments durable, non polluant et favorable au climat, qui aide les agriculteurs à accroître leurs rendements tout en recyclant le carbone dans le sol et en favorisant le cycle des nutriments.

Il y a des minéraux critiques, dont l’uranium provenant des plus importants gisements à teneur élevée au monde, pour alimenter des réacteurs régionaux et d’autres réacteurs, ainsi que des petits réacteurs modulaires, et dans notre province, on envisage d’exploiter des sites dans les régions d’Estevan et d’Elbow.

Compte tenu des vastes répercussions des changements climatiques, la Saskatchewan doit aussi faire face à des difficultés particulières en ce qui a trait au développement d’une économie verte.

Plus tôt ce mois-ci, pendant la période des questions, j’ai posé une question sur la proposition du gouvernement fédéral de rendre le réseau électrique du Canada carboneutre d’ici 2035, puisque le ministre Guilbeault a annoncé un projet de règlement en août. J’ai alors indiqué que la Saskatchewan n’a pas accès à des ressources hydroélectriques suffisamment vastes pour pouvoir exploiter des sources d’énergies renouvelables intermittentes comme les énergies éolienne et solaire, alors que 80 % de la population canadienne est déjà desservie par un réseau d’hydroélectricité propre. Par conséquent, il n’y a pas de solution universelle, et il sera extrêmement difficile et coûteux pour la Saskatchewan de respecter les échéances de 2030 et 2035 sur une base comparative.

Même si la Saskatchewan peut atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050, des compromis et un certain degré de collaboration seront nécessaires et utiles d’ici 2050.

J’ai été ravi d’entendre le sénateur Gold dire que le gouvernement fédéral s’engage à travailler avec ses partenaires pour résoudre des problèmes particuliers. J’en déduis que cela inclut la Saskatchewan, un partenaire de cette grande fédération dans laquelle nous tâchons de ne laisser personne pour compte.

La collaboration doit être l’approche privilégiée par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux en place, et ces efforts doivent se fonder sur un engagement commun à lutter efficacement contre les changements climatiques.

Nous devons également nous attendre à une collaboration avec les nations autochtones. Cela m’amène à mon dernier sujet : comment le Canada peut-il tirer avantage du leadership environnemental des Autochtones, notamment de leurs valeurs et de leur compétence ainsi que de leurs ressources qui sont essentielles aux technologies propres.

Les peuples autochtones pratiquent la durabilité et le respect de la nature depuis des temps immémoriaux sur les terres et les eaux que nous appelons aujourd’hui le Canada. Le leadership environnemental des Autochtones commence par la sagesse traditionnelle. Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation dit :

La réconciliation entre les Canadiens autochtones et non autochtones, du point de vue des Autochtones, exige aussi une réconciliation avec le monde naturel. Si les humains règlent les problèmes entre eux, mais continuent de détruire le monde naturel, la réconciliation sera inachevée [...] La réciprocité et le respect mutuel aident à assurer notre survie.

En 2021, le Parlement a réaffirmé les droits inhérents et la compétence des Autochtones en intégrant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au droit fédéral. Ce changement a créé, pour les dirigeants autochtones, d’énormes occasions de contribuer à la prise de mesures efficaces pour lutter contre les changements climatiques. Comme je l’ai mentionné dans notre débat au sujet de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, la réconciliation et l’intendance environnementale sont liées.

En 2020, Mongabay, une publication scientifique environnementale, rapportait qu’à l’heure actuelle, les Autochtones gèrent ou occupent 40 % des aires protégées et des derniers écosystèmes encore relativement intacts sur la planète. Avec une compétence suffisante, les dirigeants autochtones arriveraient à changer le monde en préservant la biodiversité et les écosystèmes essentiels, en plus de limiter les effets des changements climatiques.

Voici quelques exemples d’efforts de conservation menés par des Autochtones qui contribuent aux solutions du Canada axées sur la nature pour lutter contre les changements climatiques en séquestrant le carbone dans le sol et la vie végétale.

En 2019, le parc national Thaidene Nëné a été créé. Il s’agit d’une réserve de 14 000 kilomètres carrés située dans les Territoires du Nord-Ouest, qui est cogérée par la Première Nation des Dénés Lutsel K’e et le gouvernement canadien.

Je mentionne également la forêt pluviale de Great Bear, en Colombie–Britannique, qui couvre une superficie de 64 000 kilomètres carrés; Pimachiowin Aki, qui couvre 29 000 kilomètres carrés de terres boréales à cheval sur la frontière entre le Manitoba et l’Ontario, et qui constitue l’aire protégée la plus vaste du plateau boréal nord-américain; et l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga, qui s’étend sur 108 000 kilomètres carrés au Nunavut.

Honorables sénateurs, de nombreuses nations autochtones se tournent vers l’énergie propre. Par exemple, cette année, en Saskatchewan, le Conseil tribal de Meadow Lake a inauguré la première installation de bioénergie appartenant à des Autochtones du Canada pour chauffer 5 000 maisons à l’aide de déchets de bois provenant d’une scierie située à proximité.

En 2021, toujours dans ma province, la Première Nation de Cowessess a dévoilé un nouveau projet d’énergie solaire afin de devenir la Première Nation la plus écologique du Canada avec 800 panneaux installés sur cinq bâtiments communautaires.

Dans le Nord de la Colombie-Britannique, la nation côtière des Kitasoo/Xai’Xais possède et exploite sa propre petite centrale hydroélectrique à réservoir, qui fournit de l’énergie propre à la collectivité toute l’année, ainsi qu’une installation solaire sur le toit de l’école.

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D’autres nations de la région sont aussi à explorer des projets semblables pour remplacer la production d’électricité à partir du diésel.

Selon l’organisme à but non lucratif Indigenous Clean Energy, géré par des Autochtones, près de 200 projets d’énergie renouvelable de moyenne ou grande envergure, auxquels participent des Autochtones, sont aujourd’hui en cours d’exécution ou en phase finale de planification ou de construction au Canada. En outre, 1 700 à 2 100 microsystèmes ou petits systèmes d’énergie renouvelable sont aujourd’hui en place sous la gouverne d’Autochtones ou dans le cadre de partenariats.

Il existe d’autres possibilités pour les Autochtones en matière d’action climatique, grâce à l’exploitation responsable des minéraux critiques nécessaires aux technologies propres, ainsi qu’à des sites de production d’énergie solaire et éolienne supplémentaires.

L’an dernier, la Banque Royale du Canada a indiqué qu’au moins 56 % des projets d’exploitation des minéraux critiques, 35 % des meilleurs sites de production d’énergie solaire, et 44 % des meilleurs sites d’exploitation de l’énergie éolienne se trouvaient dans les territoires autochtones. Comme je l’ai dit en mai en tant que parrain d’un projet de loi du gouvernement en faveur de la réconciliation économique, les chefs d’entreprise et les investisseurs devraient se bousculer pour consulter les nations autochtones au sujet de ces possibilités.

En conclusion, chers collègues, la lutte contre les changements climatiques est la seule voie vers un brillant avenir pour nos petits‑‑enfants et les générations futures. Le temps presse. Notre génération ne doit pas décevoir les jeunes et ceux qui les suivront, et nous ne pouvons pas non plus décevoir nos semblables.

L’influence du Sénat peut contribuer à favoriser la collaboration au sein de notre fédération pour l’atteinte de la carboneutralité. À cet égard, je remercie la sénatrice Coyle d’avoir contribué à ce que la lutte contre les changements climatiques demeure une priorité, en particulier en période de guerre, de terrorisme impensable, d’inflation et de nombreux autres défis géopolitiques.

Comprenez-moi bien : des progrès sont possibles. Les Canadiens doivent continuer à travailler avec leurs frères et leurs sœurs du monde entier pour sauver notre seul foyer, notre mère la Terre.

Merci, hiy kitatamîhin.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je voudrais poser une brève question au sénateur, s’il le veut bien. Je ne m’étendrai pas sur le sujet, car il est tard.

Le sénateur Klyne : Bien sûr.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Klyne.

Au début de votre discours, je crois vous avoir entendu parler de la pire saison de feux de forêt de l’histoire et des températures les plus chaudes jamais atteintes. Je ne veux pas lancer un débat. Je prendrai peut-être le temps d’en parler à une date ultérieure…

Son Honneur la Présidente : Sénateur Plett, le temps réservé pour le débat est terminé.

(Le débat est ajourné.)

Droits de la personne

Motion tendant à autoriser le comité à déposer ses rapports sur les questions concernant les droits de la personne en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat—Ajournement du débat

L’honorable Salma Ataullahjan, conformément au préavis donné le 28 septembre 2023, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat ses rapports portant sur des questions concernant les droits de la personne en général, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude du cadre législatif et réglementaire de la procréation assistée—Ajournement du débat

L’honorable Ratna Omidvar, conformément au préavis donné le 4 octobre 2023, propose :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 19 mai 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant son étude sur le cadre législatif et réglementaire de la procréation assistée au Canada soit reportée du 31 octobre 2023 au 30 juin 2025.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le cent vingt-cinquième anniversaire de la Loi sur le Yukon

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Pat Duncan, ayant donné préavis le 3 mai 2023 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon, une Loi du Parlement adoptée le 13 juin 1898.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

(À 21 h 26, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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